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Other > La Philosophie Bantue par Edmond Boelaert
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LA PHILOSOPHIE BANTOUE SELON LE R.P. PLACIDE TEMPELS
par Edmond Boelaert, avec une réaction de la part de Tempels.
Aequatoria 9(1946)3, 81-90


Note préliminaire

Nous reproduisons ce texte parce qu'il provient d'un des rares opposants "raisonnés" du début, à "La Philosophie Bantoue" de Tempels. Comme lui, Edmond Boelaert était missionnaire au Congo Belge et il avait eu une même introduction à la philosophie scolastique que lui. Il manipule dans ce texte les mêmes catégories que Tempels, utilisant une terminologie latine, tirée des écrits de Saint Thomas d'Aquin. Boelaert était donc particulièrement bien placé pour comprendre, et éventuellement critiquer, "La Philosophie bantoue". Les citations de "La Philosophie Bantoue" n'ont pas été contrôlées, ni celles tirées des écrits de Saint Thomas. Les chiffres entre parenthèses renvoient à l'édition Lovania de "La Philosophie bantoue". Boelaert publiait encore une autre critique, en néerlandais, dans Zaire 1(1947)4,387-398.

Honoré Vinck, 27-4-2002

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Le 19 novembre 1945, le Service de l'information présenta au public "l'une des oeuvres les plus marquantes qui aient jamais paru dans la Colonie." "Oeuvre magistrale de haute portée philosophique"
Le livre, paru aux Editions "Lovania" à -Elisabethville, fit grand bruit. E.Possoz, dans sa courte préface, prédit que "L'ethnologie, la philosophie ethnologique, l'ethnologie juridique et la catéchèse des peuples patriarcaux, vont prendre un nouvel essor et une nouvelle orientation à partir de l'étude du R. P. Tempels"
Je voudrais essayer de donner une synthèse fidèle de la théorie de l'auteur et la faire suivre d'une courte critique.

I.  LA PHILOSOPHIE BANTOUE SELON LE R.P. TEMPELS

1. Il existe une ontologie bantue

"Le comportement humain ne peut être universel pour tous, ni permanent dans le temps, s'il n'y a pas à sa base, un ensemble d'idées, un système logique, une philosophie complète de l'univers" (7).
Or le comportement bantou universel et permanent. Donc il doit exister - et nous devons pouvoir trouver - comme fondement de leurs conceptions intellectuelles de l'univers, des principes de basse et un système philosophique, dérivé d'une ontologie logiquement cohérente (8).

"Cette ontologie existe: elle pénètre et informe toute la pensée du primitif, elle domine et oriente tout son comportement" (9), "elle lui fournit une solution complète du problème vital" (13). "Toute la coutume des bantous repose sur leur connaissance de l' être" (18).

Cette Philosophie des bantous "repose sur une évidence externe, l'autorité et là force de vie dominante des ancêtres; elle repose en même temps sur l'évidence interne de l'expérience de la nature, et des phénomènes vitaux, faite de leur point de vue" (55), "et c'est pourquoi je présume qu'elle pourra se retracer chez tous les non-civilisés" (57). Elle est "l'unique clé permettant de pénétrer la pensée bantoue" (9). "Pour n'avoir pas pénétré l'ontologie des bantous, nous sommes demeurés en défaut de pouvoir leur offrir une doctrine spirituelle assimilable et une synthèse intellectuelle compréhensible" (14).




2. L'ontologie bantoue est différente de la notre

"Lés bantous ont une ontologies propre" (99), "une psychologie propre" (74). "La métaphysique de la pensée chrétienne..a été basée sur un concept fondamental plutôt statique de l'être. C'est ici qu'apparaît la différence fondamentale entrera pensée occidentale et celle des bantous et primitifs" (31). "Nous avons une conception statique de l'être, eux en ont une notion dynamique.(32).

Les bantous ont une notion différente des relations entre les hommes, de la causalité et de la responsabilité" (15). "Nous saisissons la causalité suivant notre métaphysique réaliste, les noirs suivent les principes de causalité de leur philosophie des forces" (74).


3. Notion fondatmentale de l'ontologie bantoue

A. ÊTRE=FORCE.
Pour eux la force est plus qu'un attribut nécessaire de l'être: la force, c'est l'être, l'être est la force. Là où nous pensons le concept être, eux se servent du concept énergie. Là où nous voyons des êtres concrets, eux voient des forces concrètes. Quand nous dirions que les êtres se distinguent par leur essence ou nature, les bantous diraient que les forces diffèrent par leur essence ou nature. A l'encontre de notre définition de l'être "ce qui est" ou "la chose en tant qu'elle est", la définition bantoue se formulerait "ce qui est force" ou "la chose en tant que force" ou ,la force existante"...

