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CORRESPONDeNCE DE BOECK - HULSTAERT [in French only]
Une querelle linguistique au Congo: Lingala ou lomongo
Editée par Honoré VINCK
From: Annales Aequatoria 15(1994)505-575
Notice biographique: De Boeck;
Hulstaert
PRÉSENTATION
De quelque 200 correspondances que le Père Gustaaf Hulstaert nous a laissées, celle avec
Mgr Egide De Boeck en est parmi les plus importantes. Mgr De Boeck peut être considéré comme le père du lingala actuel, rebantouïsé, livresque, et le Père Hulstaert, l'opposant acharné de tout sabir, donc particulièrement du lingala, qu'il considérait comme l'ennemi numéro un de la culture et de la civilisation autochtones. A part une lettre de 1935, la correspondance accompagne les publications de Mgr De Boeck dans Aequatoria, de même que les réponses polémiques réciproques (1940). Chacun est resté fermement sur sa position, l'un jugeant du point de vue pratique (De Boeck) et l'autre du point de vue idéologique et théorique (Hulstaert). En 1941 Hulstaert consultait De Boeck en vue de l'élaboration de sa Carte linguistique du Congo-belge. Ainsi des données très précises et exclusives y sont réunies concernant les peuples de la Ngiri. Les 11 lettres de Hulstaert totalisent 24 pages, et les 8 de De Boeck 11 pages. Nous possédons aussi 2 petites notes et une carte inédite de la main de De Boeck. Il s'agit de: 1. Listes de mots et comparaison de textes: Lingala-Mabale (Archives Aequatoria 13.2077-2078).
2. "Stammen in het Apostolisch Vicariaat van Lisala" (Tribus dans le Vicariat de Lisala) + Carte de
la Ngiri (Arch. Aeq. 13 2150).
LES CORrESPONDANTS
1. Mgr Égide De Boeck (1875-1944)
Notices biographiques dans Biographie-Coloniale Belge (B.C.B.) V, 87-89 et VI, 74-77. (Voir aussi
Mgr Egide De Boeck) Il séjournait au Congo de 1901 à 1944. Il débuta à la Coloinie Scolaire de Nouvelle Anvers où il restait jusqu'en 1913. Il passe ensuite au Kasaï comme responsable ecclésiastique de 1913 à 1916. De 1916 à 1921, il est en Angleterre et à Louvain où il enseigne e.a. le lingala. En 1921 il rentre au Congo pour y devenir Vicaire Apostolique de Nouvelle Anvers/Lisala jusqu'à sa mort en 1944. La "Proeve eener Bibliographie van de Missionarissen van Scheut" de Grotaerts-Van Coillie, Brussel, 1939, p. 30-31, signale 31 livrets et 24 articles sous son nom.
2. Gustaaf Hulstaert (1900-1990)
Notices biographiques dans: H. Vinck, Annales Aequatoria 12(1991)7-74 (avec bibliographie); H. Vinck, International Dictionary of-Anthropologists, Gerald Publications, New York and London, 1991, p. 313-314 (Ch. Winter, éd.); H. Vinck, Dimensions et inspirations de l'œuvre de Gustaaf Hulstaert, Revue Africaine des Sciences de la Mission (Kinshasa) n. 12, juin 2000, p. 208-236.
Voir aussi la bibliographie de Gustaaf Hulstaert (avec
bibliographie renouvelée et augmentée des publications en lomongo). Il a séjourné au Congo-Belge/Zaïre de 1924 à 1990. Il a vécu exclusivement en pays mongo, qu'il a sillonné principalement entre 1924 et 1951, étudiant langues, us et coutumes, faune et flore. A Partir de 1951, il se fixa à Bamanya (Mbandaka) où il rédigeait la plupart de ses publications. Cofondateur (avec Edmond Boelaert) et rédacteur de la revue Aequatoria (1937-62).
Toute la correspondance était en néerlandais. Des lettres de Hulstaert, nous ne disposons que des doubles dactylographiés, conservés dans les Archives Aequatoria (Correspondances Hulstaert n. 49). Les lettres de De Boeck sont des originaux, conservées au même endroit. Grâce à la traduction faite par le Père Joseph Jacobs, ce document est maintenant disponible à un public non-néerlandophone.
ABRÉVIATIONS
B.B.: Biographie Coloniale Belge/Belgische Koloniale Biografie B.O.B.: Belgische Overzeese Biographie/ B.B.O.M: Biographie Belge d'Outre-Mer Coq.: Coquilhatville (Mbandaka) E'ville: Elisabethville (Lubumbashi) K.O.: Kongo-Overzee N.A.: Nouvel(le) Anvers O.K.: Onze Kongo
Pour des raisons techniques on n'a pas fait la distinction entre le o et le e ouvert et fermé. Dans l'édition parue dans Annales Aequatoria 15(1994) cette distinction a été reproduite comme on la trouve dans l'original. Ce même article contient en outre trois annexes:
(1) La lettre du 6 août 1940 de M. Guilmin à Mgr Van Goethem, se plaignant des "agissements" de Hulstaert;
(2) Considérations de Possoz sur l'article de E. De Boeck sur le lingala dans Aequatoria 3(1940)124-127;
(3) Un essai de M. Guilmin sur la "Langue à employer dans l'enseignement au Vicariat Apostolique de Lisala", 16 janvier 1941 (Archives Aequatoria 13.2189-2193)
SUITE CHRONOLOGIQUE DES LETTRES
Les lettre marques de (DB) sont de Egide De Boeck à Hulstaert, les autres de Hulstaert à De Boeck.
1. 9-4-1935 2. 14-11-1939 3.
3-7-1940 4. (DB)17-7-1940 (réponse à 3) 5.
Août 1940 (réponse à 4) 6. 13-8-1940 (réaction à la lettre de Guilmin) 7. (DB)
19-8-1940 (réponse à 5 et 6) 8. (DB)
27-8-1940 (réaction à l'article de Hulstaert sur le lingala) 9. (DB)
24-9-1940 (transmission information du Père Peeters demandées dans la lettre 3) 10.
23-10-1940 (réponse à 7 et 9) 11. (DB)
6-11-1940 (réponse à 10 12. 28-11-1940 (réponse à 11) 13.
8-1-1941 (réponse à l'envoi de la note à publier). 14. (DB)
18-1-1941 (envoi d'une lettre de l'abbé Bokula réponse à 13) 15.
25-2-1941 (réponse à 14) 16. (DB)
8-4-1941 (réponse à 15) 17. 27-6-1941 (réponse à 16) 18. (DB)
10-3-1944 (réponse à une circulaire de Hulstaert) 19.
25-3-1944 (réponse à 18)
TEXTE DES LETTRES
[Lettre 1] Borgerhout, 9/4/35
Excellence,
Votre étude en Kongo-Overzee (1) m'a inspiré un tel intérêt, que je me permets de vous écrire pour vous demander quelques informations. Moi-même j'ai donné, pendant plusieurs années, des leçons de linguistique à nos étudiants noirs (2), bien que ce fut sur une autre base que celle de votre exposé, mais quand même avec un certain fruit. Vos connaissances cependant en cette matière sont d'une telle importance, que je voudrais m'y intéresser plus à fond. C'est pourquoi vous me feriez un grand plaisir, si vos occupations multiples et difficiles vous le permettent, en me donnant quelques éclaircissements. 1. La dérivation de la terminologie. De quels radicaux (avec leur signification) dérivez-vous ces mots (substantif, adverbes, substitutif, etc)? 2. Vous vous basez sur quoi pour classer des substantifs et des verbes proprement dits sous une même catégorie? D'où cette idée vous est venue? Chez nous aussi beaucoup de substantifs dérivent de verbes. Et je ne vois pas e.a. qu'il y aurait une autre relation de signification entre breuk-breken en flamand et votre mudimi-kudima. La différence dans la formation est sûrement très forte; mais il s'agit ici de la signification. N'est-il pas alors plus pratique de diviser les mots, d'après leur forme et leurs dérivations, en substantifs et verbes, que de les classer selon leurs radicaux et le sens premier de ceux-ci. Ainsi on pourrait en flamand également ranger sous un même groupe: groot, grootheid, vergroten, grotelijks. 3. Le pronom qualificatif a. Moi je le considère comme un possessif, qui se rapproche fort de notre génitif. Aussi chez nous (flamand, français, latin) le génitif peut avoir des significations très diverses, comme quand nous employons e.a. des génitifs d'objet. 4. Le substitutif peut être substantif et adjectif. Pour l'étude du français et du latin n'est-il pas utile de les séparer en pronomina et adjectiva (comme en français). Dans notre lonkundo ces mots ont également la même forme fondamentale. Vous pouvez les grouper ensemble. Le système grammatical courant, aussi dans l'enseignement des langues européennes, se base plutôt sur la fonction que les mots remplissent dans la phrase. Ainsi nous avons des pronomina (substantivaux ou adjectivaux) et des adverbes. Vous les distinguez d'ailleurs aussi: en pronom démonstratif et substitutif, bien qu'au fond les deux formes sont les mêmes et qu'elles ont du moins dans notre langue, et pour autant que je puisse le constater, aussi en Tshiluba, le même sens fondamental, comme kudima et mudimi. Et votre adverbe: nenku etc, ne s'accorde-il pas avec le pronom démonstratif aku, eku etc? Nous connaissons une formation identique en lonkundo. Je saurais extrêmement gré à votre Excellence de m'octroyer ces informations et éclaircissements au sujet de cette longue série de problèmes. Je compte sur votre aide, si du moins vous en trouverez le temps, dans cette étude importante. En attendant je vous remercie déjà d'avance, et vous prie, en vous saluant cordialement, de me bénir. Veuillez croire, Excellence, à toute ma considération respectueuse in C.J. (3).
[Lettre 2]
Coq, le 14 novembre 1939
A Son Excellence Mgr. E. De Boeck, Vicaire Apostolique Lisala
Excellence,
Veuillez m'excuser de venir vous déranger avec la présente. Je dois cependant vous remercier toujours pour la note sur le temps présent (4) dans les langues bantoues, que vous m'avez fait parvenir. J'ai bien l'intention d'y ajouter une note à moi, dans laquelle je marque mon plein accord avec votre point de vue. On verra alors à quand sa parution dans Aequatoria. D'ailleurs c'est de l'évolution des conséquences de la guerre que dépendra la continuation de notre revue. Je crois bien que le papier ne nous manquera pas, même pour l'étendre, comme c'était notre projet au moment où la guerre éclatait. Mais la question se posera au niveau financier: le nombre de nos abonnements se maintiendra-t-il, augmentera-t-il plutôt pour pouvoir soutenir notre revue? Nous avons déjà assez bien d'abonnements, mais encore beaucoup trop peu. De la part du gouvernement, aucun soutien. Des missions, également très peu, sauf ici dans nos environs immédiats (Bikoro, Basankoso). Vous écriviez au P. Jans (5) que vous ne comprenez pas comment je pourrais assimiler le lingombe au lonkundo (6). Evidemment! Je ne crois d'ailleurs n'avoir jamais affirmé chose pareille. Le LiNgombe est bien sûr apparenté au lonkundo, du moins dans sa forme de Basankoso (je ne connais pas d'autres tribus Ngombe), mais il est une langue toute autre. Toutes les deux ont cependant sans aucun doute une même racine linguistique: des langues Nord-Ouest semi-bantouïdes (7). Aussi je n'ai jamais pensé que le lonkundo pourrait servir comme langue véhiculaire chez les Ngombe. Ce que pourtant j'oserais affirmer (bien que, à mon avis, je ne l'ai pas encore fait ouvertement) c'est que si les Ngombe peuvent être instruits en lingala, ils peuvent l'être aussi bien en lonkundo, ce dernier a en outre l'avantage d'être une langue culturelle, ce que l'on ne peut pas dire du lingala -vous en conviendrez vous-même. Cependant j'ai mes réserves quant à l'enseignement du lingala aux Ngombe. On pourrait autant le faire en leur langue maternelle. Là ou des missionnaires prétendent que la langue maternelle ne convient pas et veulent donc se servir du lingala, je n'ai pas d'autre avis que: 1. ils se trompent! 2. Ils n'ont aucun argument contre cette affirmation (m'attribuée à tort: ) comme quoi les Ngombe devraient être enseignés en lonkundo, et que le lonkundo et le lingombe ne diffèrent presque pas. D'autre part, j'oserais bien prétendre que les tribus riveraines (Libinja, Baloi, Bapoto, Basoko, e.a.) pourraient être instruites en lonkundo, bien qu'elles parlent des dialectes nettement différents et ne se comprennent point. Comme il est possible en Europe, je ne vois pas pourquoi il ne le serait pas ici. Et que ces dialectes ne se rapprochent pas autant au lonkundo qu'au lingala, j'aimerais bien qu'on me le prouve. Je ne les connais pas! Je n'ai des notes que sur les Libinja, les Baloi et les Monya, mais ceux-ci peuvent sans aucun doute se servir aussi bien du lonkundo que du lingala, pour ce qui regarde leur degré de parenté. Probablement que c'est cela que je comprends par un enseignement éventuel en lonkundo à des tribus de chez vous. Mais j'ignore où je l'aurais dit ou écrit. Peut-être à l'occasion, j'écrirai une fois là-dessus. Excellence, je pensais devoir vous écrire ceci pour préciser mon point de vue. Puis-je recevoir votre bénédiction S.V.P. Respectueusement vôtre in C.J.
[Lettre 3]
Coq, le 3 juillet 1940
Excellence,
Je me permets de venir vous demander quelques renseignements. En effet, depuis des mois je suis occupé à composer une carte des peuples du Congo (8). Elle devrait servir à l'enseignement dans nos écoles. Pour la plus grande partie du Congo, la composition de cette carte est assez facile, au moyen des données qu'on trouve dans des livres, des revues, etc, et d'informations recueillies personnellement. Il reste cependant un coin particulièrement difficile de notre colonie, et c'est la région de la Ngiri. Les données que je trouve dans les archives de Coq ne m'avancent guère. Je veux bien relever une masse de petites tribus; mais cela déprécierait ma carte totalement, vu son but didactique. Il me faut le plus possible former des groupes plus grands. Comment s'y prendre donc dans votre Vicariat? Les Ngbaka-Ngbandi sont déjà localisés, cela ne pose pas de problèmes. Les Budja aussi sont mis à part: je cherche à les grouper ensemble avec les Mabinza, les Mobango et les Mombeza. Là-dessus je demandais des informations à Bumba. Les Ngombe, + Doko + Bangeza aussi, je les ai déjà "bouclés" ensemble, me basant sur la langue; des autres nous en savons très peu. Reste encore l'angle Nouvel-Anvers-Mobeka-Ngiri-Ubangi. J'ai quelques données sur la langue, recueillies dans le village des pêcheurs à Coq, où à Bamanya chez les écoliers Libinja et Baloi; c'est assez compliqué. Je remarque tout de meme un tas de concordances dans la langue de beaucoup de tribus Ngiri; et j'admets, comme prétendent également les gens ici, que la plupart se comprennent entre eux; bien que les différences, selon mes propres informations, soient plus prononcées que chez nos différentes tribus Mongo. Ce n'est cependant qu'une différence de degrés. Mais la question se pose: dans quelle mesure puis-je me fier ici aux informateurs? Globalement, je pense assez bien, assez pour me faire une opinion, du moins provisoire. Mais toutes les tribus ne sont représentées ici; d'autres le sont que par 1 ou 3 individus qui encore de jour en jour sont à la pêche sur le fleuve. On vient de me raconter que vous avez, vous-aussi, pris des notes sur les dialectes, comme moi j'ai commencé à le faire. Alors donc... je m'empresse à vous écrire pour vous demander des informations là-dessus. Peut-être pourriez-vous me faire un croquis de la façon que vous groupez et distinguez les tribus de la Ngiri. Vous avez sans doute aussi, comme je peux supposer, un tas de données linguistiques, que je pourrais consulter en copie, en vue de les comparer avec les miennes et d'en faire une synthèse pour me carte projetée. Alors viendrait la question de l'appellation de ce groupement de tribus, pour autant qu'il soit faisable. Le nom Bangala ne me plaît pas tant, surtout que les gens mêmes l'attribuent plutôt aux tribus du grand fleuve (Iboko, Boloki, Mabale). Si vous aviez la bienveillance de m'envoyer des notes linguistiques pour consultation, car j'aimerais prendre connaissance de vos données, comme aussi des dialectes des Mabale des Montembo, des Bakula, des Bapoto e.a. Vous en possédez sans doute plus que ce que je ne puisse moi même recueillir ici dans les prochaines semaines ou mois. Avec mes remerciements anticipés pour toute aide, mes salutations cordiales, en vous priant de me bénir. Sincèrement vôtre in C.J.
