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Livrets Scolaires Coloniaux: Méthodes d'Analyse - Approche Herméneutique / par Honoré VINCK
Ce texte a été publié la première fois dans History in Africa (Boston) 1999, pages 379-408
There are no methods or didactics for working with textbooks; such work is a pragmatic art which has developped while being done since 1918 and especially since 1945. Schüddekopf, 1965
1. ORGANISATION SCOLAIRE DANS LES COLONIES DE L'AFRIQUE NOIRE
1. Le livret scolaire africain n'a guère reçu l'attention des historiens de la colonisation ni celle des théoriciens des programmes scolaires qui ont été particulièrement actifs en Occident pendant les trois dernières décennies . Pourtant le livret scolaire a joué un très grand rôle dans la divulgation de l'idéologie coloniale et par ricochet dans l'éveil des tendances qui ont mené à la décolonisation. Ici et là ils nous donnent des éléments pour une meilleure compréhension des attitudes des responsables politiques africains du moment. Le livret scolaire colonial est spécialement conçu pour la colonie. Nous excluons donc les livrets des écoles métropolitaines bien que parfois utilisés dans la colonie (Prépondérant dans les Colonies Portugaises et Françaises). Il doit être étudié dans son propre contexte et par conséquent, les approches seront différentes selon qu'il s'agit de la colonisation belge, française, anglaise ou portugaise. Dans les colonies françaises et portugaises la langue nationale des colonisateurs était en règle générale aussi celle de l'enseignement . Ceux-ci ne seront pas pris en considération, nos investigations se limitant aux livrets en langues africaines. Le système d'éducation dans la Colonie Belge était entièrement entre les mains des missionnaires chrétiens jusqu'aux années cinquante. Même les rares écoles organisées par l'Etat (Colonies scolaires et Ecoles 'congrégationistes' ou 'Groupes Scolaires') ou par certaines Compagnies étaient pour leur organisation effective confiées aux missionnaires catholiques. Le but de l'enseignement était dans ses débuts du moins, la médiation des connaissances religieuses. En 1908 le livret de lecture des Trappistes à Bamanya conclut comme suit: "Vous avez appris à lire pour que vous ayez le moyen de lire le catéchisme" (p.33). Vers 1900 le missionnaire protestant Millman brûle sa traduction des fables d'Esope parce que un enfant lui avait demandé si elles étaient aussi la Parole de Dieu . L'organisation scolaire était régie par des Conventions avec l' Eglise Catholique datant de 1906, 1924/1929, 1938 et 1947 avec une adaptation en 1954. Ces Conventions stipulaient avec précision le programme à suivre. Les protestants s'y alignaient grosso modo. A partir de 1954 un système d'écoles non confessionnelles pour Noirs a été mis en place. Une des caractéristiques de l'enseignement colonial belge est l'extrême paucité des écoles secondaires avant la deuxième guerre mondiale. L'enseignement post-primaire était limité aux écoles de formation des enseignants de l'enseignement primaire, d'auxiliaires de l'administration et aux écoles professionnelles, toutes de degré inférieur (3 ou 4 années post-primaire). Les quelques petits séminaires préparatoires aux cycles de formation des candidats au sacerdoce catholique, y faisaient exception. Après 1945 et surtout après 1950, plusieurs instituts de type d'enseignement secondaire de 6 ans ont vu le jour. Une autre caractéristique du système était l'existence d'un réseau de petites écoles rurales (2 années primaires), établies jusque dans les plus petits villages avec comme corollaire un taux de scolarisation très élevé. Elles fonctionnaient sous le nom de 'chapelles-écoles' ou 'fermes chapelles' et à partir de 1930 comme 'écoles rurales'. Une conséquence de la 'ruralisation' du système scolaire était l'utilisation prépondérante des langues véhiculaires, encouragée par les options pédagogiques et idéologiques préconisées par les Conventions. C'est donc dans ce contexte que le livret scolaire a fonctionné. L'école étant confessionnelle, il n'y a pratiquement pas de distinction à faire entre un livret d' église (livret de prière, Bible, catéchisme) et d'école (lecture, calcul etc...).Les livrets d'église étaient utilisés comme livres de lecture et les livres de lecture contenaient dans une très large mesure des instructions religieuses. Au Congo Belge l'organisation ecclésiastique était telle que, tant pour les catholiques que pour les protestants, les différentes congrégations ou groupes géraient les écoles de leurs propre territoire en exclusivité. Cela a eu comme conséquence que chaque Vicariat (diocèse) ou Eglise protestante ou Congrégation religieuse, en règle générale, composait ses propres livrets scolaires, ou adaptait des modèles communs à sa situation ou aux langues locales. Interféraient dans les divisions territoriales ecclésiastiques, pour ce qui concerne les catholiques, le système d'éducation appliqué par les Congrégations enseignantes des Frères ou Soeurs (Frères des Ecoles Chrétiennes, Frères Maristes etc...). Elles amenaient ou composaient leurs propres manuels et imposaient leurs méthodes partout où elles s'installaient, sans se soucier beaucoup des cultures locales. Là où on ne pouvait produire ses propres livrets, les responsables des écoles cherchaient à en obtenir chez les voisins, même si le livret était rédigé en une langue non courante dans la région. Les livrets en lingala de Scheut étaient ainsi en position de force. Le Père Goemaere, chez les Ndengese, écrit en 1939 à Hulstaert: "A défaut de livrets en notre langue nous avons dû introduire le lingala de Nouvelle Anvers dans nos écoles, le lingala qu'on ne comprend pas ici, comme là-bas ils ne comprennent pas le londengese" . En 1951 les Pères de Mill Hill, introduisent des livrets en lingala de Scheut chez les Mongo après une remarque de l'inspecteur Mr Verhelst concernant la paucité de livrets dans leurs écoles . Chez les Atetela on traduit des livrets du tshiluba du Kasai . A l'occasion, les catholiques utilisaient même les livrets des protestants. Et pour aider à démarrer les Frères des Ecoles Chrétiennes à la même Bamanya en 1929, le Supérieur leur écrit: "Pour l'enseignement de la langue maternelle, je puis me procurer les éditions des missions protestantes" . Un certain nombre de manuels (du maître) ont dû circuler d'abord sous forme dactylographiée et passé de mission en mission. Plusieurs de ces textes sont à la base des éditions imprimées plusieurs années après. Nous n'avons pu retrouver que quelques rares exemplaires de ces typo scripts Notre étude est de fait limitée par notre documentation et à notre accès aux langues africaines, mais l'échantillon me semble suffisamment large pour être valable pour toute la colonie. La source principale en est la collection de 650 livrets en 35 langues congolaises conservés aux archives Aequatoria. Subsidiairement j'ai travaillé sur des photocopies de quelques dizaines de livrets d'autres bibliothèques. Ceci couvre pratiquement toutes les éditions de livrets qui ont servis dans la partie du Congo au nord de l' équateur (Provinces de l' Equateur et du Haut Congo ) ainsi qu' à Kinshasa.