C'est la notion force qui tient chez eux la place de la notion être de notre philosophie. Tout comme nous ils ont un concept transcendantal, élémentaire, simple: chez eux "force", comme chez nous "être" (33). C'est, par la force que tous les êtres se ressemblent (31), c'est la force qui est la réalité commune à tous les êtres, ou plutôt identique dans tous les êtres (31 ). La force est la cause finale suprême, la norme ultime, la notion fondamentale (144).

B. ATTRIBUTS DE LA FORCE.
1. La force est simple: Pour nous "on a la nature humaine ou on ne l'a pas. On ne l'augmente pas et on ne la diminue pas. Le développement s'opère dans les qualités et dans les facultés de l'homme. L'ontologie bantoue, ou plus exactement leur théorie des forces, s'oppose radicalement à pareille conception. Lorsque les bantous disent: "je deviens fort, ils pensent tout autre chose que lorsque nous dirions que nos forces s'accroissent... Lorsqu'il dit qu'une force augmente, ou qu'un être est renforcé, il faudrait exprimer cela en notre langue et suivant notre mentalité par: "cet être s'est accru en tant qu'être", sa nature s'est fortifiée, augmentée." (36-37).

2. Les forces sont essentiellement différentes. "Lorsque les bantous désignent ainsi des catégories d'hommes (plus ou moins forts) il ne s'agit pas à leurs yeux d'une classification fondée sur des différences accidentelles, mais bien d'une gradation dans la qualité essentielle d'homme suivant l'intensité de leur force vitale" (79).

3. La force peut croître ou décroître dans son essence: Tous les acquêts constituent un accroissement de force; tout ce qui porte atteinte à la force constitue une diminution de la force en son essence; la force peut décroître ontologiquement, jusqu'à aboutir à l'évanescence complexe de son essence même, qui lui ôte la puissance d'être une force active, une cause vitale (78). "Par le fait qu'un homme devient chef de clan, il n'est plus ce qu'il était, il est modifié dans son essence" (89).

4. Les forces ne subsistent pas en soi. "L'ontologie bantoue est rebelle au concept de la chose individuée, existant en elle-même. La psychologie bantoue ne peut concevoir l'homme en tant qu'individu, force existant en elle-même" (80) "La créature est de par sa nature, dépendante d'une façon, permanente de son Créateur quant à son existence et quant à sa subsistance. Nous ne concevons pas une pareille relation entre les créatures. Les êtres créés sont désignés en philosophie scolastique comme substances, c. à. d. êtres qui existent en eux-mêmes: in se, non in alio. La nature humaine de l'enfant ne demeure pas en permanence en relation causale avec celle de ses parents. Cette conception d'êtres distincts, se trouvant côte à côte, totalement indépendants les uns des autres, est étrangère à la pensée bantoue. Pour elle les créatures gardent entre elles un lien, un rapport ontologique intime comparable au lien de causalité qui relie la créature au Créateur... Dans la force créée... le bantou voit une action causale émanant de la nature même de cette force créée et influençant les autres forces.. Cette causalité est une action métaphysique qui découle de la nature même de la créature." (39). "La force vitale humaine (son être) n'existe pas par elle-même, mais se trouve et demeure essentiellement dépendante de ses aînés" (50). Les individus "sont individualisés au sein de leur clan par l'intime influence vitale d'un défunt, dont l'individualité renaît dans le nouveau-né, informe le nouveau-né, et dont !'influence vitale est constitutive de l'essence même de l'être nouveau." (88) "Aucune force ne constitue une force autonome" (106) "Toutes les forces sont en relation d'interdépendance étroite, d'essence à essence" (105) "Toutes les forces se trouvent en relation d'influence nécessaire" (106). "La vie de l'homme ne se borne pas à sa seule personne, mais elle s'étend à tout ce qui est paternalisé par son influence vitale, à tout ce qui lui est ontologiquement subordonné: progéniture, terre, possessions, bétail et tout autre bien. Donc tout ce qui porte atteinte à son bien matériel, sera une atteinte à l'intensité de la vie du propriétaire." (114) "L'existence des enfants détachée de celle de leurs géniteurs n'est pas concevable, ils ne peuvent avoir de force que dans leur rapport avec les parents" (122).




4. Hiérarchie des forces

"Le monde est une pluralité de forces coordonnées" (95) "Les forces sont hiérarchisées selon leur rang, leur droit d'aînesse" (69). Par-dessus toute force est Dieu, Esprit et Créateur, Celui qui est la force, la puissance par lui-même" (41), qui est source de toute force, à qui est attribué l'origine, la subsistance et l'annihilation de toutes les autres forces (37). Il a sa cause existentielle en soi (76), et est la force causale de toute vie (87).
Les premières forces créées sont les premiers hommes, les fondateurs des clans (41,75) car l'homme est le centre de l'univers, l'être le plus fort de la création (75).