[Lettre 4]
Lisala, le 17 juillet 40
Révérend Père Hulstaart,
Avant-hier j'ai eu votre lettre du 3 dernier. Vous y parlez d'un "coin difficile" relatif à la composition de votre carte. Je vous crois bien! Une telle mosaïque de petites tribus! Et s'il faut étudier tous ces dialectes ou petites langues, c'est pour en jeter le manche après la cognée! C'est donc ce que j'ai fait plus ou moins. J'ai en effet recueilli quelques notes linguistiques, la plupart des contes, des Iboko, Mabale, Balobo, Libinza, Bamwe, Boloki (dont j'avais des livrets de la mission protestante de Monsembe). Je dis: j'ai... je devrais dire: j'avais; lors de mon départ de Nouvel-Anvers en 1931, je donnais tous mes livrets et notes au feu P. Pollet (9), qui mourut chez les Ngombe. Où est resté son héritage, je ne sais pas. Dans quelques mois, je vais à Nouvel-Anvers et je l'y rechercherai. En tout cas, il ne serait pas difficile de noter d'autres contes. Mais, pour en revenir à ce coin ou cercle Nouvel-Anvers-Mobeka-Budzala-Banga-Bomboma-Dongo-embouchure de la Ngiri-Libanda, je ne saurais trouver une ou plusieurs dénominations communes pour ces nombreuses petites tribus. Bangala? Non, ce ne serait pas exact au point de vue linguistique et ethnographique. Cela veut donc dire que je ne sais pas les grouper ensemble. Je me demande d'ailleurs quelles en sont les conditions. Quoi comprendre sous les termes: peuple, clan, tribu? Je me propose de le demander au P. Edward Peeters (10), qui connaît la région mieux que moi. Saurait-il lui, répartir en groupes les gens de cette région marécageuse (car tout ce cercle précité ressemble à Venise). Je ne connais pas non plus les noms de toutes ces petites tribus. Si vous désirez le savoir je le demanderai aussi. En attendant je peux vous dire ceci: les Iboko (il en reste encore une centaine), les Mabale et les Boloki habitent ensemble, le long ou près du fleuve. Dans l'arrière-pays de Nouvel-Anvers habitent les Balolo (les Bokula sont-ils une petite sous-tribu?). Puis sur la Ngiri ou Mwanda en direction de Bangabola, on trouve les Bamwe, les Dzando (à gauche), les Ntandu, les Ndolo etc, etc. (à droite). En aval: les Nkoto, les Libinza, les Boomana, etc. Plus loin je n'ai jamais été. Libanda pourrait vous le dire. Libanda vous parlera peut-être aussi de "Ngombe", nom facilement donné autre fois (par les blancs) aux terriens, par opposition aux riverains. Je suis arrivé une fois chez ces soi-disant Ngombe, et il me semblait que ces gens parlaient quelque chose comme le Iboko. Je crois qu'habitent là (Imese p. ex.) encore d'autres gens qui parlent une langue apparentée à celle des groupes de Nouvel-Anvers. Le Père Lootens (11) s'est probablement bien trompé quand il vous a dit que les Bapoto seraient des Mongo (12). Ceux de Bumba comprennent les habitants de l'autre rive, disait-il. Oui, mais sur l'autre rive habitent également des Bapoto, tandis que les Mongo sont plutôt à l'intérieur. Or partout les riverains comprennent plus ou moins la langue de leurs terriens. Savez-vous, mon Père, que sur la grande île Nsumba (entre N.A. et Likonongo) il y avait quelques villages Mongo; je crois que l'Etat les a fait déménager maintenant sur la vive gauche, à Bogbonga na ngele. Si vous groupez les Ngombe ensemble, vous pouvez bien y ajouter les Ngombe et les Bobo (et peut-être d'autres encore) de notre mission de Banga. Vous classez les Ngbadi-Ngbaka sous un groupe. Ainsi faisant vous pourriez en exclure encore beaucoup. Il est peut être un peu risqué de réunir les Ngombe-Banganza-Doko (et les Ngbele-Doko) en groupe; les "boucler" ensemble comme vous dîtes! Les noms Motembo et Bapoto pourraient bien désigner la même chose. Des livrets en Lipoto, vous pourriez en avoir chez les protestants d'Upoto; les miens sont quelques part à N.A. Que vous avez de la chance, cher Père, d'avoir un seul peuple et une langue! Ici dans notre Vicariat nous avons une trentaine de langues et des tribus, la plupart de nos missions en comptent de trois à sept! Vous pouvez damner le lingala, et au point de vue linguistique vous avez bien raison; mais nous sommes obligés de nous en servir, comme d'ailleurs le font, soit tout à fait, soit en partie, une vingtaine de Vicariats, et tant de protestants en plus. Là où c'est possible, nous utilisons bien la langue traditionnelle; le ngbaka par ex. et le lingombe (changement de personnel l'a minimalisé) et un bout de catéchisme en ebuza. Mais partout il faut du lingala à côté, même à Coq, je crois. Et il est en plus un fait que rarement les pères apprennent une deuxième langue, quand ils savent se débrouiller avec une autre, surtout si celle-ci est plus facile. J'ai toujours voulu remédier à ce "malum necessarium", si je peux l'appeler ainsi, et, ici chez nous au moins, cela n'est pas dépourvu de succès, surtout dans la langue écrite. Je vous souhaite donc bonne chance, cher Père Hulstaert, dans vos efforts pour l'unification de vos dialectes Mongo! (qui pourrait peut-être bien réussir dans quelques dizaines d'années) et ayez un peu de compassion pour ceux qui se trouvent dans une position bien plus compliqué que la vôtre. Je n'attends pas de publication dans "Aequatoria". Avec meilleurs sentiments d'attachement.
[Annexe à la lettre du 17 juillet 1940]
P.S. Puis-je également vous poser, étant calé en linguistique, une petite question? Vous pouvez, à l'occasion, donner votre réponse dans Aequatoria. Qu'est-ce qui est mieux: écrire d'après l'étymologie (grammaticalement) ou d'après le son produit? Je m'explique par exemples. -butoa(de butola) ou butwa. Ce qui est certain: abutoi (pas twi). -moana ou mwana. -moibi ou mwibi. Moyibi serait bon aussi, à mon avis, du moins en lingala. -akomoeba ou akomweba ou akomoyeba (bon aussi?) La première façon d'écrire est plutôt "Bangala", la deuxième plutôt générale? Yeba l'est certainement. Merci. 2e P.S. En cherchant, j'ai encore trouvé un livret en langue Mabale, avec explication. C'est une traduction donc pas la vraie langue d'origine, comme dans les contes. Je vous l'envoie ci-joint. Peut-être pourra-t-il en convaincre que le "lingala" n'est pas une pure invention.
E.De Boeck
[Lettre 5]
Aout, 1940
Excellence,
Je vous remercie cordialement pour votre aimable lettre du 17 janvier, si riche en informations. Un merci également pour votre lettre au P. Peeters; j'avais d'ailleurs moi-même déjà adressé une lettre à la mission de Libanda pour demander des informations. J'ai lu (en P. Bittremieux (13) et Lestaeghe (14), et plus tard entendu parler, par les Eleku ici près de Coq et par des pêcheurs de votre Vicariat (habitants d'un village de pêcheurs ici près de la T.S.F.) au sujet de ces Mongo sur l'île Nsumba (ou Nsomba). On faisait mention du village Nkinga. J'aimerais bien savoir si réellement l'Etat les a fait déménager. Je croyais avoir également appris qu'il aurait fait déplacer les Mongo Boonde de Yakata (15) au-delà de la Lopori, mais je n'en ai pas la confirmation jusqu'à présent. J'avais compté sur Mr Van de Broeck (16) à Djolu, mais il est parti en Europe, pendant que moi, j'étais loin d'ici! Les Ngombe-Doko etc je les ai rassemblés, à la suite des renseignements obtenus à gauche et à droite, me basant sur la langue plus que sur les coutumes, dont nous ne savons presque rien. J'ai fait une distinction entre les Ngbaka et les Ngbandi, me conformant aux informations des Pères Capucins. Contrairement à d'autres, j'ai comme principe: grouper le plus possible. En cas de doute donner la préférence à l'unification. Parmi tous les éléments, donner priorité à la langue. Je me base donc sur un axiome, un apriorisme si vous voulez. A présent on ne se méfie plus autant d'apriorismes, en tout cas beaucoup moins qu'il y a quelques dizaines d'années, et je suis ce nouveau courant. Dans le groupement je vais le plus loin que possible, en vue de rendre mon travail pratique pour l'avenir. Cela n'est évidemment pas facile. On ne sait exclure l'évolution de ses idées. Ainsi j'étais auparavant bien plus sévère et découvrais dans notre Vicariat plus d'une langue. Si vous arrivez à en compter une trentaine chez vous, chez nous aussi nous pouvons en trouver plusieurs, bien que le nombre 30 serait difficilement atteint, et l'on regarderait toujours une grande langue, à savoir le dialecte ouest, comme je l'appelle. Si je compare ce que j'ai noté sur les idiomes de la Ngiri avec ce que j'ai sur notre région, nous pourrions chez nous aussi séparer les Bongando, les Batswa, les Nkolo, Yembe, Mbole, Bakutu, Booli, Ikongo, Elembe, ou les Mpongo, sans parler de petits ilôts, comme Mondunga chez vous e.a. Mais déjà très tôt notre évêque (17), par son expérience en Papouasie, m'a fait voir plus largement. Plus tard mes études m'ont confirmé dans ces idées, surtout la comparaison avec la situation en Europe, et comment les langues s'y présentent: malgré que je ne comprenne ni un Limbourgeois ni un West -Flamand de Veurne, est-ce une raison pour en faire des langues à part? Les mêmes constatations peuvent être faites en France, en Italie, en Espagne, etc. Pour désigner une abeille, il y a en français plus de 20 noms différents. Dans un seul département on a noté quatre mots, mots qui signifient "étang". Les dialectes néerlandais ont 8 noms différents pour "pommes de terre", etc, etc. Bien qu'il y ait une assez grande différence entre les tribus de la Ngiri, les noirs confirment néanmoins que la plupart des dialectes se comprennent et je l'admets volontiers. Ils ont une toute autre estimation de ces différences que nous. Dans cette question notamment, une adaptation psychologique, le propre sentiment de la langue jouent un premier rôle, ensemble avec les circonstances. Ainsi, je trouve que les soi-disant Bangala forment un stade intermédiaire entre les Ngiri et les Nkundo. De même que je puis admettre ce que le P. Lootens écrivait que les Bapoto sont si proches des Mongo (au point de vue linguistique). Trancher dans ces théories demanderait une définition préalable de ce que c'est qu'une langue et qu'un dialecte. Toujours la même question se pose en notre temps moderne: quid est? Pour ces notions de base, il faut d'abord des définitions avant de discuter. Il y aura sans doute peu de Vicariats au Congo avec un territoire linguistique homogène comme nous le voudrions. Même le Kasai ne l'a pas, bien que partout on introduit le Tshiluba. C'est la seule bonne solution à mon avis. Ainsi que-vous l'écrivez, le problème se situe surtout au niveau du personnel: on ne peut pas demander à des missionnaires européens d'apprendre une deuxième langue; la mutation du personnel fait alors le reste! J'ai sûrement pitié de vous et des autres qui connaissent tant d'ennuis sur ce point. Et si je m'exprime sur un ton ferme, ce n'est pas sans réfléchir, mais parce que je préfère baser les choses sur des principes; sinon on n'arrive jamais à une solution efficace. Comme sur le terrain politique les prises de position nettement déterminées mènent plus loin, de même ici. Sur le plan spirituel aussi ce sont les radicaux, c'est-à-dire les saints, qui sont arrivés le plus loin. C'est pourquoi je vise au radical; je dis: je-vise, car je suis loin de là; ce n'est pas de ma nature. Néanmoins, je suis convaincu que c'est la seule solution, surtout dans des nouvelles régions comme notre colonie, où beaucoup dépendra de la base que nous posons maintenant. Ainsi je pense surtout au développement ultérieur des peuples du Congo, et j'exclus volontairement de ma vision les problèmes dus à nous-mêmes, puisqu'ils sont secondaires. Et sous ce point de vue, je dois m'opposer au lingala, bien que, comme vous le dites, il est parfois indispensable, en étant un mal nécessaire. Ainsi on ne sait également s'en dispenser dans des centres comme Coq, mais même là je ne cesse de le considérer comme un malum necessarium. Les gens ici se déplacent trop facilement. En tant que moyen d'éducation, le lingala reste très insuffisant, du moins si l'on considère la culture comme quelque chose de supérieur, non point comme une chose utilitaire. Plus j'y réfléchis et plus je lis sur ces problèmes profonds, plus j'en deviens convaincu. A Coq, nous sommes obligé d'employer le lingala, pas ce lingala scolaire, mais celui que parlent les gens. Avant, ce problème ne se posait pas tellement, mais depuis que les pêcheurs de la Ngiri ont immigré en masse, on ne peut plus rien empêcher puisqu'ils ne peuvent s'exprimer autrement. Pourtant y a ici pas mal d'étrangers qui comprennent bien le lonkundo, bien qu'il ne savent pas le parler. Pas seulement des gens de la Ngiri; mais des Azande, des militaires Barundi, des Ngbandi, des Ngbaka, etc. La plupart des enfants Ngbandi ici parlent et comprennent le lonkundo. Moi-même je ne dois employer le lingala que très peu, le comprendre bien, mais pas le parler. Je peux m'entretenir avec des soldats d'un peu partout, je parle le lonkundo et eux le lingala, et ça va très bien, à moins qu'ils soient ici depuis quelque temps, bien qu'une certaine connaissance de la langue, surtout de la prononciation, soit nécessaire. Votre note sur Mabale (18) est intéressante, merci. Si j'ai jamais prétendu que le lingala est quelque chose d'inventé, vous pouvez me damner! Mais que le lingala, je veux dire évidemment le vrai lingala, celui parlé par les noirs, n'est pas la langue de l'un ou l'autre peuple, je continue à le soutenir. Je crois de plus que la distinction entre le lingala parlé et le lingala écrit dans les livrets est toujours valable. Je veux bien avouer que l'enseignement aura à la longue, une certaine influence sur la langue parlée, c'est inévitable. Je continue cependant à regretter que l'on doit recourir à ce moyen, si l'on veut élever les hommes dans tous les domaines, et pas seulement les "civiliser". Sur ce point, je resterai bien isolé dans un groupe relativement restreint, je ne me fais pas d'illusions, il n'est d'ailleurs que trop évident. Je dois cependant avouer que l'élément "nombre", le quantitatif, fait sur moi peu d'impression. Même si presque le monde entier, et pas seulement comme aujourd'hui, la grosse majorité de l'humanité tenait le catholicisme pour faux, je serais encore, avec la grâce de Dieu, pleinement catholique. Je prêche donc pro domo, Excellence. Et j'affirme tout cela pour vous démontrer que pour moi, c'est une question de principe, non de querelle, et d'être dur envers les autres, sauf dans ce sens où les principes sont toujours durs pour ceux qui n'en sont pas d'accord, même les protagonistes. Il y a pas que la religion révélée à laquelle "durus est hic sermo" est applicable... Je trouve cependant si regrettable que nous ne puissions pas nous mettre d'accord, mais il n'y a rien à faire à cela. Amicus Plato, sed magis amica veritas. Et évidemment chacun tient son point de vue pour le bon, sinon, en homme logique, il ne le défendrait pas. Je regrette d'autant plus d'être en désaccord avec vous, comme j'ai une fois entendu dire par un père de Scheut que vous-même vous avez toujours été un protagoniste de la langue indigène et que vous avez dû l'abandonner rien qu'à cause des problèmes dans votre Vicariat, comme ceux e.a. venant du personnel. Est-ce vrai? Je ne sais pas, mais je veux bien croire. Avant, vous vous êtes exprimé dans votre grammaire dans le même sens. Vous appelez le lingala un malum, bien qu'un malum necessarium. Je conteste ce dernier adjectif. En réalité c'est une concession à des personnes et des forces en dehors de nous. Si le lingala est un moyen éducatif valable pour l'avenir de l'Eglise et du peuple au Congo, nous qui employons le lonkundo, nous nous trompons! Nous devrions nous mettre à propager le lingala. Si nous ne le faisons pas, c'est parce que nous sommes convaincus du contraire, que nous tenons avec d'autres à la vraie langue indigène, à une langue culturelle, une langue "tribale" comme disent les Anglais. C'est en somme une question de point de vue qui nous divise. Or il peut être bien difficile de faire triompher un point de vue contre de grandes puissances. Peut-être serons nous forcés un jour, nous aussi, d'abandonner notre point de vue. Personne ne connaît l'avenir, mais nous devons, me semble-t-il, aussi longtemps que possible défendre les principes, quelles que soient les difficultés auxquelles nous nous heurtons. Nous entrons en conflit avec beaucoup de gens à cause de cette position de principe. C'est normal et évident. D'autant plus évident que beaucoup de gens qui se mêlent dans cette affaire, comme dans tant d'autres questions, tout en n'étant pas à la hauteur, veulent néanmoins avoir leur mot à dire. Vous avez étudié la question, vous avez une formation linguistique, bien que vous prétendez que non. Mais combien d'autres n'ont jamais fait une étude ou réfléchi là-dessus? Il en est de même pour l'unification des dialectes, pour la notion que l'on se fait d'un dialecte et pour la compréhension de ce que c'est réellement qu'une langue. Je maintiens toujours ma conviction qu'il ne faut pas tant de langues tribales chez vous: le lingombe, le budja, le nbgaka, tout comme pour les tribus de la Ngiri ou pour d'autres: mieux vaut une langue indigène bien choisie qui se rapproche du lonkundo (les différences ne sont pas, à mon avis, irréconciliables). Ou à la rigueur le lingombe, p.ex. pour ces tribus d'étendue plus restreinte. Mais il est probablement trop tard pour en parler encore: Quelques dizaines d'années plutôt on n'aurait sûrement pas eu autant de difficultés à régler cela. Notre expérience en ce domaine justifie cette conclusion. Excellence, j'ai l'impression que je vous ennuie avec mes écrits. Je vais donc vite essayer de répondre à votre question au sujet de l'orthographe. Il serait bien un sujet intéressant à traiter dans Aequatoria. Mais comme il y a la guerre, on devra nous limiter; et une masse de sujets nous attend