2.LA DOCUMENTATION
2.1. Bibliographies et dépôts
L'identification d'un fonds de livrets scolaires se rapportant à une région spécifique demande bien de recherches à des endroits différents. En règle générale, on peut dire que les grandes bibliothèques africanistes dans le monde possèdent une collection de ce genre de livres, parfois intégrée dans la bibliothèque, parfois constituant une section séparée, parfois faisant partie des archives. En principe on devrait pouvoir trouver dans les bibliothèques nationales des pays colonisateurs et colonisés les livrets édités en métropole ou dans la colonie. A mon savoir aucune investigation systématique n'a été faite en cette direction. Des dépôts importants doivent se trouver dans les archives des congrégations religieuses (catholiques) ou Eglises-mères (protestantes) ou dans les Offices qui ont succédé aux institutions chargées par l'administration des éditions scolaires comme le East-African Literature Bureau (depuis 1948) représenté dans plusieurs colonies britanniques . Quelques dépôts importants sont connus, comme celui de la Bibliothèque de la School of Oriental and African Studies à Londres (8300 unités en 30 langues) dont un catalogue fait l'inventaire détaillé . Les Baptistes Missionary Society conservent le set complet de leur éditions dans leurs Archives à Oxford . Ensuite il y a la Doke-collection à l'université de Harare , celle des Archives Aequatoria à Bamanya (R.D.du Congo) . Le Centre d' Etudes des Problèmes Sociaux Indigènes (CEPSI) d'Elisabethville signale qu'en 1954 il y avaient dans sa bibliothèque scolaire 1861 manuels dont 244 en kishwahili et 84 en d'autres langues bantoues. Parcourons maintenant les bibliographies africanistes générales et courantes qui font systématiquement mention des publications en langues africaines. La revue Africa de Londres s'est particulièrement intéressée aux publications en langues africaines. A partir de 1931 jusqu'en 1972 elle signalait sous une rubrique spéciale les dernières publications. En 1934 Africa publiait une liste de plusieurs centaines de livrets d'histoire et de géographie . Books for Africa publié par l'International Committee on Christian Literature for Africa (ICCLA) sous la rédaction de M. Wrong, avait entre 1930 et 1960 également une rubrique régulière pour les 'Publications in African Languages' à côté de plusieurs articles rénovateurs sur les manuels scolaires en Afrique. En 1937 une enquête préparée par la revue signalait l'existance de 5159 livrets. En 1938 on publie un article sur la production globale entre 1928 et 1938 . Une remarquable bibliographie trouve-t-on dans : F. Rowling and C.E. Wilson, Bibliography of African Christian Literature, Conference of Missionary Societies, London 1923, 135 pages; Supplement, 1927, 35 pages AFER (Africanae Fraternae Ephemerides Romanae) entre 1932 et 1940 en comporte une riche sélection sous le titre Bibliographia Africana. Les publications y sont regroupées selon les Congrégations religieuses (catholiques) qui les éditaient. Pour les éditions catholiques encore, le monumental Bibliotheca Missionum de R. Streit et J. Dindinger (volumes 18 à 20) reste une source incontournable. Les auteurs ont disposé leurs matériaux selon l'appartenance des auteurs à une congrégation religieuse. Les informations sont éclectiques et parfois très incomplètes. De l'autre côté, on y trouve des informations biographiques et bibliographiques complémentaires. Les centaines de livrets y signalés se trouvent dans la Bibliothèque de la Università Pontificia Urbaniana à Rome. Récemment elle a hérité la collection complète des livres religieux et scolaires édités par les Publications St Pierre Claver à Rome. On signale 2300 livrets en 270 langues africaines.Un catalogue est en préparation A partir de 1946 le périodique Oversea Education signale systématiquement les manuels scolaires en usage dans les colonies britaniques et publiés par l' East African Literature Bureau (1948), le Bureau of Ghana Languages (1950), le The Southern Rhodesia Literature Bureau (1956) et le Publication Bureau Soudan (1946). Parmi les bibliographies spécialisées la plus remarquable est certes celle de F. Starr, A Bibliography of Congo Languages (Chicago 1908). Une recherche intensive sur le terrain et dans les bibliothèques lui a valu un ouvrage extrêmement précis et complet jusqu'en 1906. Starr visait tout livre imprimé en une langue congolaise mais de fait la grande majorité des oeuvres mentionnées étaient des livrets d'école et d'église. Il a collectionné les livrets cités, collection probablement conservée à l'Université de Chicago parmi les papiers Starr. Barbara Yates a étudié les éditions scolaires du Congo de 1885 à 1908 et a enregistré 409 titres. Malheureusement elle n'en a jamais publié une liste. En 1912 Ed. Kervyn publiait le catalogue des livres en langues congolaises, lesquels livres avaient été présentés à l' Exposition Coloniale de 1910 à Tervuren ce qui explique ses limites . Le Répertoire Africain (Rome 1932), de H. Dubois consacre les pages 387 à 394 aux livrets scolaires et la Bibliography of African Christian Literature de F. Rowling et C.E. Wilson (éd. de 1923 et 1927) revient de fait à un catalogue de livrets scolaires et religieux en langues africianes . Deux Annuaire des Missions Catholiques au Congo Belge (1924 et 1935) mentionnent pour chaque entité ecclésiastique leurs publications en langues locales. Plusieurs centaines de livrets se rapportant au Congo y ont été ainsi identifiés. A part ces catalogues se rapportant à une aire géographique déterminée, certains inventaires par contre se limitent aux productions d'une seule Congrégation religieuse. La plupart des congrégations disposent en outre d'une Bibliographie de leurs membres ce qui peut être fort utile pour l'identification de livrets anonymes. Au Congo, parmi les Catholiques, les plus actifs producteurs de livrets scolaires étaient les Pères de Scheut et les Pères Blancs. Quant aux premiers nous disposons de la Proeve eener bibliographie van de Missionarissen van Scheut (1939) et sa continuation Scripta Confratrum. Les Archives Générales de cette Congrégation à Rome disposent de deux listes de leurs publications scolaires et d'église au Congo: Livrets de Prières (17 pages) et Manuels (6 pages) de la main du Père Renson. En 1922 leur revue de propagande Missions de Scheut publiait une "Liste des ouvrages édités en congolais par les Missionnaires de Scheut", de décembre 1919 à janvier 1922. On y signale, chose exceptionnelle, le tirage exact de chaque titre. En 1930 la même revue publie sous le titre "L'activité littéraire des missionnaires" un extrait du travail bibliographique de A. Maus. Nous y trouvons la mention de dix périodiques en langues locales, 53 manuels scolaires et 43 livrets religieux. La maison des Pères de Scheut à Leuven a une très bonne collection de livres scolaires africains édités au Congo et en Belgique. Pour la Congrégation des Missionnaires d' Afrique ("Pères Blancs"), unissant sous une même direction le Ruanda-Burundi, l' Uganda et l'Est du Congo, nous avons un inventaire très complet sous le titre Publications en langues africaines (1932). Quant aux Salésiens du Sakania (Katanga) on peut se référer à A. Verbeek, Les Salésiens de l'Afrique Centrale. Bibliographie 1911-1980 (Pour les manuels voir pages 113-118). Stefano Santandrea dans sa Bibliografia di Studi Africani (Missioni Africane, Verona 1948) inclut la littérature en langues africaines de l'Ethiopie, du Soudan, de l'Uganda, éditée par les Pères Comboniens. Pour les Diciples du Christ au Congo nous disposons de l'excellent travail de R. Dargitz : A Selected Bibliography of Books(...) rapportant les éditions scolaires et religieuses publiées principalement en lomongo par cette Eglise américaine. A Nashville dans la Historical Society of the Disciples of Christ on trouve la liste complète des mêmes éditions ainsi que leur dépôt . La Bibliographie de la langue Swahili de A. Mioni complète celle de M. Van Spaandonck spécialement sur notre terrain. On y signale plusieurs centaines de livrets scolaires et d' église . Dans le domaine du kikongo nous avons un texte de B. Söderberg et R. Widman qui présentent les livrets religieux et scolaires publiés par les missionnaires protestants suédois . Récemment Ngalassa a publié une importante étude sur la littérature en kikongo en y intégrant les livres scolaires . Pour le domaine mongo, Hulstaert publiait en 1937 une Bibliographie van het lonkundo-lomongo. En 1956 la Bibliographie over de Mongo de De Rop dédie un chapitre spécial aux oeuvres écrites en lomongo: les pages 62 à 100 englobent les langues apparentées comme le longando, lokonda, lontomba, londengese, loleku, otetela. L'auteur inclut les éditions de toutes les sociétés missionnaires y oeuvrant, tant protestantes que catholiques
2.2. Imprimeries, éditeurs, Librairies spécialisées
Le livret scolaire est intimement lié à son outil de production: l'imprimerie et la maison d'édition. Une première distinction s'impose quant à leur établissement en Afrique ou en Occident. En Afrique, dans la majorité des cas l'éditeur est l'organisme religieux ou le département administratif chargé de l'éducation. Souvent ces mêmes organismes possèdent leurs propres imprimeries et service d'édition. Barbara Yates en a mesuré l'importance pour l'Etat Indépendant du Congo. Elle compte 16 imprimeries dont 12 protestantes . En 1932 H. Dubois signale 34 imprimeries catholiques en Afrique et l'Annuaire des Missions catholiques au Congo Belge de 1949 en cite 24 pour la colonie. En Occident les éditeurs commerciaux ont parfois édité des manuscrits de livrets de missionnaires ou fonctionnaires de l' enseignement. Ainsi devra-t-on consulter les catalogues historiques de Benziger (Strasbourg), Longmans-Green (London) et bien d'autres. Les exigences de l' alphabet africain comme proposé par l' Institut Africain de Londres en 1930 ont forcé certains imprimeurs de s'équiper en caractères adaptés. Dans le camp catholique les Soeurs de St Pierre Claver à Rome ont joué un rôle important et international en la matière. Entre 1900 et 1950 elles ont produits 326 titres . A Kinshasa la maison d'édition protestante est active jusqu'à nos jours . Les archives de ces éditeurs et imprimeurs peuvent être de grande utilité pour les recherches sur le rôle des livrets scolaires mais il est sûr que peu d'archives de ce genre existent encore en Afrique et même en Europe. Les informations les plus importantes à en tirer sont l'identification des auteurs des livrets anonymes et le nombre du tirage. Quelques noms qui pourraient donner une orientation dans la recherche en ce domaine: la Tanganika Missions Press, la Maison Carrée (des Pères Blancs à Alger), Marianhill Mission Press (Afrique du Sud), Les Presses Missionnaires (à Issy-lez-Moulinaux, France) et les imprimeries et maisons d'édition à travers toute l' Afrique des Pères Paulistes.
GENRES
Pendant la période d'avant 1918, les livrets sont peu diversifiés et de fait réduits à l'étude de la langue, du calcul et de la religion. En avançant dans le temps on avançait également dans la diversification des genres.
3.1. Apprentissage de la lecture et de l'écriture
(1) Abécédaires, Syllabaires etc... Les livrets d'apprentissage de la lecture et de l'écriture en langue africaine sont abondamment représentés. Du point de vue de l'analyse, ils sont moins intéressants mais pas à négliger totalement. Les petites phrases-excercices révèlent parfois candidement le fond de la pensée de l'auteur. Ainsi, nous lisons dans un livret de la première année, dans une leçon d'apprentissage des préfixes mo- et ba-, qu'avant l'arrivée des prêtres, "Au milieu de la forêt les sauvages tenaient le volant et les diables se réjouissaient" (Collection Frères de St Gabriel, Bondo 1937).