Entre les fondateurs et les vivants, il y a la chaîne des ancêtres, la lignée vitale (70). Les morts qui ne font pas chaînon, sont considérés comme égaux (128). A côté de ces défunts il y a les esprits, semblables au vent, qui ne possèdent pas de corps, qui n'ont jamais été hommes... Ils peuvent protéger l'homme (128).
Parmi les vivants, le chef de clan est le chaînon entre l'ancêtre et sa descendance, intermédiaire et canal des forces (79).

Après lui viennent, selon leur droit d'aînesse, les autres vivants du clan et toutes les autres forces vitales de sa terre: animales, végétales, inorganiques, qui se trouvent sous sa hiérarchie ontologique, et dont l'homme sustente et augmente la vie des forces (77,79).


5. Lois métaphysiques causales

"Les causalités de vie possibles peuvent être formulées en quelques lois métaphysiques, universelles, immuables et stables" (47). Ce sont les lois causales, régissant l'interaction des êtres (81).

Quoique l'auteur n'en fasse pas expressément mention, il me semble retrouver dans sa pensée une interaction double. D'abord: l'action sustentielle qui est constitutive de l'essence même de l'être atteint, analogue à l'action divine qui conserve les êtres dans l'existence. Tous les textes cités au sujet du quatrième attribut de la force se rapportent à cette action sustentielle. Ensuite: l'action occasionnelle, analogue à l'action divine effectuant une augmentation de la grâce ou des vertus infuses.

L'action sustentielle s'exerce nécessairement et uniquement de force supérieure sur toutes les forces inférieures qui en dépendent dans la hiérarchie ontologique, quoique ici encore "l'aîné peut restreindre sa paternalisation, abandonner le puîné en une force vitale réduite" (123).

L'action occasionnelle, qui renforce ou dé-force son objet, est possible d'une force plus forte sur une force égale ou sur une force moins forte, tant dans la hiérarchie ontologique qu'en dehors.
L'action occasionnelle atteint son objet soit immédiatement, soit médiatement. L'action médiate est celle qui atteint l'objet par le truchement d'une force inférieure qui est: 1° soit captée (30), ajoutée à la force de la, cause agissante (59), appropriée (59) et utilisée (60); 2° soit renforcée par la force de l'acteur que celui-ci lui communique (47), excitée par lui et dirigée vers un usage déterminé" (64).

Les forces inférieures qu'on peut ainsi s'approprier ou qu'on peut renforcer de sa propre force, sont de simples forces naturelles (127), mais qui n'agissent que par la force vitale de l'homme (70) et que nous nommons si improprement les forces magiques.

Il semble bien que toutes les actions "forçales" se réduisent à une sustentions à un renforcement soit de soi (appropriation) soit d'une autre force, et à un défoncement. Toutes ces actions se font métaphysiquement, d'essence à essence, comme l'action divine.


6. Lois universelles de la connaissance

1° Loi de la similitude: la similitude n'est pas le fondement causal de l'influence vitale (60) mais indique simplement que la force similaire peut être utilisée (60).

2° Loi du contact: le fait qu'une force ait été en étroite relation avec une personne, montre que cette force participe à l'influence vitale de son propriétaire. Ce n'est nullement le contact ni la sympathie qui sont les éléments actifs de l'action, mais exclusivement la force vitale du propriétaire qui agit, parce que l'on sait qu'elle adhère à l'être de la chose possédée ou utilisée par lui (60).

3° Loi d'imitation: les paroles ou les gestes n'ont de pouvoir si ce n'est de faire connaître les forces (61).
Voilà, selon le R. P. Tempels, "les notions transcendantales et universelles de l'être et de sa force, de l'action, des rapports et des influences réciproques des êtres qui constituent la philosophie bantoue" (55).

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II. CRITIQUE

L'auteur de la Philosophie bantoue nous avait promis une ontologie bantoue logiquement cohérente et complète. Cette philosophie serait opposée à la "philosophie universellement humaine" (53), à une philosophie critique rationnelle (68). Ses premiers concepts seraient fondamentalement différents des nôtres. Comment alors les comprendre? L'intelligence bantoue travaillerait selon des lois absolument différentes des lois de notre connaissance. Comment alors en faire la critique? et comment raisonner avec eux? C'est le "East is east and west is west and never the twain shall meet" de Kipling. Evidemment, l'auteur n'admet pas cela, puisqu'il nous expose cette philosophie bantoue pour que nous la comprenions et la corrigions. Il nous prie pourtant de faire abstraction de notre propre philosophie et se retranche derrière l'imperfection de sa propre terminologie.


1. Autocritique de l'auteur

L'auteur n'a pas seulement découvert une philosophie bantoue, ce qui constitue une révélation déconcertante (135), il en découvre deux. "Chez les bantous contemporains nous trouvons une philosophie magique, dominant la pensée, et pratiquement reçue universellement, et à côté de ce bloc nous retrouvons quelques éléments épars d'une philosophie antérieure, plus aine et plus vraie, qui ne connaît pas les interférences des influences ontologiques" (4). "Les déviations erronées, les applications inadéquates de la philosophie primitive… sont généralement de date récente; la pensée ancienne, plus saine et plus pure, se retrouve précisément parmi les tribus les plus conservatrices" (136)."L'évolution partant d'une philosophie simple et passant par la conclusion erronée de l'interaction ontologique des forces vers des cas d'application "magiques" toujours plus factices…semble constituer la trame commune de l'histoire de la pensée des bantous" (129).