encore pour publication. Je pourrais peut-être y revenir plus tard. Cependant, pour ne pas vous faire attendre trop longtemps, voyez provisoirement ceci: L'orthographe relève bien de la phonétique, puisqu'elle doit exprimer la langue comme elle existe réellement, d'une manière lisible. Raison pour laquelle on a introduit des signes phonétiques spéciaux, qui constituent une amélioration nette, voire même une nécessité. Cependant il peut y avoir des cas limites, comme tout domaine psychologique. En français on écrit: "aujourd'hui" (drôle!), nous écrivons "le jour d'hui": séparé .lequel est le meilleur? Moi je préfère la forme séparée là où l'on peut juxtaposer les mots séparément et les employer individuellement dans d'autres emplacements. Sauf si les deux éléments, unis étroitement, ont une signification spéciale. Les français disent: "attrape-mouche" nous: "vliegenvanger". Je préfère notre orthographe. C'est le cas ici des onomatopées: j'écris en un mot quand les éléments vont ensemble; séparément quand chaque partie peut etre employée à part. Ici souvent c'est le ton qui impose des règles p.ex. Kalakala et bakabaka, nous les écrivons en un mot. Donc par principe, je tiens à une orthographe phonétique. Le ton aussi est un élément phonétique (et d'ailleurs très important). Nous nous appuyons là-dessus p.ex. pour écrire: bya et non bia. Pour des dialectes qui ont lya au lieu de ja (classe li-) nous écrivons lya et pas lia. Le ton ne permet ici aucun doute. L'écriture étymologique contient une certaine facilité pour les Européens. Si l'orthographe est adaptée à la phonétique, même du point de vue étymologique cela posera peu de problèmes puisque la grammaire procurera des règles pour obtenir une orthographe définitive et juste. Elle sera alors en même temps phonétique et définitive, étant basée sur des règles. Comme dans le cas de contraction de préfixe, comme cité ci-dessus. Ainsi également nous avons basé notre orthographe de doubles voyelles sur des règles grammaticales, et non pas sur la longueur des sons, qui sont un élément peu contrôlable et susceptible d'interprétations subjectives. Ainsi nous écrivons: tooma=nous tuons; mais: toma=envoie! Aussi toma = choses, àvec un o, selon la règle grammaticale que devant un radical-voyelle, la voyelle du préfixe subit l'élision, ou est remplacée par s. Vos exemples, je les écrirais ainsi: mwibi=voleur, mwana=enfant. Règle: devant un radical-voyelle, le préfixe mo change en mw. Il y a évidemment aussi des dialectes qui ne font pas cette adaptation et disent p.ex. moibi et moana. Ceux-là devraient l'écrire ainsi. Cependant là où la contraction se fait, je l'écrirais aussi. On trouve les deux phénomènes dans notre région. Les Batswa p.ex. ne font jamais des contractions. Mais comme nous avons fait une langue générale, nous écrivons tout selon les règles de cette langue qui est basée sur le plus grand dialecte du groupe Nkundo. Ainsi nous écrivons wibi et pas boibi ou moibi ou mwibi. Nous écrivons bona=enfant, comme dans ce mot on trouve o + a = o dans presque tous les dialectes (il existe plusieurs exemples dans le budja), bien que certains dialectes ont mona ou mona ou mwana. Botula. Ce mot existe-t-il chez vous? comme forme transitive? Ici il existe dans un sens spécial: prononcer la parole finale, et dans des dérivatifs: bututala, butungola. Les Mbole et d'autres dialectes ont butoa=rentrer (ici nous avons: uta) avec o! La forme abutoi démontre que c'est o et non pas w. La grammaire aide à déterminer l'orthographe exact. La comparaison des dialectes est souvent aussi un moyen efficace en cas de doute. Dans votre cas il resterait encore à examiner si la forme butola existe comme transitif. Dans ce cas l'affaire devient plus compliquée, puis qu'alors, le passif serait butwa plutôt que botoa, il faudrait en outre examiner si la même règle de la forme -i est applicable à d'autres verbes qui se terminent en wa (kwaa=tomber, nwa=boire, si cela existe, en lingala, langwa être liquide, e.a..). Dialectiquement on trouve chez nous aussi bien akwei que akoi, atswei que atoi, etc. Ce qui n'empêche pas p.ex. l'Ekonda d'écrire: atwa et atoi; phonétiquement c'est juste et la grammaire donne la règle. Ainsi de tswa, twa=aller, nous disons ici: atswe=qu'il aille, mais à Boende p.ex. on dit: atu, selon la règle: w+e=u. Ce point devrai t donc etre examiné plus amplement. On écrivait akomoeba également akomweba, comme dans les premiers exemples. Dans notre région on trouve cet infix seulement chez les Eleku, les Ntomba de Bikoro, les Nkole, et les Bolongo (Wafanya). Sinon partout o (ou devant une voyelle: w). Le maintien de y comme première lettre d'un radical, semble plutôt rare. Je ne le connais pas dans notre Vicariat. La seule connaissance que j'en ai, c'est de vos tribus et des Ntomba d'Inongo + Bobangi. Il existe nulle part aussi dans la préfectures de Basankoso. La forme sans y est donc plus répandue. Même les Mbole et les Nkole-Mpongo, qui pourtant sont plus proches de vos idiomes que du dialecte Ouest, n'ont pas le y. Certes, il y en a beaucoup qui ont gardé le b: iba, eba, où ici il y a tendance de le délaisser (iya, ea ou eya, etoo, ntaa, ekaa, etc). Si vous devriez me faire le choix entre, yeba et eba, entre et iba, je donnerais la préférence à eba et iba, puisque cela facilitera mieux la concordance avec le lonkundo. Plus correspondance il y en a, mieux cela est, du moins à mon avis. Pour la même raison je ne jouerais pas au puritain dans notre lonkundo là où il s'agit de mots qui, sous l'influence du lingala, s'infiltrent dans la langue parlée courante, s'il n'y a pas d'autres motifs pour s'y opposer (ce qui peut être le cas quand p.ex. ils appauvrissent la langue, comme dans tala, qui signifie chez nous considérer, regarder un spectacle, et pas seulement: regarder). P.ex;: ndako=maison, venant du lingala, de l'Eleku, du nkole, du bokole, ou du bolenge (Wafanya) peut bien être admis. Ainsi que: njela=chemin. Tandis que mboka village, est plus délicat, puisque ici dans tous les dialectes ce mot signifie chemin. Ceci pour vous montrer comment dans mon choix je me laisse guider, pour une partie, par cette idée d'unification, de concordance avec des groupes apparentés. C'est ce que j'ai hérité du feu Mgr De Clercq (19), qui me l'a recommandé vivement lorsqu'en 1938 on faisait route ensemble pour l'Europe, d'où il ne devrait plus revenir. A votre autre question: qu'est-ce qu'on comprend par peuple, tribu, clan, je pourrais y répondre longuement. Rien n'est clair là-dessus. A ces mots les auteurs donnent toutes sortes de significations. Juste avant la guerre, le P. Boelaert envoya un article à K.O. sur le clan dans la conception des Nkundo (20); il se trouvera bien quelque part en Belgique. Il est possible qu'on le publiera plus tard dans Aequatoria. Pendant des années j'ai cherché à me faire une idée de l'organisation de ce peuple ici, et c'est seulement maintenant que je commence à y voir un peu clair. En tout cas le concept clan est du domaine juridique, bien qu'il soit politique, matrimonial, etc. Par tribu on entend d'ordinaire une partie d'un peuple, à peu près comme un dialecte vis-à-vis d'une langue. Peuple se dit d'une plus grande unité, qui est surtout conçue dans le sens culturel; la langue est un des éléments les plus prononcés de la culture, et c'est ainsi qu'on dit parfois: la langue c'est tout le peuple (à prendre évidemment cum grano salis) C'est pourquoi également qu'à mon avis, la langue est un élément fondamental pour diviser les peuples (non pas exclusif cependant); aussi malgré les circonstances modifiées d'aujourd'hui, elle est un élément qui donne la meilleure chance de discerner les divergences, la chance aussi de résister le plus longtemps à l'égalisation, sauf s'il s'agit de très petits groupes. Mais laissant maintenant la langue de côté, et parlant purement sur le plan ethnographique, je ne peux p.ex. séparer vos Bangala de nos Nkundo (21); à moins si je puisse me baser sur les publications et sur ce que j'ai entendu raconter par-ci par-là par des pères. Je crois même qu'il y a moins de différence entre Bangala et des tribus Nkundo ici au nord-ouest, qu'entre ces groupes ouest et d'autres tribus Mongo de l'est et du sud, également dans notre Vicariat. Des différences, il y en a toujours, même entre deux villages (comme en Belgique!), mais c'est la quantité, ensemble avec la qualité de ces différences, qui permet de juger sur l'unité ou. la séparation. I1 y aura aussi toujours des disputes dans les cas limites. Cependant, je ne crois pas qu'aucun ethnographe ou ethnologue sérieux ne disputerait l'unité des Nkundo et des Bangala. Excellence, j'ai fort abusé de votre patience, veuillez me pardonner en me donnant votre bénédiction, tout en croyant à mon affection très respectueuse in C.J.
[Lettre 6]
Coq, le 13 août 1940
Excellence,
A peine je viens d'écrire ma lettre précédente, vous la recevrez peut-être ensemble avec la présente, que je viens à nouveau vous déranger et vous priver de votre précieux temps. Mais cette fois-ci je ne mettrai pas longtemps, ni ne vous poserai beaucoup de questions. Ce que j'ai.à vous demander n'est pas du domaine linguistique. Il s'agit:d'une assistance spirituelle. On s'est notamment plaint chez mon Vicaire (22), dans ce sens qu'avec mes articles dans Aequatoria sur le lingala, j'ai gravement manqué au respect et à l'amour fraternel que je vous dois. Je me suis entraîné dans des attaques personnelles contre vous et me suis immiscé dans l'instruction des chrétiens dans votre Vicariat, méprisant ainsi gravement l'autorité ecclésiastique. Je vous demande sincèrement pardon, Excellence, pour tout le mal que je vous ai fait par mes articles ou de quelque manière que ce soit. Je suis convaincu que vous me le pardonnerez de grand cœur. Tout de même je ne me sens pas coupable, car je ne sais vraiment pas où j'aurais commis des fautes. Néanmoins je ne suis pour autant justifié. On fait parfois du mal, involontairement, par niaiserie ou autrement. Je sais que je trébuche souvent dans mes paroles, plus que le juste dans les Ecritures Saintes, car je suis souvent sévère dans mes expressions et radical et aigu dans mes affirmations. Ainsi je ne peux pas du tout nier ma faute, bien que je cherche en vain où j'aurais fait du mal. Et surtout où j'ai fait ces "insinuations les plus désobligeantes" contre vos études linguistiques. Loin de moi, Excellence, de faire une chose pareille, soyez en sûr. Que je ne sois pas d'accord avec vous sur certaines choses ne signifie point une désapprobation ni une attaque personnelle. Je ne veux pas m'excuser encore une fois, mais seulement répéter que mon intention n'était nullement mauvaise, que je ressens au contraire à votre égard le plus grand respect et une vraie affection, bien que j'aie parfois écrit des choses sur lesquelles vous ne pouvez marquer votre accord. J'avais toujours pensé qu'on pouvait être objectif dans ses écrits, même si ainsi on s'opposait à ses meilleurs amis. Si cependant cela aussi blesse la charité, mieux vaut y renoncer. Je vous promets donc, Excellence, de me corriger, et bien qu'il soit extrêmement difficile de soutenir Aequatoria à ces conditions, nous ferons de notre mieux et serons en tout cas prudent quant au lingala. J'essayerai de convaincre les auteurs d'articles qui attendent publication, et qui ne sont pas des MSC mais p.ex. des Scheutistes, qu'ils retirent leur prose (23). De même pour d'autres questions, nous serons prudent, bien que, à vrai dire, parmi les questions plus ou moins actuelles, il y en pas qui ne vont pas à l'encontre de conceptions ou d'usages en vigueur quelque part. Veuillez, Excellence, me pardonner encore pour tout ce que j'aurais fait de mal; je vous demande sincèrement de m'excuser, même du mal que j'aurais fait involontairement à votre égard, et à l'égard des pères de votre Vicariat, de vos idéals et vos oeuvres. Et ne me refusez pas votre bénédiction, S.V.P.
[Lettre 7]
Lisala, le 19 août 40
Révérend Père Hulstaert,
C'était avec étonnement que j'aî reçu votre lettre que j'ai lue. Je ne savais pas que de ce côté-ci on s'était plaint de vous, suite à vos attaques contre le lingala. Je n'estime pas cette affaire si grave et je pardonne volontiers votre faute... laquelle? Peut-être d'avoir été trop radical et trop impulsif à juger sur des situations que vous ne connaissez certainement pas assez. A moi aussi on m'a déjà raconté certaines choses que vous auriez dîtes, mais je n'y attache pas de valeur et les gens aiment bien à dire du mal de quelqu'un en l'exagérant Je vous ai déjà dit que sur le plan linguistique, il y a pas mal de vrai dans vos affirmations au sujet de ce pauvre lingala, et il me semble que votre intérêt s'arrête là; moi au contraire, si je défends le lingala, c'est sur le plan pratique et religieux. Je vous ferai peut-être parvenir un article là dessus; en attendant, que ceci soit dit: 1. Freiner ou détruire le lingala est cause perdue. Vous prétendez qu'il diminue, qu'il perd du terrain. Je ne crois point. Il est quasi spontanément admis par des tribus qui ne sont pas des "Bangala", ce qui n'est pas le cas pour une autre langue indigène; c'est là mon expérience depuis quarante ans; au contraire cette pauvre petite langue non grammaticale peut être améliorée et s'améliore effectivement, du moins dans notre Vicariat. Nous avons déjà un lingala écrit soi-disant uniforme, ce qui est déjà beaucoup. En juillet 1918 feu Mgr Van Ronslé tenait à N.A. une réunion pour les supérieurs de mission (je n'y étais pas), pour savoir si oui ou non il fallait adopter une langue traditionnelle proprement dite. L'avis était unanime: le lingala ne pouvait ni ne saurait être éliminé; tout de même les pères devraient faire de leur possible pour apprendre une deuxième langue vraiment indigène, et pour améliorer le lingala tant parlé qu'écrit. A cause de la multitude de langues différentes dans le Vicariat et des changements continuels de personnel, cette première résolution s'est très peu concrétisée. A vrai dire, si vous regardez cette mosaïque de langues et de tribus ici, il y a de quoi leur pardonner. Voir ci-jointe la liste des tribus dans chaque poste de mission (24). 2. La parenté, la connection étroite du lingala avec le lonkundo ne suit pas votre affirmation là-dessus. Il est possible que les gens de la Ngiri et de N.A. se sont approprié le lonkundo pour une partie à Coq. Mais dans leur région, personne n'en comprend quelque chose; moi-même je n'en comprends rien du tout dans votre Coq Chante (25) (ce que je regrette). Nos deux prêtres autochtones qui sont ici à Bolongo (descendants de parents Iboko et Libinza) disent: "Nous sommes éloignés du lonkundo autant que du Tshiluba". Certes vous y trouverez bien quelques mots pour radicaux en lomongno (les Bangala avaient pas mal d'esclaves Mongo), mais, où n'en trouve-t-on pas? Même dans le Ngbaka il y en a. 3. Enfin, et c'est peut-être la raison pour laquelle on se plaignait ici, il semblerait qu'une campagne vient d'être lancée contre le lingala. Vous parlez d'articles qui sont prêts à être publiés. Cela ne m'inquiète pas trop dans un certain sens; je disais déjà qu'on ne saurait y remédier. Mais si par un ordre supérieur (gouvernement ou délégation) le lingala serait interdit, ce serait le coup de grâce pour toutes nos oeuvres missionnaires (ailleurs aussi): enseignement et évangélisation. Et pourtant sur ces deux plans nous ne sommes pas, grâce à Dieu, les derniers sur la liste, malgré le lingala. L'année passée on m'a demandé, du côté officiel, si le lomongo-lonkundo pourrait être admis officiellement. J'ai dit: Bien sûr! Mais pas en dehors du territoire Mongo-Nkundo. Chez nous p.ex. il ne peut en être question; sauf si le lingala n'existait pas, du lingombe-lingenza. Cependant quelle que soit la langue employée, le lingala restera toujours indispensable. Puisque je suis quand-même en train de parler à cœur ouvert, il y a encore quelque chose que je dois vous dire. Comment pouvez-vous, vous un linguiste, sympathiser avec un Guthrie qui viole la langue avec des formes comme baoyo et bato mibale malamu etc. Si c'est ça le meilleur que l'on ait jamais écrit sur le lingala!!! Est-ce parce qu'il emploie l'epsilon et le o renversé (26). Il y a quand même des professeurs d'université qui disent que cela n'est pas nécessaire, en tout cas pas pour des noirs. Je trouve un accent grave et aigu aussi pratiques. Et pourquoi ne pas marquer aussi l'accent et le ton, et la longueur des voyelles. Et quelqu'un me disait également qu'entre o et e il y a encore des nuances: regardez d'ailleurs dans nos propres langues vivantes populaires. Cher et savant Père Hulstaert, ne prenez pas la présente en mal; je ne suis pas du tout fâché contre vous, et demeure votre dévoué en Xt. P.S. Dans votre lettre précédente vous me demandiez des informations sur les Mongo de l'île Nsumba et sur ceux de Yakata, s'ils étaient déplacés par l'administration. De Yakata ne, j'ai rien entendu. Au mois de février j'ai encore été là dans la région. De ceux de N.A. un séminariste de Bogbonga na ngele (en face de Nkinga) me disait que quelques uns se sont installés chez eux, d'autres sont encore sur l'île. Toutefois, dans le temps j'ai trouvé sur cette île deux, trois petits hameaux; depuis lors ils ne sont sûrement pas accrus en nombre.
[Note ajoutée à la lettre du 19 août 1940] Merci également pour vos suggestions relatives à l'orthographe. Voici encore une remarque au sujet de mon 2e: à l'époque où j'avais juridiction sur Coq, les "Bangala" venaient me dire qu'ils ne comprenaient pas les pères (Trappistes) à l'église. Alors plus tard les pères ont commencé à employer le lingala. Nous avons ici quelques séminaristes nkundo ou mongo, ou qui connaissent cette langue. Les autres ne la comprennent pas.