(2) Grammaires Parallèlement à ces premiers livrets on trouve de vraies grammaires utilisées dans les classes supérieures. Y est de première importance la terminologie grammaticale. Ensuite on y trouve de multiples applications des règles avec parfois des exercices et "conversations". C'est une mine pour l'exploration idéologique. Les grammaires, aussi celles destinées aux adultes, ont souvent en annexe une section de "Conversations" particulièrement intéressante pour l'analyse. On y apprend tout sur le style des relations entre Noirs et Blancs. Ainsi, le Buku na kotanga lingala. Buku III (des Frères Maristes, Buta, s.d.): " Où est le boy ? J'arrive monsieur. Où traînez-vous ? Venez vite".Proche de ce genre sont les livrets destinés à l'apprentissage d'une langue africaine par les Blancs de l'administration, colons ou missionnaires. Presque tous mettent en scène le maître blanc et son boy noir comme l'exemple ci-dessus. Le fameux Cours théorique et pratique de lingala de Mgr Egide De Boeck (1927) ne nous prive pas de quelques merveilleux dialogues: "J'ai mis ici trois francs. Où sont-ils ?" "Je ne les ai pas pris" "On vole ici tous les jours" (p.85).
(3)Livrets de lecture Le livret le plus important pour notre propos est celui de lectures choisies, le genre anthologie. Il accompagne l'enfant durant toute son école primaire. Dans certaines écoles, les enfants pouvaient les prendre avec eux au village et le soir autour du feu, les écoliers et les anciens élèves rivalisaient dans la déclamation des textes et en discutaient le contenu . Pendant une longue période c'étaient presque les seuls livrets en usage dans les écoles et par conséquent tout le programme y trouvait sa place: religion, histoire, géographie, observation, morale, civisme. La littérature traditionnelle qui comprenait l'essentiel des tous premiers livrets édités à la fin du siècle passé, continuera à prendre une place prépondérante. Après la deuxième guerre mondiale, ce livret restera en usage mais sera fort refondu et allégé des leçons qui formeront le coeur de nouveaux livrets d'histoire, géographie etc... Certains de ces livrets insèrent des chants religieux et profanes.
(4) Observation A partir des années quarante des livrets dits d'observation' font leur apparition. On y trouve tout sujet possible qui renvoie à l'environnement de l'enfant. On y découvre la mission, la ville ou le poste des Blancs, décrits comme l'auteur veut que l'enfant les aperçoive.
(5) Littérature générale La littérature générale est destinée à la lecture dans et hors de l'école et souvent spécialement lancée pour que les anciens élèves n'oublient pas les connaissances acquises. Ce sont des véritables livres, romans, récits de voyage, biographies, traduits ou répertoriant des portions de la littérature orale locale. Parmi les plus connus nous devons citer Robinson Crusué, et Pilgrims Progress. Les missions protestantes étaient particulièrement actives sur ce terrain principalement sous l'influence de l'action de M. Wrong et le International Committee on Christian Literature for Africa. En 1947 L.J. Lewis et M. Young publiaient leur manifeste Towards a Literate Africa.
(6) Divers Le livret d'analyse grammaticale, des règles de la composition, se trouvent être d'importantes sources de renseignements idéologiques à cause des phrases-exercices. En outre ils sont riches (ou pauvres) en terminologie grammaticale. Le rédacteur de Composition et rédaction en lonkundo (DCCM Bolenge, 1935) n'a pas réussi à forger une terminologie compréhensible. Il dévoile ainsi son ignorance de la langue locale et son manque d'effort pour forger un outil efficace. Il parle ainsi de "Bolemo wa virgule nda Série" (La fonction de la virgule dans une série).
3.2. Apprentissage du français
Le français étant la langue officielle de la Colonie Belge, les livrets d'apprentissage de cette langue ont pris une place prépondérante dans le programme scolaire. Les Congrégations de Frères enseignants en ont publié à tous les niveau. Les textes-exercices étaient bilingues et quelques-uns partent de la langue africaine pour enseigner le français.
3.3. Sciences
Les sciences étaient également présentes au programme scolaire de l'école primaire dès que celui-ci avait été pleinement élaboré. L'élément calcul et le système métrique en forment l'essentiel. Ces livrets sont parfois le plus révélateurs dans la partie des théorèmes et ils sont instructifs pour la recherche d'une terminologie en langues africaines . Plusieurs livrets montrent bien des hésitations et s'arrêtent à mi-chemin dans l'adoption d'une terminologie adaptée. Ils utilisent des mots français à désinence bantu. Le livret de géographie humaine est extrêmement instructif du point de vue d'une analyse idéologique. Zoologie et botanique sont rares comme livres séparés. En général la matière était intégrée dans les manuels de conversation ou d'observation. Mais nous avons trouvé quelques spécimens remarquables par leur précision et par leur insertion dans l'environnement de l'enfant. L'Etsifyafunja (Botanique) de Fr Maes (1956) intègre à la fois les croyances et les applications traditionnelles et les descriptions scientifiques des plantes. Le livret d'hygiène est un des plus anciens dans l'histoire des livrets scolaires et il est très répandu. Hygiène pour les écoles africaines (DCCM, Bolenge 1948, (en lomongo malgré son titre en français) est remarquable pour l'intégration des dernières connaissances en la matière, mais le situe à un niveau absolument trop élevé pour les écoliers. D'autres expriment des idées reçues comme le Manuel d'Hygiène (Collection des Maristes l930) qui met les enfants en garde contre les lépreux: "Faut-il traiter les lépreux ?" "Il faut leur construire des villages propres à eux et leur donner la nourriture". Le même manuel nous livre quelques lignes pittoresques sur les maladies vénériennes qui mènent à la conclusion: "On doit demander un remède au médecin blanc". Mais la question clé ne reste pas sans réponse :"Pourquoi faut il aller chez le médecin blanc ?" Réponse: "1.Parcequ'il ne veut que notre bien; 2.Parcequ'il a des bons remèdes; 3.parcequ'il est plus intelligent et plus instruit que les sorciers" (p.38-39).
3.4. Religion
Catholiques et protestants avaient des méthodes bien différentes dans le domaine de l'enseignement de la religion chrétienne. Les catholiques n'ont commencé que très tardivement à utiliser la Bible pendant que les protestants en faisaient leur livre de base (lecture, écriture) dès le debut. Le Bonkanda wa ecole w'efe (Deuxième livre d' école, 1920) de la Congo Balolo Mission dédie 49 pages sur 69 à des extraits de la Bible. Chez les catholiques le livret typique est le catéchisme. Le contenu est pratiquement aussi stable que celui de la Bible et il suit de très près un modèle occidental ce qui ne donne pas beaucoup de latitude à l'introduction de concepts chers à l'idéologie coloniale. Chaque circonscription ecclésiastique avait le droit d'éditer son propre catéchisme mais peu avaient profité de cette possibilité. Ainsi au Congo Belge on suivit le modèle de Mgr Van Ronslé de 1897 et de 1911. En 1961 le catéchisme uniforme conçu à Léopoldville est imposé à tous les diocèses du pays. Un sujet d'étude spécifique pourrait être une recherche sur la terminologie religieuse, domaine particulièrement fructueux de plusieurs points de vue. Plus ouvertes par contre aux influences idéologiques sont les 'Explications' du Catéchisme, mais elles sont plutôt rares. Il y a certes quelques tentatives d'adaptation à la culture locale de ces deux livres. Un genre proche de cette littérature est celui des instructions aux catéchistes enseignants. C'est un genre très répandu et il contient une mine d'informations pour l'étude de la mentalité missionnaire. Y est esquissé en détail le comportement du catéchiste envers tout son environnement humain: les Blancs de l' Administration, les chef coutumiers, les missionnaires, les colons, les païens etc... . L'hagiographie a été un genre littéraire utilisé très tôt. Les catholiques présentaient les Martyrs d' Uganda et quelques saints à la mode ou les Patrons de leur Congrégation religieuse. D'abord ces récits étaient insérés dans les livrets de lecture. Après on éditait des livrets entiers dédiés à la biographie du saint. Les protestants traduisaient (en résumé) invariablement Pilgrims Progress et toute une collection de héros d'origine très variée, figures légendaires ou historiques de leur pays ou de leur église. Ainsi David Livingstone, rarement évoqué par les catholiques, est une valeur sûre dans les publications protestantes. Certains livrets protestants s'efforcent de présenter un certain nombre de personnages Noirs (américains.) Une autre catégorie est celle des livrets d'Instructions religieuses générales. On y trouve un amalgame de récits copiés de livrets pieux européens, avec parfois quelques leçons sur l'histoire de l'Eglise et de l'oeuvre missionnaire en Afrique. Souvent ces chapitres sont un hymne aux héros blancs qui se frayant un chemin dans une forêt d'hommes hostiles et diaboliques. Une grande variété de livrets d' Histoire Sainte se retrouve tant chez les protestants que chez les catholiques, généralement divisés en deux ou trois parties (Ancien Testament, Nouveau Testament, Histoire de l' Eglise). Dans cette troisième partie les deux confessions chrétiennes se mesurent en expressions de méfiance les unes envers les autres. Les "Instructions au Missionnaires" (catholiques) de 1920 en font un devoir pour les auteurs de livres 'd'histoire de l'Eglise', "à rédiger de telle sorte qu'ils affermissent la foi et prémunissent contre les séductions de l'hérésie, qui est d'importation étrangère et souvent de tendance antinationale" . Le livret de chants d'église peut être aussi un champ d'investigations. La première génération de missionnaires nous livre principalement des traductions de chants de leur église d'origine. Mais assez tôt on trouve aussi quelques nouvelles créations quant au texte. Les livrets de chants protestants restent très proche de l'original anglais ou américain. Les chants des catholiques témoignent d'un plus grand élan d'intégration d'éléments africains à partir des années trente.