Cette nostalgie de l'âme bantoue vers un renforcement de la vie, s'est dévoyée. Elle était originellement soumise à la direction divine du monde, et se bornait au recours des forces naturelles mises à sa disposition par Dieu pour atteindre sa fin ( p85, 1 ) Elle a dévié par une exaspération de la recherche du renforcement vital vers d'autres moyens (magiques) du renforcement de la vie. Leur concept fondamental de l'être les a conduits facilement à la déduction, erronée du principe de l'inter-action de tous les êtres, de tous les vivants, de toutes les forces. De là découle notamment leur notion la "paternalisation" et la dérivation dans la pratique des "manga", actuellement innombrables.

Dans ses pires déviations et dégénérescences, l'ontologie originelle des bantous se retrace cependant toujours aisément: elle se rattache toujours expressément à la foi antique inébranlable, suivant laquelle toute vie, tout accroissement de vie vient de Dieu." (a). "Les bantous actuels ont gardé leur foi dans les éléments de leur religion originelle théiste, et cependant nous les voyons à la fois mânistes, animistes, dynamistes, totémistes et tenants de la magie. Il faut donc bien admettre que toutes ces manifestations diverses se rattachent à une conception unique, à une même idée de l'univers, à un même principe métaphysique, dont les déductions successives ont mené à fausser le système." (19)

Qu'est-ce qui reste alors de la philosophie universelle et logiquement cohérente des bantous? "Nous avons la lourde responsabilité d'examiner cette primitive philosophie... d'y découvrir le noyau de vérité, qui doit nécessairement se trouver dans un système aussi complet et aussi universel.. Il nous faut remonter vers les sources jusqu'au point où l'évolution des primitifs, (l'auteur ne prouve nulle part que la saine philosophie théiste est plus ancienne que l'autre) s'est engagée dans une voie fausse par des déductions erronées, et depuis ce point de départ valable, reconstruire une civilisation bantoue véritable, solide et ennoblie". (141)

Pour l'auteur ce point de départ valable semble bien être le concept fondamental bantou de l'être-force et de la possibilité d'accroissement de cette force par le recours des forces naturelles mises à la disposition de l'homme par Dieu pour atteindre sa fin" (143). Mais cela seul ne constitue tout de même pas une "philosophie bantoue qui peut servir de fondation pour élever une civilisation bantoue" (146) ou bien cela implique précisément la philosophie magique "dégénérée", "aux humiliantes pratiques" (148). Si le principe central de l'utilisable ontologie bantoue réside dans l'être=force et dans l'accroissement interne et intrinsèque de l'être (148-149) par le recours aux forces naturelles, on ne voit pas comment la causalité ontologique de ces forces serait une déduction erronée.

Mais l'auteur va encore plus loin dans son autocritique. Il admet que cet accroissement interne et intrinsèque de l'être, cette "antique sagesse bantoue" (149) est un produit de l'imagination bantoue, une idée subjective ne répondant pas à une réalité "du point de vue purement rationnel (148), que dans l'ordre de la raison il n'y a pas d'assouvissement possible de l'idéal bantou" (150).

A côté de ces auto-restrictions par lesquelles l'auteur détruit complètement sa propre construction, il faudrait encore remarquer les nombreuses contradictions occasionnelles. Comment d'abord parler autrement, si l'être même n'est pas être, mais force, et si toute proposition possible est construite sur l'être comme nous l'apprend toute syntaxe.

Et si toute force n'est que force, force simple, force dans son essence, comment l'auteur explique- t-il que chacune des facultés de l'être est une force, (50), que la connaissance et la sagesse sont des forces (77)? Où place-t-il les apparences extérieures de l'homme distinctes du "muntu" = de la personne? et la dent du lion?

Et si les forces ne subsistent pas en soi, comment explique-t-il que "les choses concrètes ont en elles-mêmes leur nature et leur potentiel d'action (63), que les individus sont spécifiés (85), sont individualisés (85), sont spécifiés en tant qu'individus (87), que les hommes sont des personnes (87), des personnalités (99), que les forces vitales agissent en elles-mêmes et sur elles-mêmes (105)

Et si les rites ne sont pas efficaces, mais de simples critères de la connaissance, que signifie que "l'instrument animé de la force vitale destructive du lien réside dans sa redoutable canine (58), que cette canine est le lien matérialisé entre le lion et l'homme (59), que l'anathème est l'arme redoutable des aînés (112)?