[Lettre 8]
Lisala, le 27 août 40
Révérend Père Hulstaert,
Ci-joint je vous envoie un article sur le lingala, en vous priant poliment de le publier dans Aequatoria. J'avais d'abord pensé ne donner aucune suite à votre article, mais Mr De Jonghe aurait dit une fois (si je me souviens quand il préconisait le Tshiluba comme langue unique): "Personne ne réagit sur mon article, donc tout le monde est d'accord". Veuillez me faire parvenir 25 tirés-à-part de cet article. Espérant ne pas avoir manqué à l'amour fraternel, je demeure, Révérend Père Hulstaert, votre dévoué en Xt.
[Lettre 9]
Lisala, 24/9/40
Révérend Père Hulstaert,
Je vous avais promis d'écrire au P. Peeters pour demander des informations sur ces riverains de la Ngiri (28). Voici ce qu'il m'écrit, tout pressé et superficiel comme il est:
"Nos gens du fleuve (y compris les Likoka-Lobala) sont des Basongo. Ils ne veulent pas être appelés Bangala, bien que dans beaucoup de villages il y a des hameaux qui portent le nom de Mangala. Il est possible qu'ils acceptent le nom de Basongo. Je m'appuis pour cela sur ce qu'on dit à la Mongala, chez les libinza et les Likoka. Eux-mêmes, les riverains, ne connaissent que leur village ou leur village de provenance et pour le savoir il me fallait des années. Mais tous, depuis Bokala (Udolo, non pas Mosange?), en passant par Tandu et Monyongo jusqu'à Bokala (Musa), les Dzandu pour arriver chez les Libinza et les Likoka, les Balobo et les Mangala, tous ne forment qu'une ethnie, ne parlent qu'une langue de base. Les terriens ici les appellent Kunda, Bakunda; ce qui signifie seulement: riverains (Basongo a peut-être la même signification?) -Puis il y a des différents groupes que vous connaissez aussi. D'abord les Bamwe, tout le groupe entre les Dzandu et Motembo (parce qu'ils disent "mwe", tandis.que les Balobo disent "monde" et les Bangala "koi"). -Et puis les Dzandu, et les Waku, les Likoka, les Liambe et les Libinza, avec les Mbanzu, etc. Ceux qui habitent, en aval, montaient, et ceux du haut descendaient le fleuve. Les premiers descendaient probablement l'Ubangi et montaient la Ngiri; les autres prenaient probablement la voie terrestre".
Tout cela n'apporte pas beaucoup de lumière. Il mentionne aussi des noms que je n'ai pas encore entendus. Les Kunda je connais, étant des riverains, en opposition aux terriens. Les Ngombe-Likungu aussi donnent le nom de Nkunda aux habitant du fleuve dans leur région. Le P. Peeters ne fait pas mention des Nkoto, qui habitent entre les Bamwe et les Libinza, sur la Mwanda (Ngiri). Mais nkoto est aussi le collectif de monkoto, des semi-savanes qui commencent là en plein. Quand on sortait des forêts des Balolo, les pagayeurs disaient: Tobimi o nkoto! Est-ce que ce sont peut-être les blancs qui ont donné ce nom à ce peuple? Mwe est une abréviation de mwebi: connaissance, ami, ce qui existe aussi chez d'autres clans. Koi aussi signifie, ami, et est le plus souvent employé dans le vocatif, comme mwe. Ce dont nous savons très peu, c'est la région de Libanda, du moins du côté ouest; dommage que le P. Lootens n'a pas su y rester quelques années. Pour le moment il n'y a aucun vrai ethnologue ni amateur de langues. Dans votre article, vous citez, en bas de la page, ce que j'écris en 1911, dans O.K. (29), à savoir que les Bangala étaient en communication étroite avec les Balolo. En cette époque, je croyais que ces Balolo habitaient également à Lulanga. Plus tard j'étais en possession d'un livret de la mission de Lulanga et j'y appris que ce peuple s'appelait Eleku. Je pouvais également constater que la langue eleku était très apparentée à celle de la région des Bangala. Les Bangala achetaient assez d'esclaves Mongo ou Balolo à Lulanga, et j'ai l'impression que certaines expressions inhabituelles, que l'on retrouve dans leurs contes, sont peut-être du vrai lomongo. Je n'ai plus de ces textes sous la main. Puis-je vous demander, Révérend Père, de bien vouloir corriger un mot dans mon article? Dans la note n°5 en bas de la page, est mentionné un texte qu'à ce moment là, je n'avais pas trouvé, et maintenant je remarque que ça doit être: au lieu de "comprehensio intellectus", plutôt "... sequitur AUDIENTIS intellectus". Si vous n'y êtes pas opposé, je pourrais vous envoyer encore pour Aequatoria un extrait de notre rapport scolaire sur "les langues à employer dans 1 'enseignement au Vicariat de Lisala" (30). On y trouve pas mal d'informations ethnologiques et de chiffres sur les différentes populations. Tout de même je ne veux pas m'imposer... Espérant que ces quelques règles du P. Peeters ne sont pas entièrement dépourvues d'utilité, je demeure, Révérend Père Hulstaert, Vôtre dévoué en C.I.M.
Ci-joint un petit croquis que j'ai copié pour vous - il n'est pas non plus très exact ni complet. Mais... les petits ruisseaux font les grandes rivières".
[Lettre 10]
Bolima, le- 23 octobre 40
Excellence,
Je vous remercie de tout cœur pour vos deux lettres, du 19/8 et du 24/9. je suis tout le temps en voyage, ainsi je ne trouve pas facilement l'occasion de vous répondre tout de suite. Veuillez m'en excuser! Merci beaucoup (également au P. Peeters) pour les informations fournies au sujet de la Ngiri. Il serait intéressant de savoir quelques tribus pourraient porter le nom de BASONGO, et comment ce mot est exactement orthographié (prononciation: o ou o[ouvert], et si possible les tons); parce que dans des légendes de certaines tribus ici on parle d'une tribu BASONGO avec laquelle elles auraient été en guerre, et pour laquelle elles auraient pris la fuite. Jusqu'à présent je n'ai pu supposer de quel peuple il y serait question, peut-être trouvons nous dans la Ngiri des points d'attachement, d'autant plus que certaines tribus ici doivent effectivement être passées de côté-là (à prendre dans le sens large) avant d'être arrivées ici. Le Eleku appartient en effet au groupe que j'appelle "les dialectes du fleuve"; il est étroitement apparenté au bobangi et ressemble d'autre part au lonkundo (31). Le dialecte des Lolanga diffère légèrement de celui de Coq, que j'ai noté en particulier. Aujourd'hui ces deux dialectes deviennent de plus en plus du lomongo. Tous les Eleku, sauf peut-être les Bongata et les Bongo, et en plus les Emateloa que je ne connais pas, parlent maintenant pratiquement du lonkundo pur. Cette citation du feu Mgr De Clercq est corrigée dans votre article, qui m'est parvenu entre-temps. J'en ai fait une rectification, que je vous envoie en copie. Je ne sais pas si notre Mgr sera d'accord de le publier. Au début nous voulions cesser cette affaire, pour éviter tous frottements. Après votre lettre, je ne sais pas ce qu'on décidera à Coq. Peut-être cette note redressera-t-elle quelques questions. Néanmoins, je trouve à vrai dire regrettable (nous sommes déjà habitués à s'écrire franchement; ce qui ne nuit ni à ma sincère vénération pour vous, ni à votre affection indulgente pour moi) que vous avez vous-même répondu; puisque pour un simple père il est toujours un peu risquant de répondre: on ne se sent pas libre, et ayant trop de respect on se croit un peu obligé. Néanmoins j'ai essayé de répondre aussi librement et aussi respectueusement que possible. Si quelque chose serait dit de travers ou d'une façon moins convenable, donnez-moi sur les doigts sans crainte. Et n'hésitez pas à me faire savoir votre avis au cas où notre Mgr etc. décideraient la publication de ma répréhension. Je crois cependant que ma réponse enlèvera pas mal de problèmes dans la dispute entre nous deux. D'ailleurs aussi des notes nous sont parvenues sur cette question, et dans le sens de ma thèse. Je les tiens en réserve depuis que nous avons reçu cette lettre de protestation. Concernant l'extrait de votre rapport, je ne puis dire rien de précis pour le moment. Personnellement cela me dit beaucoup, mais je ne sais rien décider sans avoir consulté les autres membres de rédaction. D'ailleurs j'ignore la situation actuelle à l'imprimerie et chez l'éditeur, et donc quelles sont les prévisions quant à l'avenir d'Aequatoria. J'ai certainement encore à voyager durant un mois, à Flandria et à Wafanya avant d'être de nouveau à Coq. Entre-temps beaucoup d'eau peut encore couler dans la rivière. Le croquis est très intéressant. Je l'adjoins à celui du territoire de Budjala, m'envoyé par mon ami Mr Nonkel (32), à celui du P. Mortier (Ubangi) (33), y compris quelques autres documents. Nous écrivons LIBINJA, d'après des autorités valables. Vous l'écrivez avec Z. Je crois qu'il s'agit d'un même phonème. Nous avons préféré le J. Des protestants ici font également distinction entre Z et J. Nous suivons l'Institut International Africain, et n'employons donc pas de Z dans notre orthographe. Distinction entre o et à [ouvert], etc, au contraire, est nécessaire. Plus que celle de é, è et e en français. Notre orthographe est encore celle de l'institut susdit. Contre elle, il n'y a pas d'objections concluantes. Déjà dans pas mal de colonie anglaise aussi elle est en usage. Cela constitue pour nous une énorme satisfaction et une remarquable amélioration. L'usage d'accents est à nos yeux, normal si même ce n'est pas du tout pratique, pas seulement au point de vue technique (impression, écriture) mais aussi parce qu'on ne sait nullement se dispenser des tons pour se faire comprendre. Bien qu'on puisse s'en passer plus facilement en lingala que dans les autres langues du Congo. En fait, aucune langue (ni même en Europe) ne peut se passer d'accents pour faire des distinction qu'on ne saurait faire autrement en écriture. Sur l'avenir du lingala il n'y a pas de prévisions sûres Nous vivons en pleine époque de transition. Et nous ne devons pas penser que cela se limite à l'europe. Inévitablement ces courants pénètrent ici; nous-mêmes nous y collaborons, même inconsciemment. Le nationalisme est loin d'être mort. Il doit en fait encore débuter au Congo. Je crois qu'il arrivera, ce serait du moins l'évolution normale. Cependant personne ne sait en être sûr, à moins qu'il ne soit prophète. C'est pourquoi je doute sur l'avenir du lingala. Des réactions de la part de noirs ne tarderont pas. Il se pourrait que, quelques langues soient supprimées par le lingala, mais à mon avis, pas les grandes, à moins que l'action ne persiste longtemps. Et là encore tout dépendra des courants, surtout politiques. Ici on se trouve face à l'inconnu. Pas seulement en ce qui concerne la guerre actuelle, quoiqu'en soit la suite; mais en plus de cela, des courants politiques généraux à travers le monde. Sans compter le danger, qui n'est pas imaginaire, d'une scission du lingala en plusieurs, dialectes, qui peuvent ensuite s'éloigner de plus en plus. Dans ce sens votre comparaison avec le latin peut être valable. Je regrette fort, Excellence, de vous contredire ainsi. Je ne sais pas si vous avez fait beaucoup d'études linguistiques (je veux dire: linguistique fondamentale, car des recherches sur le terrain vous en avez fait beaucoup, et il serait regrettable si vos notes devaient se perdre, d'autant plus qu'on en a encore publié très peu). En vous lisant, je crains que non. Ce que je regrette fort. Nous nous comprendrions p.ex. beaucoup plus facilement. Et j'aurais dû redresser dans ma réponse, beaucoup moins de choses qui n'étaient pas nécessaires pour quelqu'un qui est préparé linguistiquement. Votre exemple néerlandais-allemand est très mal choisi OFFICIELLEMENT, ce sont deux langues distinctes. Bien que les linguistes flamands et néerlandais ont dû apporter tous les arguments possibles pour prouver l'autonomie de ce néerlandais, ou plutôt: le droit à l'autonomie. Et ils y réussissent assez, parce que notre groupe de dialectes est suffisamment grand, s'étant développé en autonomie par la littérature etc, établie par la tradition. Mais s'il s'agit de diviser la langue vivante, les dialectes, c'est absolument impossible; alors le néerlandais et l'allemand sont indivisibles. Face à cette réalité il n'y a pas de discussion possible. Et si on devait se trouver ici devant un cas semblable c.à.d. sans littérature établie, sans une tradition séculaire, sans distinction politico-culturelle il n'y serait jamais question de 2 langues. Et dans un cas pareil on ne pourrait diviser ici au Congo. Pas plus que l'on ne sépare pas le Wallon ou le roman suisse du français. Le bas-franque, s'étend très loin en Allemagne; le bas-saxon jusqu'à Berlin et Königsberg. Un Westphalien parle comme un Anversois; et un Allemand de la Moselle ne comprend pas un Badois. Comprendre n'est pas un argument suffisant contre mais bien un argument pour. Des Italiens continentaux ne comprennent pas un Sarde, ni un Sicilien, etc. L'argumentation de vos prêtres indigènes est très caduque. Ils connaissent le tshiluba. Connaissent-ils du lomongo? Ils trouvaient le tshiluba difficile à apprendre, et le lomongo aussi est difficile. Avant d'aller à Kabwe, ils ne comprenaient rien de tshiluba, et maintenant, je suppose, pas plus du lomongo. Mais de là à développer un parallélisme est une faute élémentaire contre la logique, si je me souviens bien. Je ne comprends rien du tout du polonais ni du basque, ni du chinois, ni du tamul, mais de là je ne peux pas conclure que toutes ces langues sont autant éloignées de ma langue maternelle et tout autant difficiles pour moi à apprendre. Corruption de la langue. Elle a déjà fait couler de l'encre! Il faudra plutôt dire que le plus souvent ce qui est qualifié comme tel, ne l'est pas. L'idée que la plupart des gens se forment sur la corruption de la langue est une idée franco-renaisssance. Absolument irréelle. On ne peut pas dire que l'anglais ou le chinois sont des langues corrompues parce qu'elles n'ont presque plus de morphologie: plus de genre en anglais; le pluriel pratiquement disparu (this man, this wife, this child, my house, my houses); presque pas de conjugaison (de fait encore 4 formes: do, does, did, done..), etc. Et aussi le français est corrompu vis-à-vis du latin: deux femmes (en latin duae). Comparez le fameux banto mitano, e.a. Or il'est un autre fait quel vu que la langue est un phénomène social, un renversement brusque dans le mécanisme de la langue est très défavorable pour le peuple. Ainsi dans notre cas du lingala: la suppression des classes, etc..crée une confusion intellectuelle, parce qu'elle se fait trop brusquement, et que la plupart des usagers du lingala sont des Bantous. Une fois cependant l'habitude prise, elle n'a plus d'importance. Mais entre-temps beaucoup de dommages peuvent être causés dans les esprits. Ce qui importe dans une langue c'est qu'elle contienne les moyens d'expression nécessaires, suffisants et clairs, que ceux-ci soient adaptés au degré de développement du peuple, qu'ils soient suffisamment logiques et en même temps psychologiques, pouvant également satisfaire la sentiment. Et c'est juste en cela le lingala fait défaut. Ce n'est pas qu'on ne saurait trouver des arrangements. Mais alors ou reste l'élément psychologique et social? Ce n'est pas pour rien que le volapuk, l'esperanto, l'ido e.a. ne savent jamais se faire admettre. Pas tellement à cause du nationalisme, mais parce que ces langues sont asociales et donc irréelles. Maintes fois j'ai réfléchi sur la situation de la fin de l'empire romain au début du moyen-âge. Selon les meilleurs philosophes-historiens, la politique linguistique (une partie de la politique de centralisation et d'assimilation de Rome) a eu une influence très néfaste. La propagation générale du latin et l'anéantissement des langues autochtones procuraient des commodités de l'administration autant qu'un avantage et une facilité à l'évangélisation. Mais quel désarroi séculaire n'y en est pas suivi? L'attribuer aux "barbares" n'est qu'un faux-fuyant. Bien qu'il y ait une certaine influence. Tout allait ensemble; mais la politique linguistique, elle-même une partie naturelle de la civilisation superficielle de l'époque (tout comme à présent, hélas!), sans aucun doute joué un grand rôle, ensemble avec le reste. Certains écrivains comme Dawson, indiquent la particularité de peuples, où l'église s'est adaptée tout librement: la Bretagne et l'Irlande, p.ex., et qui ont enraciné leur catholicisme si fort dans l'âme du peuple (N.B. Dawson n'est pas catholique). Plus tard tout rentre dans l'ordre, ce qui semble même être un avantage (bien que d'autre part le latin soit disloqué en une masse de dialectes et de langues différentes "officielles"). Si ce n'est pas à cause de la politique, il y aurait bien maintenant une douzaine de langues romaines bien distinctes. Par contre l'unité des langues germaniques est demeurée bien plus solide (l'anglais excepté!). Je dois avouer, Excellence, que cette situation-là me paraît comme un avertissement. Qu'il serait bon pour les Français d'avoir une unité, linguistique par ce moyen, cela n'a pas de sens de se le demander. Même qu'en ce temps-là il eut été bon, on peut s'en douter, malgré d'incontestables avantages e.a. pour l'église. Ainsi l'empire romain était profitable pour la propagation de la foi, providentiellement, malgré que tout cet empire était établi sur l'injustice, etc. Ces mots "profitable" et "providentiel" sont très équivoques. Personne d'autre que le prof. Leclercq dit que l'on peut pour autant prétendre que l'empire romain est anti-providentiel pour la propagation du christianisme. Car qu'est-ce que nous en savons des secrets de Dieu? Si quelque chose s'avère favorable pour nous, nous l'appelons providentiel. Cependant selon le catéchisme tout est providentiel. Et: omnia cooperatur in bonum: Mais celui qui en est responsable, doit faire de son mieux voir comment au mieux s'y prendre, etc. Et ainsi chacun maintient son point de vue, étant chacun bien intentionné, et le Seigneur en butinera ce qui est bon. Seulement cela ne constitue pas pour nous un laissez-passer pour agir à la légère. Beaucoup de mes idées sur cette question, Excellence, et mon attitude en général, sont de fait une conséquence de mes pensées générales sur la sociologie, la philosophie, etc. Tout y tient. L'étude des penseurs modernes, leurs exposés, fondamentaux ou appliqués à des situations modernes, me confirment de plus en plus dans mes idées. Partout je trouve des confirmations de notre thèse, aussi bien théoriquement que par des exemples. Ne vous en étonnez donc pas si je suis dur et tenace. Et ne pensez pas que je ne fais qu'inventer tout cela. J'ai lu abondamment là-dessus et réfléchi après lecture. Et je peux dire de même d'autres partisans. Je m'aperçois, Excellence, que je dévie à nouveau en philosophant. J'espère cependant que ces déclarations secondaires contribueront encore davantage pour résoudre quelques contradictions qui, à mon avis, existent entre nous, plus quant à la forme qu'au fond. Je voulais seulement ajouter ceci: à mon avis (et ici encore je ne me trouve nullement seul) le lingala est un pas normal vers la francisation. Promouvoir le lingala est, à mon idée, l'égal de préparer, lentement mais sûrement, la francisation complète. Je voudrais me tromper... Avec Mgr De Clercq je faisais un voyage en Europe; nous avons parlé beaucoup ensemble sur ces questions et d'autres. Vous demandez: quoi faire des écoles supérieures, normales, séminaire, etc,. Et moi je dirais: que faisait Mgr De Clercq? et qu'est-ce que fait Basankusu? et Inongo? et l'Ubangi? Ce n'est certainement pas facile. Particulièrement en ce qui concerne les déplacements, vous avez plus que raison. Ces questions se posent d'ailleurs aussi dans d'autres missions; comme sus-dits. Ce qui peut donner lieu à une différence, c'est que, le principe une fois admis, on essaie d'adapter les postes (là où c'est possible, ce qui n'est pas toujours le cas), aux tribus et aux langues. Et si, dès le début de l'évangélisation du Congo, les situations étaient mieux connues, et les principes posés plus nettement, Rome aurait pu faire la division des Vicariats mieux qu'elle ne l'est maintenant. Assez parlé, Excellence, vous n'allez pas me reprocher que je suis bavard? Veuillez croire en tout cas à mon profond et sincère respect pour vous et vos travaux multiples. Des idées opposées n'en sont pas pour autant un préjudice. Je me recommande, Excellence, à votre prière pontificale et vous prie humblement de me bénir, pour que, dans ces discussions etc, je ne cause jamais de tort à l'amour fraternel. Votre humble dévoué en J.C.