3.5. Histoire
Les livrets d'histoire pour les écoles primaires paraissent tardivement et vont généralement de pair avec l'extension du programme à 6 ans. La matière étant extrêmement sensible ils feront l'objet de proue de l'analyse idéologique. Les programmes de l'enseignement prescrit dans la colonie belge donnent des instructions précises sur l'orientation à donner à cet enseignement. Au niveau de l' école primaire l'histoire de la colonisation était pratiquement le seul sujet traité. Quelques livrets essaient d'intégrer l'histoire ethnique de la région. L'histoire de la Belgique y est réduite à une note biographique des rois et des reines. Certaines épisodes de l'histoire se prêtent à une représentation théâtrale ou à la déclamation .
3.6. Varia
Bien tard font leur apparition les livrets de Puériculture et de Politesse. Ce dernier est très informatif en vue d'une recherche thématique. Certains incluent des formes de comportement et de politesse traditionnelle, d'autres enseignent uniquement le comportement occidental. On y apprend tout sur l'attitude à prendre par les Noirs envers les Blancs. Le programme d'enseignement de 1948 au Congo Belge prescrivait que l'enseignement de la politesse ne devait pas être superficiel mais aller en profondeur "afin que l'oeuvre congolaise de la Belgique marque le Congo d'une emprunte durable . Les livrets de chants profanes sont remarquables par leur naïveté. Tous commencent par la "Brabançonne" (Hymne national belge) et le "Vers l' Avenir" (Hymne colonial belge). On chante la Brabançonne aussi en lingala: "Beljiki, mama wa bolingi, tokopesa yo motema" (Belgique tendre mère nous vous offrons notre coeur) . A différents endroits on utilise un livret qui présente et explique la législation congolaise dans ses applications pratiques pour les Noirs. D'autres ont inséré cet enseignement dans leur livret de lecture. L'accent y est mis sur l'obligation de payer des contributions et taxes et sur l'utilité des "cultures obligatoires". Finalement une grande gamme de livrets plus spécialisés ont vu le jour, un peu selon l'inspiration de l'un ou l'autre inspecteur ou directeur d'école. A partir des années trente on trouve des livrets de gymnastique, (avec une terminologie bien étudiée et détaillée), livrets de dessin, d'agriculture, de charpenterie, de maçonnerie.
3.7. Iconographie
L'iconographie des livrets scolaires mérite une étude séparée. Elle est extraordinairement variée, parfois avec des illustrations exclusivement reprises d'une édition similaire occidentale, parfois dessinée et adaptée à l'Afrique, souvent un mélange de l'un et de l'autre. Dans Banto ba monde (Les hommes du monde) la Congo Balolo Mission reproduit en 1924 des images en couleurs. On trouve une série de gravures d'une extrême imagerie dans différents catéchismes édités par la Société St Pierre Claver à Rome. On y présente en images l'opposition de la vie chrétienne et de la vie païenne où les diables Noirs jouent sous des représentations horribles un rôle de premier plan. Les païens sont sales et habillés en loques, l'enfant chrétien est propre et en tenue soignée. Certains livres d'écoles étaient doublés par des dessins de grand format, destinés à être exposés devant la classe. Pendant une longue période les protestants de la DCCM de Bolenge avaient basé tout le programme de l'école primaire sur ce système.
4.APPROCHE ANALYTIQUE
La compréhension du message du document historique qu'est le manuel scolaire colonial demande une approche herméneutique et méthodologique bien spécifiques. La connaissance de l'auteur du livret en est le premier pas. Mais le document est le produit de bien d'autres facteurs que celui du seul individu et toutes les lois de la critique textuelle doivent y être appliquées. Ensuite le document ainsi analysé devra être enserré dans son environnement historique et géographique pour mesurer l'impact réel de son message.
4.1. Les auteurs
La plupart des livrets sont anonymes. Mais la personnalité de l'auteur y est toujours et parfois fort présente . Une première recherche se fera donc concernant l'identité de l'auteur et de ses collaborateurs, ainsi que des personnes qui ont soigné les rééditions. Concernant les livrets des écoles catholiques la première voie à suivre est celle de la Bio-bibliographie de la Congrégation religieuse à laquelle appartient l'auteur. Les auteurs protestants ont souvent utilisé leurs noms africains et il faut parfois bien de recherches pour découvrir leurs vrais noms. Pour ce qui concerne les Disciples du Christ au Congo, une liste partielle en a été publiée . A ma connaissance la participation des Soeurs religieuses catholiques dans la composition de livrets scolaires coloniaux est pratiquement inexistante pendant que chez les protestants plusieurs femmes signent les livrets en collaboration avec leurs maris ou en sont l'unique auteur.
4.1.1. Formation professionnelle
La formation qu'ont eue les auteurs eux-mêmes entre pour beaucoup dans leurs produits. Les missionnaires catholiques, prêtres, n'avaient ni formation ni expérience dans le secteur de l'enseignement à quelques rares exceptions près. Ainsi le Père Octaaf Van Hullebusch avait été maître d'école primaire en Flandre avant de se faire prêtre Scheutiste. Mais dans quelques cas la formation sur le tas livrait des gens bien expérimentés et capables comme le Père Schrurs, Scheutiste et fondateur de l' Ecole Normale de Boyange. D'autre part les Frères des Congrégations Religieuses enseignantes étaient tous des professionnels, mais ils étaient plus limités dans les connaissances générales que la plupart des prêtres missionnaires et moins enclins à s'adapter aux situations africaines et locales. John Carrington de la Baptist Missionary Society à Yakusu avait une formation d'enseignant et une pratique de quelques années en Angleterre et de longues années au Congo .Plusieurs missionnaires des Disciples du Christ avaient suivi une formation pédagogique avant leur départ pour le Congo. Après la guerre de quarante, quelques missionnaires catholiques suivront une formation académique en pédagogie en vu de leur fonction dans l'enseignement. Plus que l'on sait de l'histoire personnelle de l'auteur mieux l'on saura comprendre et interpréter son livret.
4.1.2. Nationalité
En général on peut dire qu'au Congo Belge les missionnaires catholiques étaient des belges (avec quelques hollandais et français) et les protestants anglo-saxons (et scandinaves.) La plupart des livrets sont fortement marqués par la nationalité de leurs auteurs et même par leur langue maternelle. Cela va si loin que dans un livret d'un protestant américain on trouve la graphie "seconds" au lieu de "secondes". L'auteur anglais de Bonkanda wa Nsango explique aux enfants que la Belgique "est près de l' Angleterre" . R.A. Mathers, anglaise, dans son Bonkanda wa Baoci B'anto insiste sur le fait qu'en Inde on parle l'anglais et que là on a un grand respect pour le roi d' Angleterre . Les livrets des Disciples du Christ sont bourrés de récits américains. Les "Bonnes Manières" I et II (1958 et 1956) de R. Stober illustrent chaque exposé sur les vertus avec un exemple puisé dans la vie d'un protestant américain. Cependant Anglais et Américains suspects de subversion envers la colonisation belge, usaient des propos dithyrambiques envers la maison royale belge, le peuple belge et l'Administration Coloniale comme pour conjurer toute suspicion. D'autre part on rencontre une seule fois l'ancienne critique du mouvement anti-léopoldien mené en Angleterre sous la plume de R.A. Mathers, travaillant dans l'ancienne région de l'Abir. Il écrit: "Certaines gens qu'il (= Léopold II) avait envoyées étaient mauvaises et ont commis des exactions lors du caoutchouc. Vous-mêmes vous savez bien comment les premiers Blancs se sont comportés" . Les Belges de leur côté sont inépuisables dans l'invention de stéréotypes louangeur à l'adresse de Léopold II. Y a-t-il eu des auteurs "indigènes?" Tous les missionnaires se sont fait assister par l'un ou l'autre locuteur natif de la langue dans laquelle il voulait écrire le livre. Les protestants au Congo mentionnent souvent en deuxième ligne ces noms. Dans certaines colonies anglaises on envoyait des Africains en Europe pour y recevoir une formation en vue de leur tâche de compositeur de livrets scolaires.