2. Erreur sur la philosphie thomiste

Le grand tort de l'auteur me semble bien être sa méconnaissance de la "philosophia perennis", la philosophie universellement humaine (53).

Selon cette philosophie, l'objet propre de l'intelligence est l'être réel, que nous connaissons par les concepts (species intelligibiles) abstraits des données des sens (phantasmata). Ces concepts sont universels (quiddités). Le singulier n'est atteint que par les sens ou par la réflexion de l'intelligence sur les phantasmata. Le spirituel n'est connu par notre intelligence que par analogie.

Mais l'être réel, directement connu, n'existe pas comme il est connu par le concept = comme universel: l'homme n'existe pas, il n'y a que des hommes.

Certes, on peut dire que ces concepts sont "statiques". Tous les concepts le sont au même sens, même le concept de l'action, de la force. Prétendre que la notion bantoue de force remplace notre notion d'être est un non-sens, c'est prétendre que le bantou a une intelligence essentiellement différente de la nôtre, qu'il puisse penser une force réelle qui n'est pas être.

Mais l'être connu, lui, n'est pas plus statique pour le thomiste que pour le bantou. "Esse et agere convertuntur"; "ens est diffusivum sui". Même: l'être pur est acte pur, et l'être n'est que par l'acte. Tout cela est dit de l'être "extra mentem".
L'être concret, extra mentem, existe en iso Il est soit par soi (a se = Dieu), soit par Dieu (ab alio = les créatures). Les créatures sont soit spirituelles, soit matérielles. Toutes sont "composées" d'essence=id quod est, et d'existence=id quo est. Mais les esprits sont formes pures: chaque esprit singulier constitue une espèce spéciale, et est "composé" de substance=quod est in se, et d'accidents=quod est in alio, in substantia. Les êtres matériels sont, en outre, "composés" de matière et de forme. C'est la matière qui est chez eux fondement de l'individualisation dans l'espèce.
Mais toutes ces "compositions" sont "réelles" dans un sens métaphysique; ces constituants de l'être ne sont pas des êtres, mais des principes d'être, des postulats de l'ontologie, qui étudie les causes de l'être. Les principes sont séparables "secundum rationem, licet non secundum rem" (Metaph. L. 7, lect. 1). L'essence et l'existence "non possunt separari etiam potentia absoluta Dei" (St. Th. De Potentia).

Malheureusement ces "compositions" sont trop souvent mal comprises; elles induisent alors dans l'erreur du dualisme, qui fait facilement rejeter cette ontologie pour un monisme comme celui que l'auteur impute implicitement aux bantous.

C'est la même erreur qui fait dire à l'auteur que le paganisme bantou, l'antique sagesse bantoue (149) peut uniquement trouver son complément, son assouvissement dans le plus pur christianisme (150), que l'ordre surnaturel chrétien enseigne et procure la possibilité (inexistante dans l'ordre naturel) d'accroissement vital interne, intrinsèque, à la façon dont l'enseignent les bantous (149). Toute la théologie au contraire nous enseigne expressément que "divina natura nobis communicatur accidentaliter, eo sensu quod qualitas in anima nostra imprimitur."



3. Erreur sur la pensée bantoue

Nous rencontrons chez le bantou trois ordres d'affirmations.

a) L'affirmation de faits: je vois une pierre, il y a des esprits;
     je vois le soleil se lever; j'ai vu un homme se changer en chat: j'ai vu le magicien me tirer un serpent de l'oreille.
b) L'affirmation des propriétés de certains êtres: le feu brûle, le manioc nourrit; une amulette porte bonheur; rencontrer      un chat noir porte malheur.
c) L'affirmation sur l'être et ses propriétés: l'être existe; l'être est bon; l'être est vrai.

La certitude de toutes ces affirmations peut venir aussi bien de la foi que de l'expérience et du raisonnement personnel. Même que la certitude de la foi se montre bien plus profonde - en pratique - que l'autre: elle ne peut être ébranlée par des arguments directs. A preuve l'inextirpable croyance de nos populations chrétiennes à des superstitions vieilles de deux mille ans, ou celle des Protestants à l'adoration des images par les Catholiques.

Mais toutes ces certitudes basées sur la foi n'extirpent pas les certitudes de l'évidence interne. Dans l'homme, les deux genres de certitude peuvent exister côte à côte, même si elles sont opposées les unes aux autres; tout comme il peut s'y trouver deux fois opposées. Dans un milieu traditionaliste rares sont les esprits supérieurs et indépendants qui ont conscience de cette opposition, ou qui cherchent à systématiser leurs certitudes, bien plus rares encore ceux qui essaient d'en extraire une philosophie.