[Lettre 11]
Lisala, le 6 Nov. 1940
Révérend Père Hulstaert,
On pourrait dire davantage en réponse à vos lettres et maintenant à votre réprimande, mais cette discussion ne peut continuer éternellement. Je n'en ai pas le temps et aussi je reconnais volontiers, que je ne suis pas, comme vous, formé dans la linguistique, la sociologie et la philosophie. D'autre part, me référant à ce que me disent également des gens pourtant sérieux, je suis d'avis aussi que des "savants" n'ont pas toujours les deux pieds sur terre. Il y a peu d'inconvénient à votre admonestation et vous pouvez bien l'éditer; je demanderais seulement d'y ajouter mon "dernier mot." (34) Je m'y suis peut être limité trop. C'est pourquoi ci-après encore quelques points, ainsi que la réponse à votre lettre. Là semaine prochaine je vais à la Ngiri, et m'informerai sur le mot Basongo... Emate, Eloa, à côté de l'ancien Mosembe ou Monsembe protestent, était pour moi jusqu'à présent Boloki. Nos prêtres indigènes comme d'autres Bangala veulent dire, non pas que dans les familles linguistiques le lomongo est autant éloigné du lingala que le tshiluba (ils ne sauraient pas en juger), mais qu'en fait, ils le trouvent aussi incompréhensible qu'était pour eux le tshiluba. Les Bangala qui séjournent un bout de temps à Coq, comprennent le lonkundo, à ce qu'on me dit, et parlent même avec eux après un certain temps; comme d'ailleurs beaucoup de Bangala (riverains, etc) peuvent s'entendre avec les Ngombe de leur intérieur. Dire que le lingala mène inévitablement au français est exagéré. Le français a été particulièrement, presque exclusivement propagé depuis la guerre de 14-18, par l'influence d'hommes et de femmes blancs, qui ne ramassent que quelques mots indigènes et se servent pour le reste du français. Nous autres, au contraire, nous contrarions ce français dans la mesure du possible, en promouvant le lingala amélioré. Car je ne partage pas votre opinion quand vous dites à Mgr Tanghe (35): Mieux vaut le français que le lingala. Or, malgré nous et vous, et malgré d'autres linguistes et protagonistes, il est à craindre que de plus en plus ce français gagne du terrain (aussi chez les vrais indigènes) et encore dans une forme écorchée, même incompréhensible. Je 1'ai entendu chez nos Ngbaka. Et voici maintenant la dernière nouveauté: sikombàata: anciens combattants. Dans votre lettre du 13 août vous dîtes qu'il sera très difficile de rédiger Aequatoria, si vous ne pouvez plus écrire des articles critiques. Il y a certainement dans plusieurs Vicariats d'autres sabirs, et peut-être de moindre qualité, que vous pouvez attaquer avec plus de droit, puisqu'ils ne sont ni améliorés, ni enrichis. J'espère que votre revue ne cherche à faire disparaître que le seul lingala, bien qu'elle portait le cachet "N° de propagande". Il vous faudra encore pas mal de travail et de temps pour unifier les dialectes lomongo-lonkundo, ce que je vous souhaite de tout coeur (et en plus: dehors avec le lingala à Coq). Cependant: regardez le C.U.C. (36): Il existe déjà tant d'années. Et où sont-ils arrivés? Je prends cette deuxième feuille seulement pour vous présenter, Révérend Père Hulstaert, mes excuses, parce que mon ton commence à friser l'amertume. Je vais donc dans l'avenir, quoi qu'il arrive, ne plus vous prêter oreille. C'est mieux. Votre dévoué in C.I.M.
P.S. Je tapais la présente "currentibus digitis". A l'occasion, je veux bien encore donner ou recevoir une information mediante Aequatoria, mais des discussions sur le lingala, je n'admets plus.
E. De Boeck
[Lettre 12]
Bamanya, le 28 Nov. 40
Excellence,
Enfin de retour de mon voyage. En vitesse quelques règles pour vous remercier pour votre lettre du 6 dernier et la note annexée, qui selon votre demande sera ajoutée à la discussion comme mot de fin. Tout parait dans le numéro qui est sous presse, et les 25 tirés-à-part demandés vous seront envoyés après. Merci pour les informations sur Emateloa. Chez des blancs j'avais appris qu'ils sont des Eleku, bien que les Eleku d'ici n'ont jamais mentionné ce groupe comme appartenant à leur tribu. Ce nom d'ancien combattent est également ici en vogue. Mais on dit: basek'ombata = les hommes de Bombata; ils l'ont donc revêtu d'une forme lonkundo, bien que ça vient du français. D'ailleurs plusieurs mots français pénètrent dans la langue ici comme chez vous sous des formes irréconnaissables, entièrement adaptées, comme d'ailleurs en Europe aussi: un phénomène linguistique général. Ainsi également sont importés des mots kikongo et lingala. Dans le dernier n° de Africa, je trouvais une note du P. Bentein sur Lokasa la Bateyi. Avant j'en ai vu un exemplaire imprimé; maintenant le père écrit qu'il est polycopié. Donc cette feuille existe encore? Comme vous écrivez, nous mettons fin à la discussion sur le lingala. En effet, nous avons dit l'essentiel, et nous avons constaté que nos points de vue sont irréconciliables. Là où je disais qu'il serait difficile de rédiger encore Aequatoria si nous ne pouvons plus donner des articles critiques, je ne veux nullement dire que nous luttons seulement contre le lingala. Notre objectif est avant tout positif; nous avons pris une position nette, radicale, pro-indigène. Nous sommes donc contre tous sabirs. Mais au fond ce n'était pas ça que je voulais dire. J'entendais plutôt que, quand on fait des études fondamentales, on choque toujours l'un ou l'autre, et que n'importe quelle question qui a une répercussion dans la pratique, compromet toujours l'un ou l'autre groupe, soit des laïcs, soit des Vicariats, etc. Mais personne ne s'en prend pour autant à des personnes ou des groupes, mais seulement à des théories et leur mise en pratique. Les personnes et groupes restent tout à fait en dehors, et la plupart du temps je n'y pense même pas. Au contraire, si j'y pense, je m'excuse auprès d'eux. Je peux bien attaquer le protestantisme et cependant me montrer amical et chrétien envers les personnes. Ceci pour m'excuser ou éviter de fausses impressions. Il ne faut pas penser non plus que c'est mon intention de faire pénétrer le lonkundo dans votre Vicariat; ce serait contre ma propre théorie. Cela regarde le gouvernement. Ce que j'ai prétendu seulement: si l'on peut faire employer le lingala amélioré par des tribus comme les vôtres, ils peuvent autant employer le lonkundo. A moins évidemment que votre lingala, comme vous écrivez, penche plus vers le lingombe. Pour en finir: la fin de ma mise au point est une défense contre votre dilemme de: abandonner le point de vue missionnaire ou ne pas en tenir compte. Ceci n'est pas une insinuation; tout au plus une constatation de la discorde qui continue à exister parmi des missionnaires au sujet de l'application de l'indigénisme. On y trouve tous les degrés; à partir de cette fameuse déclaration de cet évêque missionnaire français: Respecter la coutume indigène? Nous ne respectons pas ce qui n'est pas respectable... jusqu'à mon point de vue radical. Je comprends les directives ce concernant comme elles sont exprimées dans le texte, qui ne fait pas d'exclusions, puisqu'elles donnent les principes. Je veux bien admettre que je les interprète mal mais alors elles ne sont pas claires; beaucoup d'ailleurs les comprennent comme moi: comme des déclarations de principe et une demande de s'y conformer; et de ne pas les expliquer opportunément, comme font certains. Peut-être peut-on faire des remarques sur la forme dans laquelle j'ai écrit ces alinéas, mais à mon avis pas sur l'affaire même. Plus ample explication j'ai écrit dans une lettre précédente. Le but de ce texte est donc nous blanchir des inculpations publiques ou cachées. Et alors dans la forme qui démontre que nous nous sommes plutôt alignés sur les directives romaines, que nous comprenons dans le sens radical. Veuillez donc n'y trouver rien d'autre. J'espère, Excellence, que cette explication ne vous paraisse pas comme une méconnaissance de votre désir de mettre fin à la discussion. Je le respecterai. Seulement j'ai trop d'estime pour votre appréciation que je puis laisser dans votre esprit des jugements qui me mettraient en une lumière moins favorable, contrairement à la réalité. Là où je suis en faute, j'accepte volontiers une diminution en appréciation, puisqu'elle est alors méritée. Mais je voulais d'abord essayer de m'excuser réellement en révélant clairement, dans la mesure du possible, mes pensées et mes sentiments. Si vous avez reçu un numéro de propagande, c'est dû à une erreur dans l'expédition. Bien que de temps en temps on envoie des numéros de propagande pour Aequatoria, donc la revue, pas seulement pour le numéro en question, mais aussi pour d'autres. La propagande ne visait donc nullement cette question du lingala, mais seulement la revue. La présente a de nouveau pris longueur, Excellence. Ne m'en voulez pas. C'est un défaut à moi qu'on m'a déjà reproché souvent, mais pourquoi j'éprouve tant de difficultés à me corriger. Mais bien que je vous prive ainsi de votre temps précieux, votre miséricorde me le pardonnera volontiers. Avec mes salutations toutes respectueuses et un nouveau merci de votre bienveillance de m'avoir prêté oreille, et en sollicitant votre bénédiction. Votre dévoué in C.J.
[Lettre 13]
Bamanya, le 8 janvier 41
Excellence,
De tout cœur je vous souhaite une heureuse nouvelle année, pleine de bénédictions, pour vous-même et pour tout votre Vicariat. J'ai récemment reçu votre note sur Bansongo, pour la quelle je vous adresse un sincère merci. Si je comprends bien, vous voudriez la voir publiée dans Aequatoria. On s'en occupera.(38) Ordre est donné de vous envoyer 25 tirés à part de votre note. Le numéro de décembre est un peu en retard, il est presque terminé, plusieurs ennuis l'ont retardé. Là-dedans parait la discussion sur le lingala. J'espère que vous en serez content. Nous avons bien voulu publier cette discussion parce que, nous l'espérons, elle apportera plus de clarté dans les idées et stimulera des lecteurs à y réfléchir. Sont également soulevés quelques problèmes que souvent on n'aime pas poser. Cela aussi, j'espère, est positif. Puis-je vous signaler aussi que votre assertion est un peu fausse là où vous écrivez en citant mon texte: "mon opinion sur la parenté de ces idiomes (lomongo-lingala) n'est basée que sur des notes..." Il s'agit de la parenté du lomongo et d'idiomes de derrière N.A. La comparaison avec le lingala parlé se fait à l'ouïe, avec le lingala écrit par des livres existants. Dommage que mes notes ne sont pas prêtes à vous être envoyées, sinon vous pourriez voir dans quelle mesure il y est question du lonkundo. Je crois pour peu ou rien. Il est plus évident qu'on y trouve des mots "lingala", je crois. S'il y a beaucoup de lonkundo dedans, il serait difficile de soutenir que les gens ne comprennent pas les pères en lonkundo. A moins que cela soit dû au fait que les pères parlent un mauvais lonkundo, ou bien (comme vous écrivez) un lonkundo trop lettré...Peut-être trouverai-je plus tard une occasion pour vous envoyer une copie des textes annotés dans la Ngiri. Veuillez également noter que je fais la comparaison du lonkundo avec le lingala parlé, non avec celui de vos publications. Sans doute connaissez vous Mr. Possoz (39)? Certainement de nom. Eh bien, cet ami à nous avait envoyé une note depuis E'ville, en rapport avec mon étude sur le lingala.(40) En réponse je lui écrivis que nous ne pouvions pas la publier, étant donné qu'elle contenait des affaires personnelles. Maintenant il me demande de vous la transmettre personnellement, pour que tout de même vous preniez connaissance de son point de vue. Je viens de taper son texte (son écriture n'est pas toujours très lisible) et je vous l'envoie en annexe. Bien que Mr Possoz soit juriste, ils s'est acquis une connaissance universelle; il sait parler de tout, et ne se borne pas du tout au superficiel; il est vraiment un homo universalis. Tout en ne connaissant pas toujours les détails, il possède un aperçu général développé. En linguistique également il est très dévoué. A beaucoup de nous autres il peut nous donner encore des idées exactes, aussi dans ce domaine. Raison pour laquelle j'espère que vous n'allez pas m'en vouloir que je donne suite à son désir, en vous transmettant cette note. Excusez-moi, Excellence, de vous avoir écrit. J'étais obligé de le faire à cause de cette note sur Bansongo pour laquelle je vous adresse encore un grand merci et de celle de Mr Possoz. Puisse le Seigneur nous donner la paix dans cette année nouvelle, d'abord en nous-mêmes ainsi qu'aux autres. Avec mes salutations sincères, respectueusement vôtre in C.J.