4.1.3. L'association religieuse
Il est de la plus grande importance de connaître en détail l'organisation ecclésiastique de la Colonie. En ce qui concerne le Congo, les Pères de Scheut avaient plusieurs diocèses sous leur responsabilité. Les diocèses utilisant le lingala avaient leurs livrets qu'ils utilisait partout mais les Pères Dominicains à Niangara produisaient le leurs également en lingala. Les Scheutistes du Kasai utilisaient des livrets en tshiluba. Les Scheutistes du Mayombe écrivaient en leur version du kikongo (Bittremieux) comme le faisaient les Jésuites installés dans leur mission du Kwango. Ensuite chaque Congrégation religieuse a ses propres dévotions. Les Frères des Ecoles chrétiennes ne manqueront pas d'insérer une leçon sur leur fondateur St Jean Baptiste de La Salle et les Frères Maristes mettront en évidence la dévotion mariale. Les Salésiens n'oublieront pas leur fondateur Don Bosco.
4.1.4. Classe sociale
La majorité des missionnaires catholiques au Congo Belge (et bien ailleurs) aux 19-20èmes siècles appartenaient à la classe ouvrière, paysanne et moyenne, rarement à une classe 'supérieure'. Leurs ambitions personnelles étaient très limitées, parfois estompées. J.L. Van der Walt fait le même constat pour les missionnaires protestants aux 18-19èmes siècles en Afrique du Sud . L'importance donnée à l'éducation intellectuelle, la largeur ou l'étroitesse de vue en dépendent et cela s'exprime dans les livrets. Le missionnaire qui a grandi dans une famille adhérant à un mouvement politique spécifique en portera les marques et on en verra les reflets dans ses écrits. Chez le Père Hulstaert par exemple, l'exceptionnel combat pour la langue vernaculaire africaine trouve son inspiration dans l'idéologie du mouvement nationaliste flamand fort en vogue dans les années de son éducation.
4.2. Le livret et le texte: contenu et langue
4.2.1. Discussions théoriques
Les conceptions théoriques sous-jacentes à la composition du livret scolaire sont intimement liées aux conceptions globales concernant l'enseignement colonial. Comme il y a une différence en systèmes de colonisation, il y aura en conséquence également une variété dans les options pour l'adaptation du livret scolaire à la situation africaine. D'autre part ce n'est qu'après la première guerre mondiale que commencent les véritables discussions sur les programmes et les livrets scolaires qui en sont l'expression. Au Congo, du côté protestant, c'est la Congo Missionary Conference de 1918 à Luebo qui discuta longuement du programme et des méthodes adaptées à la situation locale:"If we are going to take education work seriously we ought to know what the best teachers have to say on the art of teaching and adapt the best methods to Congo conditions" est le principe avancé par Thomas Powell . La Phelps Stokes' Fund Commission qui en 1920-1921 sillonnait l'Afrique de l'Est et l'Afrique Centrale, influencera fortement les discussions sur l'éducation dans les colonies anglaises et belges. L'International Review of Missions ouvre le débat en 1925 avec un texte de W.T. Balmer: Text-Books, A Study with an African Background . Il est indéniablement vrai que le lancement de l'International Committee of Christian Literature à la Conférence de 1926 de Het Zoute en Belgique a fortement contribué à la réflexion théorique et pratique concernant les caractéristiques des livrets scolaires . La revue Africa commence son premier numéro (1928) avec un manifeste sur les Text-Books for African schools. Suivront à intervalle regulièr d'importantes contributions de la main de R. Oliver, W.E. Ward, M. Wrong et C.M. Doke . Ward et Wrong résument leurs expériences dans un livre Africa and the making of books. Books for Africa apporte sa part de réflexion à partir de 1934 avec les contributions de J.G. Bardes et R. Young . De leur côté, les missionnaires catholiques se sont mis à réfléchir sur le système éducatif à mettre en place et sur la confection de livrets scolaires. Les responsables de l'Eglise Catholique au Congo avaient donné leurs directives dans les Instructions aux Missionnaires. En 1920 reflétant la réunion de 1919 ils prescrivent ce qui suit:
- (a) Instruction religieuse
Elle se trouvera toujours en tête du programme et les missionnaires lui donneront toujours la première place et la prépondérance (...) (b) Instruction profane Lecture, écriture, calcul(...) Pour développer cette instruction élémentaire, sans charger le programme, les missionnaires tâcheront de composer en langue indigène, pour les enfants de diverses écoles, des manuels simples et élémentaires: (a) d'histoire de l' Ancien et du Nouveau Testament; (b) d'histoire de l' Eglise de telle sorte qu'elle affermisse leur foi et les prémunisse contre les séduction de l'hérésie, qui est d'importation étrangère et souvent de tendance antinationale; (c) d'histoire et de géographie du Congo Belge; (d) de cosmographie et de géographie universelle; (e) de propreté et d'hygiène pratique pour eux, avec quelques notions de politesse et de bienséance, adaptées à leurs us et coutumes; (f) d'agriculture et d'élevage adapté aux conditions spéciales de chaque endroit, avec quelques notions sur des cultures utiles qui semblent pouvoir être introduites dans le pays.
Et d'autres petits livres aussi nombreux que possible dont la lecture pourrait contribuer aux mêmes buts" .
Les efforts des catholiques se sont mêlés avec ceux de l' Administration Coloniale qui a commencé après la guerre de 1914, sous l'impulsion du Ministre des Colonies , L.Franck, à organiser l'enseignement de la Colonie. Une commission ad hoc a préparé la Convention et le Programme de 1929. Toute cette littérature montre, à l'exclusion des colonies françaises et portugaises, une assez grande unité de pensée et d'action autour des axes suivants: enseignement en une langue africaine; africanité du contenu mais aussi ouverture au monde; insertion de l'enseignement dans le système colonial.
Langue de l'enseignement et du livret
Le principe de l'utilisation d'une langue africaine dans l'enseignement primaire n'est contesté ni par les Anglais, ni par les Belges. Au contraire il est mis en évidence et urgé par des personnalités de l'africanistique comme D. Westermann dans un plaidoyer séduisant y dénonce avec vigueur l'impérialisme de la pratique opposée quand il écrit: "Sometimes colonial governments try by all possible means to encourage the study of their home language and to suppress teaching in vernacular with the acknowledged hope of making the European language universal in that part of Africa" De fait au Congo Belge avant 1935 on publiait des livrets en plus de 47 langues. Dans un répertoire de 1934 nous voyons que les seuls Pères Scheutistes ont publié des livrets scolaires en une vingtaine de langues. Tout dépendait de l'attitude de principe que les auteurs ou leurs supérieurs ecclésiastiques prenaient dans le débat de la langue utilisée pour l'enseignement: français, lingua franca, langue régionale, langue locale. La politique du gouvernement exprimée dans les Conventions n'était pas rigoureuse et évoluait avec le temps. L'International African Institute de Londres essaie d'imposer pendant cette période son alphabet. Au Congo il n'a été que peu suivi. En 1943, Mgr E. De Boeck, le grand créateur du lingala scolaire, n'en avait encore entendu parler. Mais pire certains livrets utilisent un langage enfantin jusqu'au ridicule et probablement incompréhensible pour les élèves bien qu'en langue locale comme le Banto Ba Monde (Les hommes de ce monde) édité par les missionnaires de la Congo Balolo Mission. Il y a aussi de belles réussites d'utilisation d'un langue africaine dans un contexte nouveau et technique ou le haut niveau de la littérature traditionnelle orale a été respecté comme les produits de Gustaaf Hulstaert le prouvent (par exemple: Buku ea Mbaanda, 1935).
(2) Africanité et ouverture au monde
Les théoriciens du livret scolaire africain plaident évidemment pour que les caractéristiques de l'africanité y soient clairement reflétées. On devra puiser dans la littérature et la culture locale, on respectera les traditions et les sensibilités religieuses et morales traditionnelles. Même dans la religiosité traditionnelle on pourra encore puiser des valeurs éducatives en conformité avec le christianisme: "This will lead to better results than trying to eradicate the whole religious complex from the minds of the pupils and stamping out some of the finest elements in the african's heritage" . Le compositeur de livrets devra rester en contact avec les communautés africaines locales pour mieux cerner le point de vue de l'enfant. On devra même étudier quel type de caractères d'imprimerie convient le plus à l'enfant africain . D'autre part on ne pourra enfermer l'Africain dans sa seule culture. Avec l'avancement de sa formation il faut lui donner accès à la connaissance des cultures d'autres peuples. On devra adapter cette nouvelle information aux capacités de l'enfant africain. Cette ouverture sera plus mise en évidence et plus réalisée par les protestants que parle catholiques, au moins en ce qui concerne le Congo Belge. Les protestants peuvent dans ce but puiser dans de longues séries de publications (en anglais) spécialement préparées au niveau panafricain. Ils n'auront qu'à les traduire avec quelques adaptations locales. Quelques livrets de la Congo Balolo Mission me semblent particulièrement réussis dans cette perspective (Banto ba monde; Nsango ya Banto la belemo la nyama).
John Carrington plaide pour une adaptation en profondeur à la pédagogie bantoue quand il écrit: "I suggest that 'adaptation' to the African milieu is not simply a question of writing 'bananas' where a corresponding European problem has 'apples' or expecting Congo pupils to produce a composition on 'Making Pots' where their European counterparts are asked to write on 'How mother makes a Gooseberry Pie'. Adaptation must penetrate more deeply and reach methods and approach as well as materials. We ought to be trying to learn more about traditional African educational methods, and experimenting as to how these can be of use in our modern schools" . En théorie, on s'oppose au traductions et emprunts directs aux livrets occidentaux, mais dans la pratique on cède parfois à cette tentation de facilité. Mme C.P. Hedges des Disciples du Christ écrit dans la préface de son Bonkanda wa Mbaanda w'ecole (Livret scolaire de lecture): "Some of the selection, brought pleasure to us as children, we, with apologies to the authors, have tried to adapt and pass on to the jungle children". Des sujets modernes comme la mécanique, la médecine, la technologie y trouvent largement leur place.