Mais arrivons-en à la soi disant évidence interne des bantous. Et d'abord aux données des sens: "Il faut tenir pour certain le témoignage des sens sur leur propre objet sensible, pourvu qu'il n'y ait aucun défaut dans l'organe ni aucune entrave dans l'intermédiaire" dit Saint Thomas (1, q. 85, a. 6). Les perceptions de nos sens ne sont pas fausses, mais dans la vie courante nous affirmons toujours bien plus que leur contenu - "je vois une pierre" disons-nous, là ou l'œil ne perçoit que les apparences visibles; "j'ai vu un homme se changer en chat", dit le primitif, mais il n'a pas vu le changement, il a vu un homme avant, un chat après. Dans de telles affirmations les erreurs les plus grossières sont donc journalières. Sous l'influence de l'imagination non suffisamment contrôlée par l'intelligence, de la crédulité, de la psychologie collective, nous affirmons plus que de raison. Mais tout cela ne prouve pas que les sens du primitif travaillent autrement que les nôtres, ou que le primitif ne se fie pas à ses sens. Il s'y fie beaucoup trop et s'imagine voir beaucoup de choses qu'il ne voit pas réellement. Il se laisse tromper par son imagination.

Les affirmations de second ordre, sur les propriétés des êtres, sont déjà de la science, de la science physique. Elles sont abstraites des données des sens, soit des données exactes et évidentes, soit des données faussées par l'imagination. Et ce ne sont pas les seuls primitifs qui se trompent ici: Saint Thomas croyait aux forces occultes de l'or, Suarez aux influences astrales, beaucoup de nos généraux fameux croient aux horoscopes. On a pu dire que "pendant des siècles les moralistes furent plus superstitieux que les sorciers, mais ce n'était pas leur métaphysique qui était érronée, ils e trompaient sur les "apparitia", et dans leur systématisation, ce qui est l'objet propos de la science: "salvare apparentia" (b).

Encore sue ces certitudes scientifiques, la théorie scolastique était bien plus prudente que la pratique. "Mens nostra axiomatibus experimentalibus, quae mediante legitima inductione efformantur, certo et indubitanter assentitur ob motivum omnino cogens in ipsis rebus inventum et clare visum, nimirum determinantur ad unum a sufficienti singularium observatione, adiecto principio causalitatis" Cg. 1. 3. c. 2; De Ver. q. 22, a. 1 ). L'erreur scientifique est donc facile, et d'autant plus facile que l'esprit scientifique est moins développé et que l'imagination est moins contrôlée.
Certes, les primitifs croient que ces propriétés, que nous nommons magiques, sont des propriétés naturelles des êtres. Tout au plus pourrions-nous parler de "magie naturelle" (Cfr. N. Rev. Th. juin 1931 : Sacrements et magie, par E. Hocedez, pp. 481-507, n. p. 498). L'explication du Moyen Age, impliquant l'intervention du diable qu'on invoquerait formellement ou implicitement, ne s'applique pas aux manifestations "magiques" des primitifs; il n'y a chez eux pas plus de péché matériel de superstition que chez un apprenti-horticulteur qui croirait pouvoir greffer une salade sur une pierre. Mais tout cela est en dehors du problème central posé par le R. P. Tempels: l'ontologie bantoue. Arrivons donc aux affirmations métaphysiques.

La scolastique enseigne que l'"intellectus humanus in ferendis judiciis circa veritates communes et omnibus per se notas nunquam decipi potest; circa veritates vero deductas non errat nisi per accidens " (S. Th. I, Q. 85, a. 6). Sur les premiers principes l'intelligence ne peut se tromper: principes de contradiction, d'identité, de causalité. Elle peut se tromper accidentellement sur les déductions ultérieures. Et c'est ici que l'auteur veut imposer aux bantous une ontologie contre laquelle l'intelligence de tout homme doit protester. La notion de l'être et ses propriétés ainsi que les lois de la connaissance que l'auteur impute aux primitifs sont la négation même de l'intelligence. "Quapropter frustra sunt, imo vehementer errant et periculosissime falluntur, quicumque ea ratione ducti, quod motiva dantur dubitandi de omnibus, demonstranduim sibi esse existimant, valorem primarum notionum, legitimitatem facultatum, objectivitatem perceptionum nostrarum" Le primitif a une intelligence comme la nôtre, les premiers principes de l'être et de la connaissance sont les mêmes pour lui que pour nous. Sa première notion de l'être doit être la même que la nôtre. Prétendre qu'il nie la causalité physique, comme le dit l'auteur, c'est lui dénier toute évidence expérimentale. D'ailleurs encore ici il se contredit : le geste, le mouvement ne sont pas des causes d'influence, mais de la connaissance tout comme si une cause de connaissance n'était pas une cause d'influence aussi. D'ailleurs une force naturelle qui n'opère pas physiquement, naturellement, mais métaphysiquement, semble bien un contresens.