[Lettre 14]
Lisala, le 18 janvier 41
Révérend Père Hulstaert,
Je vous remercie de vos vœux et vous souhaite réciproquement une bienheureuse année 1941. Je vous envoie, ci-joint et à part, par le même courrier, quelques papiers de notre prêtre indigène Médard Bokula (41). Il est Ngombe de près de Akula, mais quitta jeune son village pour la mission de Mbaya. Je ne sais pas ce que ses écrits vaudront pour vous. Il y a un passage que moi-même je ne comprends pas bien. Il parle aussi de "bantendele". J'ai lu quelque part que Ntendele était le nom de Stanley (ou Hansen?) Au sujet de votre grammaire, l'Abbé Médard disait qu'il n'en comprenait rien du tout. Ces Ngombe n° 2, mentionnés par lui, sont à vrai dire les Ndzamba-Makutu à l'intérieur de Boomana; les blancs les ont appelés comme ça, c'est-à-dire Ngombe, comme ailleurs aussi, parce qu'ils n'habitent pas l'eau mais l'intérieur; Ngombe: donc opposés aux riverains. Les Iboko doivent avoir habité dans cette région, et y ont encore laissé des traces. Je vous envoie également la population de nos postes de mission (42). Et dire que ces peuples habitent pour là plupart mélangés ou du moins peu séparés dans une région! Si l'on pouvait reculer de 50 ans et fonder tous nos postes actuels en une fois, alors peut-être trois ou quatre langues pourraient suffire (les Lomami exclus) et même cela est encore trop pour un Vicariat; à moins qu'on ne soit obligé d'interchanger le personnel! Le lingala (de Guthrie) se répand toujours de plus en plus. J'ai pu constater à nouveau qu'il s'infiltre, malgré moi et mes pères, chez les 200.000 Ngbaka, par les blancs et leur suite, les militaires, la Cotonco, l'exode vers les centres de travail. Le factum de Mr Possoz apporte peu de poids, je trouve. Sur l'origine du lingala, il ne réfute pas non plus ce qui est écrit dans ma grammaire ni ce que j'ai affirmé à partir de mon expérience et des informations reçues de feu Mgr Van Ronslé. Vous verrez que l'Abbé Médard aussi parle des temps primitifs. Pour ce qui regarde la rédaction de ce vocabulaire: comment est-ce possible que Mr Possoz, un substitut de longue expérience, aune telle foi en un seul noir, sans contrôler ses affirmations. Et quant au continu, il n'est pas d'accord non plus avec vous qui, il me semble, avez dit que pour 75 % ce sont des mots mongo! Et dans ce cas il ne m'est pas explicable non plus que moi je ne comprenne rien du lomongo. En plus n'est-il pas frappant comment le vocabulaire de Guthrie et le nôtre correspondent? Et comment autre fois le lingala du père Sebast et de Jos Bakutu (43) dans le Coq chante, était si peu différent du nôtre? A N.A., je n'ai rien retrouvé de mes livres et notes, à part quelques contes Mabale et un essai de grammaire Boloki. Feu P. Pollet, qui avait hérité le tout, est décédé à Boso Mondanda; je chercherai donc encore de ce côté-là. Cependant je crois déjà avoir compris qu'à N.A. de "vieux papiers" ont disparu! Si vous possédez des textes authentiques de la Ngiri, je ne saurais quand-même vous aider beaucoup... Sinon il est à présent beaucoup plus facile qu'avant pour obtenir des textes, avec les écoliers d'aujourd'hui. Au fond, cher Père, à part un point, nos points de vue ne sont pas très divergents. Je regrette avec vous que le lingala existe, mais comme il existe tout de même et gagne encore du terrain inévitablement, il n'y a, du moins pour notre Vicariat, qu'une seule solution, à savoir l'améliorer. L'expérience nous apprend ici que cela n'est pas voué à l'échec. Votre dévoué in X-. [Note ajouté à la lettre du 18 janvier 41] Sous l'autre pli je vous envoie en plus une note de notre inspecteur de l'enseignement. La dite note ne peut ni comme telle ni partiellement être publiée. Et après en avoir pris connaissance, veuillez me la retourner car je n'ai que celle-là (44)
[Lettre 15]
Bokuma, le 25 février 41
Excellence,
Je suis un peu en retard pour répondre à votre aimable et agréable lettre. En tout cas un grand merci pour toutes les informations. J'enverrai à l'Abbé Médard lui-même une réponse à ses notes, qui sont bien intéressantes, mais qui apportent peu de neuf à ce que je savais déjà. Je lui demanderai qu'il veuille faire des recherches au sujet de quelques points déterminés, ainsi son travail sera, du moins pour moi, plus utile. J'ai également reçu votre Lokàsa la bisu (45). Imprimé soigneusement, félicitations! Je vois que partout vous écrivez DZ, donc l'orthographe uniforme pour une sonore dentale affriquée. Comme vous le savez, nous écrivons le J (système anglais). En outre vous écrivez: labisu, wangai, etc, en un mot. Pour quelle raison? Ici également on emploie souvent le mot Ntendele pour blancs. Moi aussi je crois qu'il provient du nom Stanley. Sinon le nom ordinaire est: Bendele, du kikongo. Ainsi l'on dit: londele = la façon des blancs. Ou lontendele = idem. Il y a aussi une tendance dans la langue de faire la distinction entre les deux mots, p.ex. bamato ba bendele = femmes blanches; mais bamato ba ntendele = femmes des travailleurs des blancs, ou: femmes qui courent avec les blancs. Si je comprends bien la rédaction de l'Abbé Médard, je crois que lui aussi fait dériver le "lingala de commerce" des Bobangi et des Eleku, qui ont accompagnés les premiers blancs, et qui ont plusieurs éléments communs avec les dialectes de la Ngiri. Ici aussi d'ailleurs des mots comme kende ou kenda, yaka, etc. sont des mots mongo communs. Il est curieux aussi qu'on dise: Bobangi: Mangala; tobatanga Mangala esika mindele miya, yambo tobabiangàka Balolo. J'entendais racônter la meme chose à Coq par des Baloi. Remarquable aussi est l'usage de ces deux mots: tanga et bianga. Nous faisons la même chose ici, seulement nous n'employons pas le dernier mot, mais bien: eta, qui signifie le même. Beaucoup de ses remarques sont également valables pour ici; c'est un peu partout la même chose. L'explication des noirs est un peu là même partout; chacun tire sur son côté. Et il n'y en a pas qui ont un aperçu global dans ces questions. Il n'est d'ailleurs pas possible: ils n'en ont pas eu une formation. Pour autant que l'Abbé Médard 1'explique, nous sommes d'accord sur l'origine du lingala de commerce (non du lingala littéraire! Nous parlons seulement du premier). Aussi Possoz parle du premier, si je comprends bien. Il ne réfute certainement pas votre grammaire, et n'y a probablement pas pensé, pas plus que moi-même. Je prétends seulement que le lingala de commerce provient du bobangi-eleku, avec un peu de mongo et peut-être un peu de Ngombe (mais de ce dernier on peut s'en passer); d'ailleurs beaucoup d'éléments sont communs. Le factum total de Possoz ne pèse en effet pas lourd, sauf dans sa conclusion. Son affirmation au sujet de la composition de votre vocabulaire, je ne l'ai jamais examinée. Il est évident que personne ne peut y croire. C'est d'ailleurs la première raison pour laquelle la pièce a été refusée par Aequatoria. Il a certes une bonne formation linguistique, mais il y va trop vite avec ses conclusions et contrôle trop peu les faits. Pour ce qui regarde le contenu et les 75% de mots mongo: j'ai contrôlé plusieurs pages du vocabulaie noir (46), édité chez Proost, et j'ai effectivement trouvé cette proportion. Que des noirs ne comprennent que quelques mots, comme dit Possoz, ne prouve rien du tout. Comment a été sa prononciation? Et qu'est-ce qu'un noir moyen comprend d'un mot retiré de son contexte, excepté de quelques mots plus déterminés et concrets? En général pas beaucoup. D'ailleurs des campagnards en Europe non plus! C'est normal, et l'on ne peut rien en tirer, ni pour ni contre. Que pour ce 75o/o des mots mongo dans "votre" vocabulaire (à vrai dire je ne sais de qui il est, donc pour la facilité je l'appelle: "le vôtre") vous ne comprenez rien du mongo, je le trouve très normal. Il serait étonnant si vous ne compreniez rien du mongo quand 75% des mots mongo se trouvaient dans votre vocabulaire. Mais il n'y en est pas question, pas du tout. La richesse de ces deux idiomes n'est pas comparable! En plus s'ajoutent les formes du verbe, ainsi que la différence entre les deux idiomes dans un tas de mots que nous, les blancs, appelons "d'usage commun". En outre j'ai compté dans le vocabulaire même les mots qui dévient un peu de par leur forme, comme mwete = bote, m=b, l'élision du s dans des dialectes de la Ngiri, etc. Votre vocabulaire et celui de Guthrie correspondent sans aucun doute dans les points fondamentaux. Mais vous employez plus de mots Ngiri, me semble-t-il. D'ailleurs Guthrie a également puisé à Lisàla, dit-il lui-même. Il ne cite pas de livres; il serait dépendant étonnant, qu'il n'ait pas consulté des auteurs et ne soit pas allé chez des noirs chercher sur base des mots qu'ils citent, et les ayant trouvé, ne les ait noté ensuite dans son livret. Dans ces choses c'est la façon habituelle de faire. Si je trouve le temps pour composer mon dictionnaire du lomongo, je consulterai aussi Ruskin e.a. et je chercherai, auprès des noirs, les mots qui me sont inconnus et les noterai après... Le lingala du P. Seba est un peu différent du votre. Il a puisé un peu plus dans des livrets de Buta. Le père Seba tient son lingala surtout de livres, il parle une langue livresque plutôt qu'une langue vivante; et ainsi il est normal qu'on ne le comprenne pas toujours à Coq. Jos. Bakutu également écrit une langue livresque; mieux que le P. Seba; il n'écrit pas comme les gens parlent, ici à Coq ou le long du fleuve et à Kin, mais comme il a appris à l'école. C'est donc la langue dé l'école de N.A. qu'il écrit; on ne peut rien en déduire, pas plus que du lingala du P. Seba. Que le lingala de "Guthrie" s'infiltre toujours chez les Ngbaka, n'est pas du tout étonnant. C'est ce lingala qui pénètre toujours avec les blancs et les soldats. L'autre, la vôtre donc, est déjà trop difficile pour les blancs. Ici également le lingala s'est infiltré depuis des années. Les gens y sont obligés par 1'Etat. Cependant il reste pour eux une langue étrangère. Tout au plus ils cherchent à imiter les blancs ou à se faire remarquer, mais cinq minutes après, ils parlent de nouveau lonkundo, tout bonnement comme si rien n'était! Les tribus ici sont moins lingalisées que la Flandre n'est francisée: partout on continue à entendre le lonkundo, bien que tout le monde soit obligé de parler lingala à cause de l'Etat ou d'autres blancs pour... éviter la prison!! Cela ne nous empêche pas, malgré tout, de maintenir notre principe: langue maternelle-langue véhiculaire. Nous pagayons donc à contre-courant. C'est une des différences les plus fondamentales entre votre position et la mienne (et celle de beaucoup de missionnaires, pas seulement chez les Nkundo). Aussi est-ce un peu curieux d'entendre le P. Guilmin parler de "contrainte linguistique". Cela rappelle un épouvantail connu de la part des fransquillons en Belgique... Dans la colonisation tout se fait sous contrainte, à quelques exceptions près peut-être. Tous les noirs doivent au moins connaître la langue de commerce des blancs, lingala, kingwana ou quoi que ce soit. Ce n'est pas écrit, mais de fait c'est une contrainte pure. Aussi dans les écoles il y a contrainte linguistique; partout l'enseignement est donné d-ns une telle ou telle langue, ou bien rien; cela n'est cependant pas si grave. Une certaine contrainte est nécessaire; la question est plutôt: dans quelle mesure, dans quel but et quelle direction, etc. La police aussi est une forme de contrainte, comme les travaux routiers, la plantations, les contributions, le portage (et pourtant nous y collaborons nous aussi en quelque sorte, souvent même, n'est-ce pas?). Le plus important c'est que la contrainte soit nécessaire, qu'elle soit en proportion avec les situations, et surtout avec le but qu'elle ait comme objectif le bien commun (pas celui du gouvernement, des compagnies, des missions, etc. mais celui du peuple). Je crois que cela est la seule bonne position. Il n'est pas toujours bon de renoncer à des moyens de contrainte est parfois nécessaire. Et il y a contrainte et contrainte. Une contrainte comme celle dont parle le P. Guilmin n'est certainement pas plus grave que l'état impose ailleurs avec son lingala; celle imposée parfois par les missions dans leurs écoles. Que les gens par-ci par-là ne se sentent pas contraints devant un sabir, un enseignement en lingala, a certainement son influence sur l'affaire. Bien que secondaire. Si p.ex. l'Etat laisse tomber le lingala, il n'y aura plus, dans x années, de contraintes pour prendre p.ex. le lingombe. Que le lingala ne soit plus imposé, et que le lingombe le soit, dépend du gré du gouvernement. C'est une concession au courant de l'opinion. Et ainsi nous imposons nous aussi le lingala, puisque il est enseigné en place du français, auquel les noirs donnent sûrement la préférence. Ne pensez-vous pas, qu'eux aussi le considèrent ainsi? Qu'ils le voient comme une contrainte, que nous ne donnons pas tout leur enseignement eh français? Et quand-même nous ne concédons pas, ça aussi c'est une contrainte, mais une bonne. Et c'est là-dessus e.a. que je me base, quand j'écrivais que le lingala prépare normalement la voie au français. On veut le lingala pour la grâce des blancs. Arrivent plus de blancs, plus de français; le français gagne du terrain chez 1es noirs, en imitant les blancs, tout autant que le lingala, et là les noirs sont plus logiques que nous. Ils continueront à imiter radicalement, pour combien d'années, je ne le sais pas. Vouloir empêcher le français par le lingala est, à mon avis, égal à introduire le loup... Quoiqu'il en soit, je vous suis très reconnaissant de m'avoir permis de prendre connaissance de la pièce du P. Guilmin. Je vous la retourne ci-jointe. Bien qu'elle ne m'apporte pas beaucoup de lumière, elle expose bien le point de vue du P. Guilmin, qui à mon avis, est aussi le vôtre. En tout cas il défend fort le point de vue du Vicariat qui est d'ordre pratique, pendant que le mien est plutôt celui du peuple, auquel le Vicariat doit s'adapter. Je sais bien que dans la pratique l'application n'en est pas toujours possible. Dans ce sens-là, vous écrivez vous-même que, si on l'avait su avant, on aurait pu arranger ces questions autrement. Même là où pour le moment une adaptation ne peut être trouvée, je crois toujours que l'on doit maintenir les principes et s'orienter vers des possibilités meilleures. Je considère des Vicariats et des postes de mission européens comme une situation provisoire et passagère. Quand plus tard l'Eglise autochtone sera consolidée, ce pour lequel nous faisons tous du zèle, la situation changera.. Je pense que nous devons essayer de ne pas trop embrouiller les questions maintenant, et de tenir compte aussi de cet avenir, où la question linguistique se posera tout autrement, à savoir les problèmes qui proviennent du fait que l'évangélisation doit se faire par des blancs et par les Congrégations. J'espère pour le P. Guilmin que les milieux enseignants de Kin n'approfondissent pas trop son rapport; ils pourraient le comprendre comme une impuissance, plutôt que comme étant une argumentation. Ainsi p.ex. là où il écrit: 2° Pratiquement... les Ngombe-Bagenzà et les Budza parlent des idiomes qui me semblent guère avoir le lomongo comme langue-mère. Tout-à-fait d'accord, évidemment. Mais par là on ne prouve pas que le lingala ne se range pas parmi les dialectes Mongo. Et puis: des migrations peuvent-bien fournir des preuves pour ou contre des groupes ethniques; mais pas pour une unité linguistique. Les migrations des Mongo n'ont pas du tout eu lieu par le même jour! Nous savons que les Mongo ont bien habité au nord du fleuve Congo; cependant les Boonde de Yakata sont arrivés là par un contre courant, et c'est probablement là-dessus que l'affirmation du P. Guilmin est basée. Peut-être également d'autres groupes. C'est le même cas chez les Batetela, qui venaient d'au-delà de la Lomami, mais suite à un contre-courant! L'origine des Bonzale ne m'est pas connue. Il y a bien un groupe de Bonzale chez les Ngombo de Basankusu. Les Ngombe habitent certainement plus longtemps dans des régions que le P. Guilmin ne le pense. Le dernier essai échoué des Ngombe pour traverser la Ruki, date d'il y a environ 75 ans, selon notre estimation. En tout cas le lomongo et le lingombe sont deux langues différentes; il ne peut y avoir aucun doute. Je n'ai d'ailleurs jamais prétendu le contraire. Néanmoins je continue à défendre que, si les Ngombe peuvent être enseignés en lingala, ils peuvent bien l'être en lomongo. Cet " aussi bien" se rapporte évidemment à la possibilité linguistique. Il est clair en effet que quelqu'un qui connaît déjà le lingala et pas le lomongo, ne pourrait être instruit facilement en lomongo. Et la connaissance du lingala ici visée, n'est pas celle du lingala de commerce; bien que cette connaissance est quelque chose d'utile pour le but, elle n'est cependant telle que je devrais biffer le mot aussi bien, aussi facilement. Pour cela la différence de degré en est trop minime. Que le P. Guilmin appelle mon affirmation une "affirmation gratuite", est facile. Dois-je le prouver? Cela demanderait tout un livre sur le rapport réciproque entre le lingala et le lingombe et le lomongo... De telles preuves, ça ne se demande pas; chacun peut les trouver pour soi-même. Le P. Guilmin ne va quand-même pas maintenir que votre lingala, ou le lingala populaire, sont plus proches du lingombe que du lomongo? Beaucoup plus important est ce qu'il écrit: "qu'alors le lomongo deviendrait vite un jargon". Oui, dans la même mesure à peu près que le lingala, qui dépendrait des moyens employés. Il y aurait opposition contre le lomongo. Je le crois bien. Les Ngombe considèrent les Mongo comme inférieurs. Absolument vrai, dans le domaine militaire. Mais pas vrai dans le domaine culturel, du moins dans la région de la Lulonga-Ikelemba. Au contraire: bien avant l'arrivée des blancs, alors que les Ngombe, militairement, étaient beaucoup plus fort que les Mongo, ils empruntaient des éléments linguistiques, le tambour, etc. Encore maintenant ils se considèrent comme inférieurs sur le plan culturel et linguistique. La situation est-elle autre à Boso Modanda? Il est possible. Cela est cependant tout à fait secondaire. Si les blancs sont pour, l'opposition disparaîtra vite. Mais la question en somme n'est pas là. Le P. Guilmin place ce bout de phrase là où il s'agit de prendre le lingombe à la place du lingala. Que le lingombe a sans contestation autant de valeur, grammaticalement et littérairement, que le le lomongo, je ne le sais pas. Peut-être bien? Je ne peux pas en juger. Le P. Guilmin le saurait-il? Lui, qui aime à parler d'affirmations gratuites!" Cette opposition contre le lingombe serait plutôt réduite à quelques groupuscules éparpillés par-ci par-là (sauf quelques-uns sur la Ngiri). Peut-on abandonner un principe pour cette raison? Même si alors un ou deux postes devraient maintenir provisoirement le lingala, les autres au moins seraient sauvés. Et les Budza ne pourraient-ils pas, pour l'enseignement, aller de pair avec les Ngombe? Ainsi on arriverait loin, puisque les Budza s'entendent loin vers l'est, comme les Ngombe vers le sud. Néanmoins le P. Guilmin a raison quand il dit que le lingombe devrait être adapté. C'est le cas partout. Le lingala doit l'être aussi. C'est une question de temps. Et ça vaut la peine, à mon avis. Des fruits de l'enseignement au niveau de la langue? Une question difficile. Qu'est-ce qu'on comprend par: fruits de l'enseignement? Qu'est-ce que l'enseignement a à voir avec le peuple? Avec la christianisation des individus et du peuple(établissement de l'Eglise dans un peuple)? quelles sont les interrelations? Si l'on recherche du travail solide pour l'avenir, si on veut éviter des erreurs sociales, alors on tendra à unir harmonieusement langue maternelle, éducation, catéchèse, enseignement, langue, formation sociale. Alors on ne peut dire rien d'autre que: l'éducation en langue maternelle, en langue véritable, est de loin préférable, quant à l'utilisation, à d'autres langues. Toute la question ici consiste en la signification du mot: éducation, éducatif, etc. D'ailleurs je ne sais pas pourquoi nous devons toujours tendre à appliquer le principe: un Vicariat par langue, ou: à chaque Vicariat sa langue... comme la pièce du P. Guilmin laisse entendre. Excellence, j'ai bavardé longtemps sur ce sujet, voulant me renseigner, en rapport avec ma carte, sur les langues dans votre région. Puis-je vous demander de le vérifier un peu, de rectifier les limites en cas de besoin et de me le retourner? Surtout là région où ils se rapprochent: Budza, Mobali (Pakabete) et Ngbandi et Ngombe. Il me serait utile pour l'établissement de ma carte linguistique du Congo. Je ne regarde évidemment pas de petits îlots linguistiques. De tout cœur d'avance. Et veuillez, Excellence, bénir votre dévoué in C.J.