(3) Insertion dans le système colonial
Quand les généreux et idéalistes pédagogues de Africa et Books for Africa se souciaient du respect de l'africanité des livrets, d'autres veillaient à ce que l'essentiel ne soit pas oublié: l'insertion de l'enfant dans le système socio-économique colonial. Ces 'autres', c'étaient les représentants de l' Administration Coloniale, les inspecteurs, les hauts responsables des Eglises chargés de l' organisation pratique des écoles. L'enseignement colonial devait former des sujets aptes à exécuter un certain nombre de fonctions subalternes. Un grand nombre de livrets se met pleinement au service de cette idée avec comme point de départ la propagation du concept paternaliste et absolu de l'autorité du Blanc, ensuite par la justification de la colonisation (progrès matériel et moral) et de ses méthodes (corvées, impôts, cultures obligatoires) , par l'incitation à s'insérer dans le système économique colonial (achat de bien de consommation, épargne, travail salarié). Mais il y a de la résistance chez certains auteurs contre cette option. En 1925 Balmer écrivait: "What passes as education is often indoctrination, inspired by devotion to a doctrine rather than to a disinterested ideal of full human growth" . G. Hulstaert critiquait sans relâche à partir de 1935, en termes parfois virulents, le système scolaire colonial au Congo Belge . Dans la pratique, peu de livrets échapperont aux servitudes imposées par l'Etat Colonial et en conséquence ils contiennent parfois d'incroyables incantations louangeuses aux autorités, rendant grâce pour les bienfaits de la colonisation. Un exemple typique en est le livret de Mme Hedges qui en 1924 (repris en 1948 et 1954) couvre 11 pages en 25 points pour remercier "L'Etat". Il n'est pas impossible que pour quelques cas précis des leçons toutes faites auraient été préparées par les fonctionnaires de l'Administration, comme celles concernant la famille royale, l'histoire du Congo, le drapeau belge, etc...Mais je n'ai pas pu trouver la documentation suffisante pour le prouver. Cependant les inspecteurs veillent. Un certain Mr Jardon en inspection dans les écoles des Pères de Scheut à Lisala écrit dans son rapport du 28 janvier 1928: "Les ouvrages classiques employés sont les livres édités par les RR. PP. de Scheut à l'usage de leurs écoles. Ils satisfont aux prescriptions" . D'autre part ces prescriptions détaillées prévues dans les programmes officiellement imposés sont suffisamment claires pour expliquer la conformité verbale dans différents livrets de la colonie belge en ce qui concerne la portée politique des leçons. Accentuer la lutte antiesclavagiste de Léopold II et justifier ainsi les fardeaux de la colonisation constitue une constante dans ces documents (1924/29 et 1948/52.) Ainsi nous lisons dans la Convention avec l'enseignement catholique au Congo de 1952: "Dans la matière d'histoire, il convient d'insister sur l'histoire du Congo et de diverses régions qui le composent. Cette histoire doit être strictement objective et tendre à fortifier le loyalisme des indigènes vis-à-vis de la Belgique. Il importe que les jeunes générations qui ont naturellement tendance à ressentir avant tout les difficultés économiques sans pouvoir se remémorer directement les horreurs de la traite, soient mises à même, par le manuel d'histoire, de faire toute comparaison utile. Il va sans dire que l'enseignement de l'histoire doit tenir compte du progrès de la civilisation et de la part directe qu'y ont prise les autorités civiles et les missions religieuses .
4.2.2 Évolution des textes
Pendant les premières décennies, les responsables de l'enseignement limitaient leur matériel éducatif à un seul livret englobant tous les aspects de l'éducation scolaire. Avec le temps ils essayeront de constituer toute la gamme nécessaire pour le programme entier de l'école primaire. Ainsi se forment des 'Collections' comme celles des Frères Maristes, des Frères des Ecoles Chrétiennes etc. Du livret de grammaire au livret de calcul on y trouve un même concept pédagogique et souvent le même auteur. On peut aussi découvrir plusieurs ramifications d'un livret 'ancêtre' à travers des rééditions, dans d'autres groupes religieux, à travers des traductions et des adaptations à des nouvelles méthodes. Il est extrêmement intéressant de déceler les variantes qu'ont été introduites ainsi par des auteurs différents. Un exemple éclairant est la relation entre le Bokanda wa Baoci b'anto (1925) de R. Mathers et Banto ba monde de Carpenter (1929). L'ancien livret de lecture du début était souvent scindé en deux ou trois volumes. La plupart des textes originels étaient alors conservés avec des nouveaux apports. Hulstaert écrivait à ce propos à Vesters concernant le livret de géographie :"Le livret de Géographie des Frères Maristes, retravaillé par les Pères de Mill Hill et corrigé par moi" Une leçon sur "Les affaires du Congo" (Mpo ya Kongo) a fonctionné dans les livrets de lecture des écoles des Pères de Scheut de Nouvel Anvers/ Lisala entre 1904 et 1959. Moyennant ce texte on peut suivre et l'évolution du lingala et l'évolution des idées concernant la colonisation et la représentation de son histoire. Par exemple le récit sur la traite par les arabes subit des changements importants et prend de moins en moins d'ampleur en perdant progressivement certaines formes d'expression véhémentes. Il y a des livrets pionniers comme celui cité ci-dessus qui durant plus de 5O ans a été réimprimé, retravaillé et dont les leçons ont été , avec changements , reprises par d'autres auteurs. A part certaines adaptations dans le style et le vocabulaire, des changements remarquables ont été introduits dans ces textes simples, enregistrant ainsi des changements dans la situation de la colonisation elle-même. Entre 1908 et 1920, le même livret ici cité présente les Blancs arrivés au Congo comme appartenant à deux classes: les missionnaires et les agents de l'administration. En 1932, un seul mot est intercalé dans la phrase et cela devient :"Les missionnaires, les agents des compagnies commerciales et les agents de l'Etat". Ainsi la structure de base de la société coloniale belge est clairement enseignée . Dans les livrets des mêmes Pères de Scheut, on commence au courant des années 50, à parler de la complémentarité à un niveau d'égalité entre Noirs et Blancs, s'alignant ainsi à la politique officielle de la 'Communauté Belgo-Congolaise'.
4.3. Environnement littéraire du livret scolaire
Les éducateurs avaient le soucis de ne pas laisser se perdre les résultats de leurs efforts. Un peu partout au Congo, on éditait des périodiques d'information générale avec un fort composant religieux, principalement en langues locales, pour donner à la fois un appui à l'effort scolaire et pour assurer une éducation permanente aux enseignants et anciens élèves. La revue des Disciples du Christ à Coquilhatville, Ekim'ea Nsango (1913-1960), est presque exclusivement orientée vers les enseignants de leurs écoles. Des leçons 'modèles' entières y sont reproduites, des extraits de livrets scolaires sont cités et commentés. Ce sont les auteurs mêmes des livrets scolaires qui en sont les rédacteurs et les collaborateurs . Dans la même Coquilhatville nous trouvons du côté catholique la même méthode sous une succession de titres divers: Le Coq Chante, Etsiko, Lokole Lokiso . A Lisala Lokasa la bisu, au Kasai Nkuruse (Tshiluba et Otetela)remplissent une fonction similiare . A Lisala encore les Pères de Scheut engagés dans l'enseignement lancent deux périodiques sous la rédaction de M. Schrurs: un pour la discussion entre eux des problèmes scolaires (Periodicum Sancti Canisii, 1931-1938) et un autre spécifiquement destiné aux enseignants( Lokasa la bateyi (1931-1937). Dans le Kwango on publiait Longete (Enseignez) à partir de 1934 et à Kisangani paraissait depuis 1901 Ntetembo eto. Paul Ngoi ancien enseignant à Bokuma finira sa carrière en tant que rédacteur en chef de Lokole Lokiso (édité à Coquilhatville 1956-1962) et publiait environ 350 articles. Marc Njoji, enseignant à Bolenge remplira des dizaines de pages dans Ekim'ea Nsango. Les centaines de lettres envoyées à la rédaction de ces revues proviennent principalement des enseignants. Cette lecture permet de mesurer l'impact des idées et connaissances véhiculées dans le cadre de l'école . Les auteurs missionnaires s'expliquent parfois sur leurs activités scolaires dans les revues de propagande missionnaire publiées dans leurs pays d'origine. On y découvre l'arrière fond idéologique, les conceptions particulières sur la colonisation, sur l'enseignement, l'éducabilité des Noirs etc. Le Père Octaaf Van Hullebusch, auteur de multiples livrets en lingala entre 1920 et 1950 a publié dans une revue pédagogique professionnelle flamande toute une série de considérations pédagogiques . Maurits Schrurs publie en 1958 un article sur les méthodes du développement de l'intelligence chez l'écolier noir .Le Frère Bernardin , le Père Hulstaert , le Frère Gabriel , A. De Clercq , le Père Frans Maes , plusieurs missionnaires protestants comme Carpenter étaient des fructueux publicistes dans des périodiques scientifiques ou de vulgarisation.