Tout cela est tellement à l'opposé du sens commun, que l'auteur lui-même est obligé de soustraire à sa synthèse tous les "façonnages utilitaires", qui "sont à l'écart de la sagesse", "des enfantillages" (67). Mais ces façonnages utilitaires sont précisément toutes les actions que le noir pose "suivant un raisonnement critique épousant la nature des choses". (67). Et ce sont précisément ces actions-là qui font la trame de la vie journalière. L'auteur dit bien que "tout à coup cependant on observe qu'ils abandonnent tout raisonnement pour faire dépendre le succès… du secours de l'esprit ou du bwanga" (67). Mais si un croyant attend du secours divin le succès de son entreprise, dira-t-on chez nous qu'il ne croit pas à là causalité physique?

Si l'auteur avait essayé de baser une ontologie bantoue sur ces manifestations rationnelles du primitif, il aurait bien trouvé une intelligence primitive identique à la nôtre, une philosophie rationnelle, une ontologie du bon sens. Il n'aurait pas médit de ses chers bantous comme il le fait implicitement. Seulement, il s'est laissé tromper par les apparences. Personne ne nie que les imaginations magiques sont tout aussi répandues chez le primitif qu'elles l'étaient chez nous au moyen-âge. Ces imaginations nous frappent, surtout parce qu'une littérature ethnographique toujours plus abondante essaie de nous faire croire que ces manifestations sont la pierre fondamentale et la clé de voûte de l'esprit primitif, tout comme chez nous les écrits et les récits et l'inquisition avaient conduit les gens à ne presque plus rien voir que de la magie. Mais au-dessus de toutes ces billevesées, produits d'une imagination hantée par le mystère, la pensée des bantous se révèle dans leur vie de tous les jours, dans leurs actes "profanes". Cette pensée existe comme elle existait chez nous, au moyen age, aussi supérieure à toutes les élucubrations du royaume de la peur, que la raison est supérieure à l'imagination, et que la philosophie thomiste est supérieure aux divagations des sorciers. L'auteur n'a pas remarqué que ces fameuses lois des êtres et de l'intelligence ne sont que les lois - bien connues dans la psychologie expérimentale de l'imagination comme elle se manifeste par exemple chez les enfants, les rêveurs, les ivrognes. Ces lois-là existent aussi bien chez nous que cher les primitifs. Mais aussi la philosophie perennis a ses racines, non dans l'homme occidental, mais dans l'homme tout court.

Pour terminer, rendons, hommage au R. P. Tempels de ce qu'il nous encourage à traduire les valeurs de notre civilisation et de notre religion autant que possible dans la langue et la mentalité indigènes. Où nous parlons en termes de perfection et de bonheur, eux s'expriment de préférence en termes de vie fortifiée. Adaptons-nous. C'est peut-être l'essentiel de ce que l'auteur a voulu nous apprendre.



Note


(a) Où est la déviation? A plusieurs reprises l'auteur nous dit que "les remèdes magiques ne sont que des forces        naturelles (127) qui n'existent, par la volonté de Dieu, que dans le but d'augmenter la force vitale des hommes"
       (45,28). Nos bantous contemporains diront en parlant du mânisme, du fétichisme de l'animisme, etc.
       (Dynamisme totémisme, magie): "tout cela est voulu par Dieu, l'Etre suprême, et tout cela a été donné pour
       aider les hommes" (20).

(b)  Cfr De wetenschappelijke natuurkennis bij den H. Thomas en bij de moderne geleerden. A. Van Hove, dans "Ons  C   geloof" 1928, p. 349-365.
 
E.Boelaert, M. S. C.

Dans une lettre du 28 juillet 1947 à Gustaaf Hulstaert, Tempels réagit à l'article de E. Boelaert. Nous reprenons le texte de: François Bontinck, Aux origines de la Philosophie Bantoue. La correspondance Tempels-Hulstaert (1944-1948), Faculté de Théologie Catholique, Kinshasa, 1985, p.154-156.

Révérend et cher Père Hulstaert,
Le 7 de ce mois, je vous avais envoyé une lettre par avion - et vous m'écrivez une lettre datée du 13 juillet 1947. Si ma lettre n'était pas encore arrivée, vous avez dû la recevoir immédiatement après. Merci pour votre lettre.
Vous persistez à demander une réponse à la critique du P. Boelaert. Cela me fait grand plaisir. Mais vous savez que je ne peux pas répondre personnellement: je suis toujours sub judice.

En outre, le P. Boelaert part d'un point de vue erroné; il ne se met pas au point de vue ethnologique, le seul nécessaire et essentiel. Il part des points de vue théologique et philosophique; voyez seulement ce qu'U vient d'écrire à Possoz: "nos discussions ne nous font point avancer. N'en parlons plus entre nous. Mais si vous pouvez trouver quelqu'un qui veut raisonner philosophiquement sur la question, je me réjouirai toujours de ses remarques

Vous voyez qu'une réponse est impossible, car d'abord et avant tout on doit traiter de la question ethnologique. Même là où le P. Boelaert parle de l'aspect ethnologique de la question, il part encore de son point de vue philosophique, de sa philosophie qu'il appelle "philosophie perennis. " Il me fait dire que la philosophie bantoue est opposée à la Philosophia perennis! Et comme ethnologue, il raisonne, lui, comme suit: Le Thomisme donne la Philosophia perennis. Les premiers éléments de la Philosophia perennis constituent -l'objet de l'intelligence humaine. Donc les
Noirs possèdent ces éléments, sinon ils ne seraient pas des hommes, ils n'auraient pas d'intelligence.