[Lettre 16]
Lisala, le 8/4/41
Révérend Père Hulstaert,
J'ai encore devant moi votre "longue" lettre du 25 février avec sa carte. Bien que le P. Guilmin et moi nous pourrions encore vous prêter oreille, nous préférons ne pas le faire; il ne m'est pas possible de maintenir cette correspondance. Seulement je vous dois encore quelques éclaircissements-sans polémique! 1. Bonzale est donc un groupe Ngombe. J'avais entendu ce nom à l'époque que je desservais la région de Basankusu, et je pensais avoir à faire avec un groupe mongo. Veuillez bien le rectifier dans ma note sur les Bansongo, S.V.P. 2. Depuis que je vous ai demandé votre avis, j'écris: Lokase la biso. ndako ya ngai, en deux mots; il y a des fautes d'impression, et d'autre part pas tout le monde me suit déjà; question d'habitude. 3. Encore nulle part (en dehors du Kasaï et peut-être ailleurs où je n'ai pas été) je n'ai entendu le J français (jou) ou le J anglais (jam), sauf parfois par un père, comme le J était au paravent écrit dans nos livrets. Nous avons ici deux sons différents, me semble-t-il: un Z et un DZ (à la flamande!). Ainsi: nzala; nzembo; Nzambe et puis dzala, dzembo, dzila,dzamba Les appellations scientifiques de ces sons, je ne connais pas. 4. Tobabiangaka Balolo est fautif, à mon avis; en français: appeler. Il est assez en usage mais doit être: tobatangaka (nkombo 'te) Balolo. 5. La mission de Berghe, où évidemment la langue Bobangi était d'usage, était transférée en 1899 à N. Anvers, avec ses livres de prières et son catéchisme; c'est ainsi que pas mal de mots Bobangi s'infiltraient dans la langue de N.A.; j'y trouvais également en 1901 un groupe d'orphélins d'esclaves Mongo. 6. Ces 75o/o de mots Mongo sont donc (étymologiquement) apparentés aux langues Bangala; cela rend la question moins incompréhensible. Mais alors je peux aussi bien trouver un grand o/o chez les Ngombe, les Budza... Qui sait peut-être aussi vers les 75%. 7. Que Guthrie ait puisé e.a. dans notre vocabulaire (le plus de moi-même et également du P. Peeters) est très probable, quand je vois qu'il en a repris des erreurs. Maintenant encore un mot au sujet de votre croquis. Je reconnais volontiers que je ne suis pas calé assez pour le corriger. Il est frappant que vous voulez trouver coûte que coûte de grandes unités linguistiques. Est-ce que vous avez étudié toutes ces différentes langues et dialectes? Il me semble que de cette façon en Europe aussi on pourrait se contenter peut-être de trois, quatre régions. Je demeure, révérend P. Hulstaert, votre dévoué en X"
P.S. L'abbé Médard va être muté.
[Lettre 17]
Ikela le 27 juin 1941
Excellence,
Depuis un temps déjà reçu votre aimable lettre du 8/4, mais à cause de mes tournées et d'occupations diverses, j'ai trop longtemps retardé ma réponse. Je vous remercie cordialement pour vos informations. Comme vous avez déjà remarqué entre-temps, votre lettre est arrivée trop tard afin d'appliquer encore les corrections au sujet des Bonzale. Puis-je déduire de votre n°7 que le "vocabulaire" noir, édité chez Proost, est de votre main, en collaboration avec le P. Peeters? Il y a pas mal de mots dans ce livret. Du point de vue linguistique, il est dommage que les dialectes, d'où proviennent les mots, ne sont pas indiqués de l'une ou l'autre façon. Ce serait une rectification utile à faire dans une édition ultérieure, a mon avis. Le livre a surtout son utilité dans vôtre Vicariat, et aussi dans la région de Buta, me semblera, où l'on emploie votre lingala, et en plus comme matériel linguistique. Et alors une indication pareille serait bien utile. Les sons Z et DZ évidemment sont différents. Sont-ils présents dans les dialectes chez vous, et dans lesquels? Une deuxième question est: ces deux sons, s'ils existent dans l'un ou l'autre idiomes y sont-ils également deux phonèmes différents? Cette dernière question est la plus importante, et la seule d'intérêt pratique. Car toute orthographe tend à écrire rien que les phonèmes. Je dis: y tend. Parce que pas toutes les langues du monde ne sont arrivées à appliquer en pratiqué cette orthographe idéale, pour des raisons très diverses, ou bien parce qu'elles n'ont pas adapté l'orthographe exacte d'origine, à la langue parlée qui est constamment en évolution, comme le français, le néerlandais, l'anglais et certainement la plupart, si non toutes les langues européennes. La question de l'orthographe demeurera toujours: quels phonèmes possède cette langue, et comment le mieux représenter les phonèmes, pour lesquels en flamand, en français, etc. nous n'avons pas de signes (ou des signes très défectueux, comme les Français pour le e, é, è, e), vu du point de vue des indigènes. S'il existe deux phonèmes Z et DZ, on doit les exprimer. S'il n'y a sous ces deux sons qu'un phonème, on n'utilise qu'un seul signe pour les deux. En utilisant deux, on ne surcharge pas seulement l'orthographe, mais aussi on sème la confusion dans l'esprit des gens; c'est donner un exemple d'illogisme, sans parler d'une coopération à la naissance d'une question d'épellation ultérieure. Les exemples que vous citez, donneraient tout de suite à quelqu'un qui s'occupe de ces questions, même si ces langues ne lui sont pas connues du tout, l'impression qu'on n'a pas à faire ici avec deux phonèmes: Z et DZ, mais avec un seul. Comment on écrit ce phonème est une seconde question. Le sons qu'adopte ce phonème selon les dialectes et selon sa place dans le mot, peut avoir influence sur l'orthographe. Le plus important c'est que la reproduction soit claire, sans équivoque et aussi facile que possible. Primordial demeure: une lettre par phonème. Les gens ressentent en effet, physico-psychologiquement, tous ces sons qui forment un seul phonème, comme unis. Si, in casu on l'écrit avec Z ou J ou n'importe comment, est secondaire. Moi non plus je n'ai encore entendu ici, chez des Mongo ou chez des soi-disant Bangala à Coq ou ailleurs, un J français ou anglais, pas plus qu'un Z flamand. Mais j'entends bien partout un son D devant le J ou le Z. Et ce son J ou Z se rapproche plus ou moins du J ou du Z français, selon les dialectes et surtout selon la place qu'il occupe dans le mot. Ainsi d'ailleurs vous pouvez remarquer dans vos exemples que le Z est toujours précédé de N, mais pas le DZ. Pour se prononcer sur la question si réellement il y a deux phonèmes: Z et DZ, comme vous pensez, il faudrait établir une double série de mots, où chaque fois figurent des mots avec Z et d'autres DZ, qui ne diffèrent mutuellement que par ce son. C'est dommage pour moi que vous ne pouvez pas ajuster ce croquis des langues. J'ai dû me baser uniquement sur des données recueillies par ci par-là auprès de personnes ou des livres. C'est pourquoi j'aurai bien voulu avoir votre avis là-dessus. La mise des dialectes en blocs plus larges, en langues, comme j'ai fait sur ce croquis, est bien exacte en grandes lignes, selon les sources disponibles. Les limites précises cependant, je saurais les indiquer, surtout chez les Budza et les Mabati-Boboa. Vous avez bien raison en pensant que je veux absolument trouver de grandes unités linguistiques. Cela est en effet mon but. D'autres en chercheront des plus petites. Je cherche à réunir autant que possible. J'interprète donc les cas discutables selon mon objectif; pendant que d'autres en feront des langues à part. D'après ma façon de faire, il n'est cependant pas exact de prétendre qu'en Europe on pourrait se contenter de 3 ou 4 régions. Je crois qu'en Europe il y a beaucoup plus de langues que vous ne semblez penser. Je ne connais évidemment pas toutes ces langues, mais à l'aide de quelques livres valables, on obtient un tout autre aperçu que vous ne sauriez croire. On pourrait en effet simplifier dans le bloc germanique tout autant qu'on saurait y trouver plus de langues quand on adopte le principe de grouper le moins que possible. Le bas-latin est beaucoup plus divergent. Quelque chose de très drôle, puisque toutes ces langues proviennent d'une langue-mère générale, assez littéraire. Si les langues intertribales, qu'on veut développer en Afrique, que ce soit le lingala, le kiswahili, le manding ou quelles qu'elles soient, subissent la même évolution, l'avenir n'est pas prometteur; puisque alors on a mis beaucoup de temps pour rater le but. Ce que la situation en Europe nous apprend en tout cas, c'est que mon point de vue reste bien soutenable. Le fait que la plupart des Européens, aussi des missionnaires, en savent encore moins des situations de fait en Europe que de la linguistique générale, rend cependant l'affaire très compliquée, parce que chacun veut que son influence soit reconnue, étant convaincu de sa compétence. Ainsi je lisais récemment dans un livre français une strophe d'une chanson, dans le dialecte de Cantal; en voici le texte:, Yo n'ai chi saons, ma mio n'a ma quattri; cossi farcins, quand nous maridareins. L'orthographe est française. Mais je ne pouvais pas comprendre le texte, sans la traduction française à c6té: je n'ai que cinq sous, mon amie n'en a que quatre; comment ferons-nous, quand nous nous marierons. Convertissez ça en une langue congolaise, et nous nous trouvons devant deux langues bien distinctes.. Et quand-même en Europe on voit tout ça comme du français! Et pourquoi alors pas ici? Ce n'est qu'une question de "quantum" et de "quale". Votre n° 6: 75% de mots mongo! Il est tout de même difficile de se comprendre!'Surtout par écrit! Je ne veux pas dire, Excellence, que ces mots sont apparentés étymologiquement, mais qu'ils sont effectivement les mêmes sauf les habituelles différences dialectales. La parenté étymologique est trop élastique pour y baser un jugement comme celui que j'ai prononcé. Je considère comme identique: votre mobeko et notre boeko (les noirs 1e comprennent instinctivement que c'est le même); votre préfix mo et bo, votre moto et notre bonto etc. Je vous ai écrit comment je suis parvenu à ce 75%. Je doute fort si vous obtiendrez un pourcentage plus ou moins ressemblant pour le lingombe et le budza. Je ne l'ai pas contrôlé, je ne connais ailleurs pas le lingombe: ou le budza; je saurais seulement me baser sur des vocabulaires (et ceux que je connais, assez incomplets. Ensuite j'ai établi ce pourcentage rien qu'à l'aide de ce vocabulaire édité chez Proost. Et quels idiomes figurent là-dessus, je ne saurais le deviner que de loin. Vous avez remarqué que dans mon croquis j'ai négligé les petits il6ts linguistique. Sur une carte complète, ils devaient être repris. Mais alors on doit sensiblement agrandir l'échelle. La carte ne serait d'ailleurs plus pratique pour le but que je me suis proposé, et en vue de l'unification linguistique, des groupuscules comme les Mondunga, les Bapoto, les Basoko e.a.. représentant quelques milliers d'hommes, peuvent être négligés. Quoi qu'il en soit, il n'en sera jamais question de faire de ces langues ou dialectes, des langues littéraires. Même des groupes de 5 à 10.000 hommes auraient difficile à être pris en considération. Ces chiffres ne sont que forfaitaires. En réalité il est impossible de déterminer quand le nombre d'hommes est suffisant pour s'appliquer à rendre leur langue littéraire (si je peux m'exprimer ainsi!). Tous ces groupes insuffisants doivent nécessairement se joindre à un groupe plus large. Il n'est en effet pas faisable, Excellence, de continuer, comme nous avons commencé, à polémiquer sur ces questions. Chacun a sa tâche et beaucoup de travail, vous plus que moi. Et surtout cela aboutit à très peu, comme il parait. Chacun maintient son point de vue.., D'ailleurs, notre correspondance est née de circonstances. Mon but était: me défendre. En entamant notre correspondance et avec l'article dans Aequatoria, je visais à lancer des idées pour favoriser un essai de rapprocher le lingala du lomongo, ou en d'autres termes: de joindre, lentement et progressivement la langue de commerce des blancs que vous jugez inévitable à une grande langue populaire étroitement apparentée, et d'essayer ainsi d'aider à résoudre lentement la question linguistique pour une grande partie du Congo. Je croyais qu'il était possible de gagner des personnes pour cette idée, vous-même en premier lieu. Cela me semble maintenant voué à l'échec. Bien que je crois toujours que mon idée n'est pas une utopie. Si on devrait vouloir coopérer dans ce sens, dans votre Vicariat et dans la région de Buta, j'en suis convaincu que nous réussirons. Que les blancs tiennent à leur lingala, c'est sûr. Mais si les missions pouvaient parvenir à s'entendre, alors l'Etat marquerait son accord, du moins officiellement, et ainsi à côté du sabir: le lingala des blancs, se développerait un lingala littéraire, qui -avec le temps- pourrait concorder avec le lomongo littéraire. Bien que je préconise le principe: langue maternelle langue véhiculaire, ce futur lingala ou lomongo (le nom n'est pas d'importance) serait à mon avis beaucoup meilleur, même pour les Ngombe, etc, que le lingala actuel, nonobstant le respect et l'admiration que je ressens pour le travail gigantesque par vous dans ce sens. Une fois arrivé là, aussi les blancs qui utilisent encore une langue indigène (et leur nombre diminuera avec le temps), parleraient une langue meilleure; et en tout cas les noirs qui ne parlent plus (ou partiellement) leur langue maternelle, auraient un meilleur instrument pour se développer davantage. A vrai dire je crois que c'est un peu ce que feu Mgr De Clercq a fait au Kasaï. Bien que nous ne puissions rien obtenir avec nos écrits, comme chacun de nous maintient son point de vue, j'espère toujours que les ponts n'ont pas sauté, et qu'il reste possible d'examiner cette solution. Les langues évoluent; le lomongo officielle dans son vocabulaire subit l'influence du lingala, c'est-à-dire de la langue de commerce (quelle que soit l'origine de ces mots). Votre lingala scolaire ou écrit peut aussi bien être influencé par le lomongo ou s'en approcher par le choix des mots (empruntés à des idiomes indigènes locaux), qui sont plus proches du lomongo "officiel". La coopération des missions aurait certainement l'appui du gouvernement et cela élèverait une digue plus solide contre le "lingala de Guthrie", comme vous l'appelez, ou le lingala populaire du fleuve, que d'autres essais combien sages, courageux et persévérants qu'ils soient? Toutes les autres questions qu'on a effleurées, Excellence, sont secondaires à mon avis. Si intéressantes qu'elles soient. Et je vous avoue volontiers que cette correspondance m'a appris beaucoup et m'a apporté beaucoup de clarté, non seulement sur votre point de vue, mais également dans mes propres pensées. De même j'espère que réciproquement mes écrits ne vous ont pas causé que d'ennuis. En tout cas, j'espère que vous m'excuserez bien d'avoir été si tenace et si franc dans l'expression de mes pensées. Je dois dire, Excellence, que je me suis efforcé de ne choquer personne, et que pour cela j'ai été très prudent en mes yeux bien entendu dans mes expressions. Si vous saviez que j'adhère à des tendances modernes qui sont assez révolutionnaires et qui, aux yeux des anciens, semblent frôler l'hérésie, fort influencé que nous sommes, notre groupe et moi, par l'esprit de L. Bloy, Hello, Maritain. Rops, Leclercq (41) etc., des hommes qui ne croient plus aux slogans nous dispensée dans notre éducation, mais qui veulent tout examiner à nouveau et vérifier par une confrontation avec les principes de la philosophie et de l'évangile, vous serez moins étonné de certaines affirmations et expressions franches, et certainement disposé à pardonner ce qui par-ci par-là sonnait un peu fort. Il est incontestable qu'une révolution spirituelle est en train de se produire; qu'un ordre nouveau est nécessaire (comme dit le Pape lui-même); et que cet ordre nouveau (48) sera une réaction contre les siècles précédents depuis la renaissance, un retour au moyen-âge, mais profitant des progrès des siècles; que cet ordre nouveau tiendra plus compte de la société, du peuple et de la race (oui Hitler aussi appartient à ce mouvement nouveau, mais il ne sait pas le guider, parce qu'il lui manque l'évangile, et donc le noyau de l'unité et de l'ordre qui en résultent): tenir plus compte aussi de la réalité de la nature, sur laquelle le surnaturel se basera pour construire, plus que pour détruire, comme on faisait les derniers temps en opposition avec le moyen-âge; tenir donc plus compte aussi du peuple, de sa langue; de sa nature, etc. selon le premier commandement, et tenir moins compte d'organisations idéologiques comme l'Etat e.a. La foi pénètrera plus dans la vie, aussi dans celle de la société; nous les prêtres, nous devons être plus attentifs aux hommes et aux situations réelles et s'efforcer à christianiser le tout, au lieu de démolir et puis reconstruire comme est la tendance du temps actuel aussi bien sur le plan de l'Eglise que celui de l'Etat. Mais je suis de nouveau en train de philosopher... Excusez-moi, Excellence, je n'y peux rien: puisque pour moi tout est un: cette question linguistique, l'œuvre missionnaire, l'enseignement, le ministère direct, la politique, etc. Tout cela est centré sur un point et dépend de principes identiques, l'un étant ainsi dans mon esprit la conséquence de l'autre. C'est ça le radicalisme du mouvement nouveau, que déjà Pie X prévoyait dans son Omnia instaurare in X°, et que Pie XI complétait avec son Christ-Roi. Vous comprenez ainsi pourquoi la question linguistique pour moi est importante et comment elle fait partie de toute une "conception de la vie"; pour moi et pour ceux qui sont de notre tendance, la langue est un élément qui mérite du respect (négatif et positif), aussi par l'Eglise; elle est une valeur, un être qui est inclus dans le dessein de Dieu; quelque chose avec laquelle on ne joue pas, même pas le peuple, une chose que même les gens sont tenus à sauvegarder, respecter et aimer comme tout autre être, en Dieu qui est donc un objet de l'amour de Dieu selon le premier commandement; de sorte qu'un individu ou un groupe n'a pas sans plus le droit-de changer de langue, de la prendre à la légère. Pas plus que quelqu'un aurait le droit de faire de son corps ou de ses biens ce qu'il veut. Même quant à la langue, etc, l'ordre doit être respect et admis. J'espère, Excellence, que le P. Guilmin, s'il a pris connaissance de mes remarques, ne m'en voudra pas. A l'Abbé Médard, je venais de demander quelques informations; comme il est muté maintenant rien probablement ne s'en fera... Excellence, j'espère que je pourrai toujours frapper à votre porte, si j'ai besoin de renseignements. Moi de mon côté, je serai toujours prêt à rendre service, là où je peux. Entre-temps je vous envoie mes salutations cordiales et vous prie de vouloir me bénir. Votre respectueusement dévoué in C.J.