4.4. Sitz im Leben
Récréer la situation dans laquelle le livret a fonctionné est essentiel pour la compréhension de l'impact qu'il a pu avoir sur les personnes et les groupes. Les gens qui ont vécu ou observé le phénomène de l'école coloniale deviennent de plus en plus rares. Mais il y a un certain nombre de moyens qui peuvent nous aider dans la reconstruction historique de l'école coloniale. Le cadre géographique précis de l'école de brousse, où l'élève est assis sur un tronc d'arbre, ou un beau bâtiment bien équipé du poste de mission ou une école dans une grande ville, sont des réalités bien différentes . Le nombre de tirages successifs d'un livret, les inventaires d'écoles, peuvent nous aider à découvrir si les livrets étaient distribués à tous les élèves ou si seul le maître en disposait. Pendant la période coloniale un grand nombre d'enseignants n'était pas formé dans des écoles pédagogiques. Ils n'avaient donc pas appris à utiliser les livrets en tant qu'enseignants. Les rapports d'inspection nous renseignent souvent sur les modalités réelles d'utilisation du livret en classe. La méthode de la mémorisation des textes encore largement en usage partout, même en Occident, était un élément essentiel dans la pédagogie de brousse, et souvent la seule méthode que les enseignants étaient capables d'appliquer avec succès. Cela explique le fait que les adultes d'aujourd'hui citent encore des leçons entières de leur livret scolaire. Ensuite il est indiqué de considérer un livret dans l'ensemble des autres livrets utilisés dans une même école et pendant le programme global parcouru par l'enfant. On constate que parfois dans une même école des livrets de provenance très variée et de tendances idéologiques contradictoires sont utilisées. Ainsi le livret de lecture en lomongo de 1935, très 'indigéniste' se trouve en concurrence avec une 'Histoire Sainte' (1937) qui introduit une leçon présentant les peuples vivant au Congo avant Léopold II comme étant 'sauvages et méchants' . Mesurer l'impact du livret scolaire colonial sur la vie d'une personne demanderait une large enquête, intensive et judicieuse. A ma connaissance cela n'a jamais été réalisé . On pourra y remédier par un usage sélectif des 'Récits de vie' ou autobiographies d'anciens élèves. Il est plus que probable que Mobutu pendant son école primaire à Lisala et à Kinshasa a eu en main le livret de lecture Mambi ma botangi ndenge na ndenge, édité à Nouvelle Anvers en 1932, livret qui ouvre avec la phrase: "Bokonji bonso bouti o mboka Nzambe" (Toute autorité vient de Dieu). Dans la toute dernière interview de sa vie accordée peu avant sa fuite du pays, il déclarait: "Once again, Madame, I come back to the Bible, which says, all autority comes from God" .
5.APPROCHE HERMÉNEUTIQUE
La reconnaissance des forces en présence dans la composition d'un livret scolaire en complément de celles qui se libèrent quand le texte est utilisé, constitue la voie et le but de la recherche sur les livrets scolaires coloniaux.
5.1. Problèmes sémantiques
Le livret scolaire colonial était écrit principalement en une langue africaine. L'utilisation de ces langues à peine mises par écrit et mal maîtrisées par les auteurs des livrets pose plusieurs problèmes spécifiques d'interprétation et de traduction. Le chercheur qui veut travailler avec ces livrets doit donc ou bien maîtriser la langue ou bien disposer d'une traduction. Pour le traducteur les problèmes qui se posent sont ceux de la spécificité de la langue utilisée. Souvent la langue était enfantine, les premiers missionnaires ayant appris la langue principalement par les enfants, ou bien elle est archaïque quand des textes de la tradition orale ont été utilisés en notation directe. Il faut donc commencer à décoder le langage tout en traduisant. L'utilisation d'une lingua franca à la place d'une langue vernaculaire pose autant de problèmes pour la compréhension et interprétation correcte du texte. Ce genre de langues était rarement utilisées par l'élève et pour certains elle était totalement étrangère. De l'autre côte, souvent cette lingua franca était en pleine formation et à une distance de quelques décennies a pu changer de manière notable. Donc partant de la forme actuelle de cette langue on n'a pas de garanti d'un accès correct au texte. On aura donc a restaurer la langue dans sa forme correspondant à celui du livret. Le traducteur devra également être conscient des variantes dialectales utilisées dans les livrets d'un même groupe linguistique. Souvent les missionnaires supprimaient dans la littérature traditionnelle des éléments qui ne s'accordaient pas avec le christianisme (polygamie, anthropophagie etc...) ce qui altère profondément le sens du texte. Qu'ont compris effectivement les élèves d'une fable à laquelle a été collée une conclusion morale n'accordant pas avec la signification traditionnelle du texte ?
5.2. Périodisation
L'option idéologique à la base du livret est celle du colonialisme: le droit à et la justification de l'occupation étrangère. Mais cette idéologie a bien évolué avec le temps, allant d'un droit à l'expansion du pays occidental, passant par le paternalisme et finissant par le concept de partnership avec la métropole. Le livret scolaire colonial est toujour situé dans l'un de ces stades. Dans le cas où l'enseignement est dominé par les églises il est également important de déceler les périodes dans le développement du concept de l'évangélisation même ainsi que des évolutions dogmatiques dans l'église concernée. Un autre terrain où s'applique le problème de la reconnaissance des différentes périodes est celui des théories pédagogiques et la différences entre les traditions scolaires anglosaxone, française, allemande et scandinave. Le fonctionnement de l'école à l'intérieur de la société coloniale a connu également plusieurs périodes bien distinctes, partant d'un but exclusivement religieux, passant par un utilitarisme pratique et culminant dans l'idéaliste émancipation d'une élite. Savoir définir les caractéristiques de ces périodes et les reconnaître dans le texte et le contexte est primordial pour une correcte interprétation du livret scolaire. Van der Walt avance le concept de la double vue sur le fait éducatif colonial . La 'courte vue' qui interprète le texte dans son contexte historique propre et immédiat, préviendra le chercheur d'une 'Hineininterpretation' et d'un télescopage qui empêchent de voir les vrais contours et les dimensions exactes du paysage éducatif. Une même phrase écrite dans un livret en 1935 n'a pas nécessairement la même signification et le même effet que quand elle est utilisée en 1998. La 'longue vue' est celle qui effectivement regarde les textes et les faits d'un passé précis, à partir des concepts et connaissances d'aujourd'hui. Cette vue à longue distance permettra d'élargir et d'approfondir le fait historique en y reconnaissant des dimensions bien présentes mais pas encore perçues par le contemporain. Les deux 'vues' sont à séparer dans l'analyse mais à unir dans l'interprétation globale.
5.3. Globalisation documentaire
L'étude scientifique du manuel scolaire demande la constitution d'une documentation globale qui a comme centre le livret et sa traduction. La critique textuelle qui nous mènera souvent à reconnaître des composantes d'origine variée, nous obligera en conséquence de documenter et de restituer ces différentes composantes dans leur expression documentaire originale pour ensuite en fixer les changements formels avec leurs arrière fond idéologique éventuel. Dans son application à l'Afrique coloniale, l'apport textuel, bien que fragmentaire, d'origine métropolitaine, exigera une connaissance des livrets scolaires occidentaux contemporains. C'est ainsi qu'une étude comparative s'impose. Tout cela demande des recherches bien ardues et de longue haleine. J'estime de 3 à 5 ans, la période à prévoir pour rassembler une documentation satisfaisante en vue d'une étude valable.
5.4. Influences extérieures
Les influences extérieures sur le système éducatif en Afrique Noire pendant la colonisation ne sont pas à négliger. On en retrouvera directement ou indirectement le reflet dans le livret. Les deux Phelps Stokes Fund enquêtes (1920-1921 et 1924) qui couvraient la plus grande partie de l' Afrique subsaharienne ont eu une influence considérable . Devant la forte influence des missions chrétiennes sur l'enseignement, à différentes époques, des réactions se sont fait jour, réclamant la laïcisation de l'enseignement et dans son contenu et dans ses structures. Il est évident que les livrets qui dans les mains des missionnaires avaient une couleur très religieuse se présenteront bien différemment entre les mains des 'laïcs'. Pour le Congo Belge cette période commence après 1945 et atteint son sommet entre 1954 et 1960. Avec l'émergence d'une élite, la propagation de la politique d'assimilation comme philosophie coloniale, et l'exigence d'équivalence entre le programme scolaire colonial et métropolitain, entraînera d'importantes modifications dans les programmes et par conséquent dans les livrets scolaires qui en même temps s'adaptent à la modernité occidentale. Les options de la politique coloniale -direct ou indirect rule , indigénisme ou assimilationisme - s'expriment dans les livrets, les premiers par la part considérable donnée aux valeurs traditionnelles, le deuxième par la glorification exclusive de la mère patrie. Il est nécessaire de pouvoir situer le manuel dans ce schème .