J'ajouterais: donc l'ethnologie est inutile car nous savons a priori que tout peuple nouveau, de même que tout peuple primitif, n'a d'autres concepts philosophiques que ceux du Thomisme, lequel est identique à la "Philosophia perennis."
Je n'avais pas poussé ma pensée si loin. Naïvement, par une certaine charité sans doute, j'ai voulu m'enfoncer dans la pensée des Noirs, vivre ensemble avec eux dans cette mentalité et ainsi (par charité) voir avec eux le Christianisme à partir de cette mentalité. J'ai décrit cette mentalité simplement telle quelle est ou telle qu'elle me semble être et j'ai indiqué, pour les Européens, quelle nuance dans cette ontologie paraissait différente de la présentation- dominante de la philosophie occidentale. Cette nuance de la philosophie occidentale rassortissait très clairement de votre première objection: vous ne donnez pas un concept de l'être, car la force n)est qu'un accident".

Or, il y a des gens qui sont capables de se mettre au-dessus de certaines nuances dans la conceptualisation et dans l'expression de la Philosophia perennis et qui n'identifient pas avec la Philosophia perennis . s ce qui n'est qu'une nuance unilatérale d'une certaine expression de la Philosophia perennis, Ces gens, sans savoir beaucoup au sujet des Primitifs, jugent en tant que philosophes le système donné (c'est-à-dire le point de vue du P. Boelaert) et ils trouvent:

1°  que j'ai bel et bien formulé un concept de l'être;
2°  que ce concept de l'être exprime un aspect de la réalité autre que celui de la vision statique,
      prédominante en Occident;
3° que cette ontologie n'est pas un non-sens, comme le dit le P.Boelaert, mais qu'elle est aussi une Philosophia       perennis, l'éternelle philosophie des forces qui existe universellement à côté de la
      philosophie statique.

Ainsi les attestations incluses constituent-elles bien un jugement philosophique de spécialistes (non pas de thuriféraires irréfléchis, comme le P. Boelaert les appelle) et un jugement qui diffère quelque peu de celui du P. Boelaert. Je continue à me taire; je reste dans la tombe où le P. Boelaert m'a enterré; d'autres peut-être me ressusciteront et- peut-être me laveront de l'imputation du P. Boelaert: "le grand tort de l'auteur me semble bien être sa méconnaissance de la Philosophia perennis " (p. 86).

Le P. Boelaert devrait se mettre au point de vue ethnologique, alors nous pourrions causer. Il le dit si bien: "Certes les Primitifs croient que ces propriétés (des êtres) que nous nommons magiques, sont d s propriétés naturelles des êtres". Et c'est là que se trouve la très grande lacune de sa critique. Il aurait dû écrire comment et pourquoi les Noirs, de leur point de vue, regardent ces propriétés comme des propriétés naturelles des êtres. Je pense que c'est à cause de leurs théories des forces (force de l'être, croissance de l'être, influence de l'être, cohésion des êtres, hiérarchie des êtres).

Le P. Boelaert se contente d'affirmer sans plus que cette synthèse ne rend pas les pensées des Noirs. Alors qu'il dise, lui - et je ne demande pas mieux - comment les Noirs interprètent ces propriétés comme "naturelles des êtres"!!! mais, quand il dit a priori que le système des Noirs doit être nécessairement de la Philosophia perennis, avec la propre nuance, avec la conceptualisation déterminée, avec le propre aspect proche de la philosophie occidentale ou thomiste ou statique, alors il se met dans l'impossibilité de pouvoir même penser une propre nuance chez les autres, de la supposer ou de la chercher sans préjugés.

Que tout cela reste entre nous; ce n'est pas destiné à la publication. Car personnellement je veux (provisoirement) rester sur le terrain strictement ethnologique. Les témoignages ethnologiques venant de tout le Congo et de l'Afrique du Sud continuent à s'entasser. Ne vous inquiétez pas de notre vicariat; la catéchèse adaptée y est partout en usage et elle le fut même avant que ne fut écrite La Philosophie bantoue.

Ne m'en veuillez pas si je parle durement. Je n'ai qu'un but: ne pas perdre courage et continuer à essayer de vous aider à "comprendre" pour parvenir à ceci: "laisser les chrétiens noirs vivre avec ce qui est bon dans leurs conceptions " ou "laisser le Christ vivre dans l'âme des Primitifs".
Si seulement cela pouvait se réaliser aussi dans votre vicariat!

Cordialement, Placide