[Lettre 18]
10-3-1944
Révérend Père,
Votre demande pour faire partie du Comité d'honneur d'Aeguatoria rn'embarrasse. Je ne suis pas un savant en linguistique ou autre science congolaise, vous le savez bien, et je préfererais par conséquent, si vous trouvez assez d'autres membres d'honneur, ne pas être compté parmi le nombre. Mais, à cause de ma haute estime pour votre travail et votre revue, j'y trouve une raison suffisante pour accepter votre proposition. EAvec l'assurance de nos sentiments les meilleurs. E. De Boeck
Pour la colIabortion au numéro spécial j'essaierai de faire quelque chose. Comme vous le dites vous-même, pas d'études profondes. Nous nous trouvons ici dans des circonstances moins propices que ceux qui habitent chez une grande tribu homogène et où les missionnaires, à l'occasion d'une mutation, retrouvent le même milieu linguistique et social. E.De Boeck
[Lettre 19]
Wafanya, le 25.3.44
A Son Excellence Mgr E. De Boeck, Vicaire Apostolique de et à Lisala.
Excellence,
Je vous remercie de tout coeur pour l'aimable bienveillance avec laquelle vous voulez accepter notre demande, de faire partie du comité d'honneur d'Aeguatoria. Nous le demandons â tous les Vicaires et Préfets de la colonie. Notre intention n'est pas une collaboration directe. Mais nous estimons que notre revue peut être utile pour les missions et qu'elle est tout une oeuvre missionnaire; et qu'ainsi il convient que les Autorités Ecclésiastiques soient des membres d'honneurs. Quant aux numéros spéciaux, tous les missionnaires qui veulent prêter leur contribution, sont les bienvenus. Par conséquent nous espérons trouver un peu partout l'un ou l'autre collaborateur de bonne volonté. Les problèmes peuvent être très différents, comme les personnes sont tout autant diverses en compétences. C'est en effet l'ordre voulu par Dieu. Cependant même ici il y a p.ex. beaucoup plus de divergences en langues et coutumes entre tribus et sous-tribus que l'on ne déduit de l'axiome: un peuple, une langue. Ces divergences sont plus grandes ou plus petites selon les circonstances, et souvent en plus selon l'observateur. A mon avis c'est le cas d'ailleurs partout, même en Europe; où p.ex. rien que les millieux sociaux, ville et campagne, sont cause de différences considérables de moeurs et de mentalité, sans parler de la langue. Malgré tout nous espéons que des collaborateurs nous donneront un coup de main. Votre lettre à l'administration (49), je 1'y ai transmise. Cependant je vous donnerai moi-même une brève réponse, pour autant que je peux. Au début nous publions 6 numéros par an. Après nous l'avons réduit à 5. Actuelletnent nous nous bornons à 4. Pourquoi? L'imprimerie qui avait difficile pour être tout les deux mois avec un travail pareil. Et aussi: pour économiser sur la couverture, donc moins de dépenses. Le nonbre de pages en restait inchangé, la matière donc également. Autre avantage: moins de numéros avec autant de pages, donc: plus de place dans un numéro, donc plus de possibilité d'apporter plus de diversité dans un numéro. Au début de la guerre nous avions arrêté le nombre à 6 numéros de 32 pages. Maintenant nous pouvons de nouveau arriver à un minimum de 160 pages. Mais nous nous bornons à 4 numéros par an, même si nous pouvons donner plus de pages, pour des raisons mentionnées ci-dessus. Il arrive parfois que l'imprirnerie aussi ne soit prête, à cause de cireonstances imprévues, comme c'est le cas maintenant pour le n° 1 de cette année, qui ne paraitra sans doute pas avant Pâques. Il comportera 48 pages. Vu que les articles sont bilingues, il est plus avantageux d'avoir des numéros plus volumineux, de même que pour le genre des matières. Ici le vieux père Georges Dubrulle (50) a toujours bon pied, bien que vieilli! Albert Smolders (51) est encore en tournée dans les Indole, du côté du Lac, mais il est attendu pour la semaine prochaine. Encore un merci sincère, Excellence, pour votre appréciation aimable, et meilleurs voeux pour une sainte Pâques Veuillez bénir votre dévoué respectueux.
NOTES (H. Vinck)
1. E. De Boeck Twee taaleigenaardigheden bij de Mondunga, Kongo-Overzee 2(1935-36)5, 282-284. 2. C'est au petit séminaire de Bokuma (70 Km de Mbandaka, sur la Ruki) où il avait enseigné en 1933-34. Il y effectuait des recherches sur une terminologie scolaire en lomongo. Avec d'autres confrères: Boelaert, De Rop et Van Avermaet, il a réussi à y enseigner toutes les branches des humanités classiques en cette langue. A la même époque, il s'occupait déjà de la composition des livrets d'école (Voir H. Vinck, A l'école au Congo belge, Annales Aequatoria 23(2002)17-207) 3. Pas de réponse connue à cette lettre. 4. Aequatoria 3(1940)94-95: Le temps présent dans les langues congolaises. 5. Paul Jans (1896-1962). Missionnaire du S. Cœur. Au Congo 1926--1954. Pro-vicaire et plus tard Aumônier en chef de la Force Publique. 6. Lettre pas retrouvée. 7. Je n'ai pas pu trouver l'origine de cette classification du lomongo comme "nord-ouest-semi-bantouïde" et je ne sais comment l'expliquer. 8. Ce sera la Carte linguistique du Congo-Belge, IRCB, Bruxelles, 1950. 9. Maurice Pollet (1901-1934). Missionnaire de Scheut. Au Congo 1929-1934. 10. Edward Peeters (1885-1956). Missionnaire de Scheut. Au Congo 1910-1956. 11. Germain Lootens (1910-1976). Missionnaire de Scheut. Au Congo 1936-1976. 12. Une étude récente donne raison à G. Lootens. Il s'agit de:Motingea M., Notes sur le parler des Bapoto-Mongo de Lisala , dans Afrikanistische Arbeitspapiere (AAP), 1989, n° 17, p.5 -32 Dans une analyse linguistique rigoureuse, l'auteur établit que les Bapoto sont des Mongo. 13. Leo Bittremieux (1880-1946). Missionnaire de Scheut à Boma. Au Congo 1907-1946 (B.C.B. V,79-80). Nous avons inventorié 13 articles de-lui dans Aequatoria entre 1940 et 1946. Longue et importante-correspondance avec Hulstaert conservée dans les Archives Aequatoria . 14. Jozef Lestaeghe (1885-1945). Missionnaire de Scheut. Au Congo 1912-1945. 15. Sur les Mongo de Yakata, cf. Motingea M., Esquisse du Parler dés Yakata (Rép. du Zaïre), Afrika und Ubersee (Hamburg) 76(1993)209-246 16. Fr.Vandebroeck (°1904). Administrateur territorial. Au Congo depuis 1926. (Annuaire officiel (A.O),1939, p. 421) 17. Il s'agit de Mgr Edouard Van Goethem (1873-1949). Missionnaire en Papouasie (1902-1924); puis au Congo (1924-1946). Il a publié 5 articles dans Aequatoria. (Biographie par G. Hulstaert dans B.B.O.M. VII.-C, 181-193) 18. Etude récente sur les Mabale ou Babale, par Motingea-M., Parlers riverains de l'entre Ubangi-Zaïre (Etudes Aequatoria-8), Bamanya-Mbandaka, 1990, p.181-200. 19. August De Clercq (1870-1939). Au Congo 1893-1938. Vicaire Apostolique du Haut-Kasai. Grand promoteur du Tshiluba. (B.C.B., III, 151-154). 20. E. Boelaert, De Nkundo maatschappij, Kongo-Overzee 6(1940)3/4, 148-161; et Aequatoria 4(1941)3, 41-44. 21. Polémique avec Mumbanza: -Mumbanza M.B., Y a-t-il des Bangala? Origine et extension du terme, Zaïre-Afrique (1973) 78,471-483. -G. Hulstaert, A propos des Bangala, Zaïre-Afrique (1974)83,173-185. -Mumbanza M.B., Les Bangala du fleuve sont-ils apparent-ils aux mongo? Zaïre-Afrique (1974)90,625-632. Autres articles de G. Hulstaert sur le lingala: -Lingala-invloed op het Lomongo, Zaïre 7(1953)3, 227 -De bronnen van het lingala, Zaïre 13(1959)5,509-515. -L'origine du lingala, AAP 17(1989)81-114. 22. Allusion à la lettre de M. Guilmin, Provincial de Scheut protestant auprès de Mgr Van Goethem au sujet d'un article contre le lingala dans Aequatoria 3(1940) 33-43 et 65-70. A ce propos le jugement du Père Paul Jans au moment des faits en relations suivies avec Dellepiane, va bien dans le même sens. Il écrit à Petrus Vertenten (1884-1946) ancien Missionnaire et Supérieur à Coquilhatville (1927-1930): "Est-ce que Jef Moeyens vous a parlé des derniers incidents entre le Délégué et Monseigneur Van Goethem? Il s'agissait d'Aequatoria qui a non seulement ses admirateurs et amis, mais aussi des opposants farouches. Staf Hulstaert a publié dans le temps 2 articles contre le lingala qui serait en tant que langue un non-sens. Bien sûr, cela a fait de Mgr De Boeck son ennemi, et aussi de la plupart de ses Pères, et ici à Léopoldville de Mgr Six. Le premier y voyait la démolition et la méconnaissance de son travail philosophique et même pastoral (19-9-1945; Arc. MSC - Congo - Borgerhout). Hulstaert lui-même connaissait l'attitude du groupe des Scheutistes à Lisala. Il écrit à Mgr Van Goethem: (22-2-1945) "Tous les Scheutistes racontent que le Délégué Apostolique à l'occasion du Sacre à Lisala dé Mgr Van den Berg, successeur de De Boeck, a dit publiquement que si Aequatoria ose encore écrire contre le lingala: "il la supprimerait sans plus". Mais pas tous les Scheutistes en jugeaient ainsi, comme le témoigne l'extrait suivant d'une lettre de Bittremieux (Scheutiste lui aussi) à Hulstaert, le 4 octobre 1940 (Arch. Aeq. Corr. G.H. 12): "Comme elle est bornée, cette défense de Mgr De Boeck par vos adversaires! Totalement à côté de la question. Ils ont peur de la vérité... et de l'effort. Et le contenu de l'article de Monseigneur: sans épine dorsale. Mais la bonne semence fructifiera, l'idée mûrira. Entre-temps ça me fait plaisir d'entendre que vos supérieurs voient clair". 23. Hulstaert n'a pas publié l'article de Bittremieux sur le lingala, mais il l'a envoyé à Band avec la permission de l'auteur (Band, 1942, p. 234-239) 24. Archives Aequatoria 13.2149 25. Le Coq chante, périodique édité par la Mission Catholique de Coquilhatville de 1936 à 1948, principalement en lomongo. 26. Voir la recension par G. Hulstaert de M. Guthrie, Grammaire et Dictionnaire de lingala, Cambridge, 1939, dans Aequatoria 3(1940)124-127 27. E. De Boeck, Lingala, Aequatoria 3(1940)124-127. 28. Correspondance, Hulstaert - Peeters: Archives Aequatoria n° 172 (3 lettres de Hulstaert et 2 lettres de Peeters: 1945, 1947). Hulstaert lui demande de collaborer à ses enquêtes dialectales pour la région autour de la mission de Banga (Ngiri). 29. E. De Boeck, Over lingala, Kongo 2(1911-12)238. 30.Voir Annales Aequatoria 15(1994) p. 569-575. 31. G. Hulstaert, Esquisse de des Eleku., CEEBA III, 7, Bandundu, 1982. 32. Roger Nonkel (°1913). Administrateur territorial adjoint. Au Congo 1936. (A.O., 1939, p.424) (Correspondance avec Hulstaert aux Archives Aequatoria, Corr. N° 65). 33. Rodolf Mortier (1901-2000). Missionnaire Capucin. Au Congo/Ubangi 1928. Voir H. Vinck, Note bio-bibliographique dans Annales Aequatoria 22(2001)473-440 34. E. De Boeck, Un dernier mot, Aequatoria 3(1940)130-131. 35. Octave (en religion Basile) Tanghe (1879-1947). Premier Vicaire Apostolique de l'Ubangi (actuel diocèse de Molegbe). Au Congo/Ubangi 1910-1945. Il a publié 12 articles dans Aequatoria. Correspondance avec Hulstaert Archives Aequatoria n° 205. Voir A. Roeykens, L'œuvre scientifique de feu Mgr Tanghe, Aequatoria 1948, 87-97 et B.B.O.M. VI, 969-974. Sur la question du lingala voir Aequatoria 3(1940)28-29. 36. De Boeck faisait probablement allusion à la C.U.KI (Commission pour l'unification du Kikongo dont Bittremieux était responsable au début, (Rapport sur cette commission dans les Arch. Aeq., Corr.n° 12). 37. Voir Africa 13(1940)300-301. 38. E. De Boeck, Bansongo, Aequatoria 4(1941)37-38. 39. Emile Possoz (1895-1969). Au Congo-Belge 1920-1945. A Coquilhatville 1929-1939 comme Substitut du Procureur du Roi. Un des premiers collaborateurs d'Aequatoria. Sur sa vie et son oeuvre scientifique lire principalement: Honoré Vinck, Annales Aequatoria, 7(1986)327-331 et 10(1989) 298-320 40. Voir Annexe à la correspondance dans Annales Aequatoria 15(1994)567-569. 41. Abbé Médard Bokula (1910-1982), prêtre catholique du diocèse de Lisala. Une longue réponse de celui-ci à une première série de demandes est conservée dans les Archives Aequatoria correspondance Hulstaert, n° 18 bis. Hulstaert y réagissait par sa lettre du 15 février 1941, publiée dans Ann. Aeq. 12(1991)26-32. 42. Arch. Aeq. N° 13.2150. 43. Joseph Bakutu, fils de Boniface Bakutu. Ce dernier était catéchiste à Boteka.. Bernardus (Sebastianus) Wiedenbrugge (1884-1963). Père Seba, connu à Mbandaka sous l'appellation "Sango Seba" était Trappiste puis Missionnaire du S. Coeur. Au Congo 1912-1950. Premier curé de la paroisse des Congolais à Coquilhatville (Bakusu) de 1934 à 1946. 44. Voir annexe 3 Annales Aequatoria 15(1994)569-575. 45. Lokasa la bisu, [Notre feuille] petite revue ecclésiastique du Vicariat de Lisala 46. E. De Boeck, Cours théorique et pratique de lingala, avec Vocabulaire et Phrases usuelles, Proost, Belgique,1927, 93 p. (2 éd.) 47. Les livres de Jacques Leclercq, principalement: "De la Communauté populaire" (1938), ont profondément influencé la pensée de G. Hulstaert. Nous disposons de son exemplaire annoté (Bibliothèque Aequatoria n°1276). 48. L'expression "L'ordre nouveau" était caractéristique de l'époque (1930-40). On la retrouve régulièrement sous la plume de Hulstaert et de son confrère Boelaert. 49. Il s'agit d'une petite note de Mgr de Boeck concernant des numéros non reçus (Sans date, Arrch. Aeq. B-139). 50. Georges Maurice Dubrulle (1880-1949). Au Congo 1915-1949. Trappiste, puis Missionnaire du S. Cœur. (B.B.O.M. VIII,197). 51. Albert Petrus Smolders (1884-1950). Trappiste, puis Missionnaire du S. Cœur. Au Congo 1913-1950.
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