5.5 Autorité du texte
Il y a bien une spécificité africaine dans la question de l'autorité du texte scolaire. Toute l'importance que revêt la parole écrite est répercutée à plus forte raison sur le texte scolaire, par ailleurs souvent renforcé par le caractère sacré du texte biblique ou coranique abondamment utilisé dans les écoles coloniales. L'autorité du texte scolaire est mise en évidence par son caractère de véhicule d'un savoir nouveau, à caractère ésotérique. Le livret scolaire introduit l'enfant en quelque sorte dans le secret des Blancs et d'autant mieux qu'il saura maîtriser, sinon capturer le texte par la mémorisation pour l'amener à prendre part à cette vie nouvelle. C'était souvent le seul livre qu'une personne aura en main durant sa vie entière. On remarque cette influence dans les écrits des 'évolués' du temps colonial et des lettrés de nos jours quand ils utilisent des expressions parfois littérales de leurs livrets scolaires. Miroir de la pensée coloniale, instrument de la colonisation de l'esprit, mais au même moment la voie qui menait aux temps modernes, le livret scolaire colonial a joué un rôle capital dans la construction de l'Afrique d'aujourd'hui.
BIBLIOGRAPHIE
La bibliographie suivante ne vise que les catalogues et dépôts, à l'exclusion de la composition et l'analyse des manuels scolaires coloniaux et de l'histoire générale de la scolarisation en Afrique Coloniale
AFRICA (Londres), 1932-1972, Bibliography, Vernacular Books. Pendant 40 ans, le périodique bien connu avait une rubrique spéciale parfois très étoffée, pour signaler les manuels scolaires et religieux édités en langues africaines. Cette collection est conservée dans la Bibliothèque de la SOAS à Londres et cataloguée (voir Mann M. et Sanders V.) AFRICAN STUDIES PROGRAM, An African Languages and Literature Collection, Indiana University Libraries, Bloomington, African Studies Program, 1994. Cette bibliographie signale les publications effectivement présentes dans la Bibliothèque à Bloomington, Indiana. De fait y sont insérés des livres (grammaires et dictionnaires) qui traitent des langues africaines. La bibliothèque dispose de plusieurs centaines de manuels africains coloniaux. ANONYME, A Survey of Literature in African Languages, Books for Africa, January 1939,4-12 En 1937, une enquête organisée par la revue signalait l'existence de 5159 livrets en langues africaines. L'article mentionné ici donne une vue globale sur la production entre 1928 et 1938. ANONYME, Inventaris van school en kerkboeken uitgegeven in het lonkundo in het gebied van het huidige aartsbisdom Mbandaka-Bikoro - Zaire, Borgerhout, september 1994, 7 pages (H. Vinck) Cet inventaire décrit une centaine de manuels scolaires et d'église conservés dans les archives d'une congrégation catholique missionnaire belge. ANONYME, L'activité littéraire des missionnaires, in: Missions de Scheut 38(1930)135-161 On y signale la production littéraire globale des missionnaires de Scheut (Chine et Congo-belge) mais une bonne partie y est dédié au publications scolaires pour le Congo. ANONYME, Liste des ouvrages édités en congolais par les Missionnaires de Scheut de décembre 1919 à janvier 1922, Missions de Scheut 30(1922) Plusieurs dizaines de titres publiés par le membres de la congrégation de Scheut, avec mention du tirage. ANONYME, Ouvrages publiés par les Missionnaires d'Afrique, Le Mouvement antiesclavagiste 25(1913)249-252 ANONYME, Preliminary Guide to Black Materials in the Disciples of Christ Historical Society, Nashville 1971, 32 pages. Cette église protestante était présente au Congo Belge depuis 1899 et au Ghana. Une bonne partie de leurs archives contiennent des manuels scolaires en lomongo (Guthrie, C 61) BADE DAVID W., Books in African Languages in the Melville J. Herskovits Library of African Studies, Northwestern University, A Catalogue, Pas Working Papers Series n° 8 C'est un travail absolument impressionnant. On y trouve trois indices : Short Title Index, Name Index (auteurs), Index of Languages'Name, Index of Languages by Country. L'auteur renvoie aux livres également signalés dans M. Mann et V. Sanders, A Bibliography of African Language Texts in the School of Oriental and African Studies, University of London, to 1963, H. Zell, Publishers, London 1994 Après une prise de connaissance rapide les constats suivants s'imposent: Il y a très peu de materiaux anciens, c.à.d. d'avant les Indépendances. J'estime à 95% les livres de provenance d'un pays africain appartenant à la sphère anglophone ; environ 70% sont de caractère religieux et une grande majorité des textes mentionnés sont liés à des églises protestantes, principalement ceux d'avant les Indépendances. Par exemple des 115 titres en lingala, 4 seulement s'appliquent à la catégorie de manuels scolaires BIBLIOGRAPHIA AFRICANA dans Afer (Rome) 1932-1940 Comme dans Africa et books for Africa, la revue mentionnée signalait les publications scolaires
catholiques en langues africaines BOOKS FOR AFRICA (Londres) 1930-1960 Books for Africa est une edition de l' African Christian Literature Committee de Londres. Des centaines de livres scolaires et de lecture générale ont été repertories ici pendant 30 ans (1030-1960) CARPENTER, G.W. Leco, dans Books for Africa , July 1954, p. 43-44; Leco est la maison d'édition des Missions Protestantes au Congo Belge, établie à Léopoldville (Kinshasa) CORMAN A., Annuaire des Missions Catholiques au Congo Beige, Edition Universelle, Bruxelles 1924 et 1935 DARGITZ Robert E., A Selected Bibliography of Books and Articles in the Disciples of Christ Research Library in Mbandaka and the Department of Africa and Jamaica of the United Christian Missionary Society in Indianapolis, Indiana, s.d.(1968?) p.387-405 Le catalogue donne la situation en 1968. De fait à Mbandaka, peu sont les documents encore effectivement présents en ce moment et ceux d'Indianapolis sont transférés à Nashville. La plupart des éditions scolaires des Disciples of Christ Congo Mission y sont mentionnée. DE ROP,A. Bibliographie over de Mongo, Académie Royale des Sciences Coloniales, NS VIII-2, Bruxelles 1956 Cette très complète bibliographie donne les titres, le tirage, et identifie des auteurs des manuels scolaires en lomongo et langues apparentées. Plusieurs centaines de titres. DOKE C. M., A Preliminary Investigation into the State of Native Languages of South African Literature, Bantu Studies 7(1933)1-98 DOKE, C. M. Vernacular Text-books in South African Native Schools, Africa (London) 8(1935)183-209 DUBOIS H., Le répertoire africain, Rome 1932, p. 387-394 Les pages 387-394 sont consacrées aux manuels scolaires africains. Il s'agit de fait des publications éditées et imprimées par les Sœurs de S. Pierre Claver à Rome. Cette collection est maintenant conservée dans la Bibliothèque du Pontificia Università Urbaniana à Rome. GROOTAERTS W.A. AND D, VAN COILLIE, Proeve eener bibliographie van de missionarissen van Scheut, (Bijvoegsel aan Kerk en Missie 19(1939) Cette publication qui a encore reçu un petit complément quelques années plus tard (et qui est continué par une publication informelle : " Scripta confratrum ", mentionne plusieurs centaines de titres et identifie parfois des éditions anonymes. HULSTAERT G., Bibliographie van het lonkundo-lomongo, Congo 18(1937)I,533-555. Reprise et complétée par A. De Rop. KERVYN Ed,, Les Missions Catholiques du Congo Belge, La Revue Congolaise, 1912, p.301-305 Catalogue des publications des Missions Belges exposées à l' Exposition Coloniale de 1910 à Tervuren. KLITGAARD S.A., Educational Books in West, Central and East Africa, G. Harrap, London, p.24-27 LE BOUL P. ET KADIONDO MBELO, Bibliographie des manuels scolaires en usage en République du Zaire (1972-1977), Celta, Collection Textes et Documents, Université de Lubumbashi, 1977 Cette bibliographie se situe strictement parlant hors de notre cadre, mais plusieurs manuels encore en usage en 1977 provenaient directement ou indirectement de la période coloniale. MANN M. ET SANDERS V., A Bibliography of African Language Texts in the Collection of the School of Oriental and African Studies of London to 1963, H. Zell, London 1994 C'est une œuvre majeure qui signale les 8.300 unités en 30 langues africaines sont cataloguées conservées dans la bibliothèque de la SOAS. Plusieurs index complètent le travail. MIONI A., Bibliographie de la langue Swahili, Cahiers d'Etudes Africaines no 27,1967,3, 485-532 L'auteur complète la Bibliographie Swahili de M. Van Spaandonck. Il signale plusieurs centaines de titres. OGREN B.A., The Leco Press, Congo Mission News, July 1952, p.47-52 OVERSEA EDUCATION, 1946 et suivantes. Comme Africa et Books for Africa, cette revue mentionne systématiquement les manuels scolaires en usage dans la Colonies britanniques et publiés par l'East African Literature Bureau, le Bureau of Ghana Literature, le Southern Rhodesia Literature Bureau et le Publication Bureau Soudan. PERES BLANCS, Publications en langues africaines, Société des Pères Blancs Maison Carrée, Alger 1932,16 p Une liste très complète, par pays et langue, des publications d'église et d'école, en langues utilisées dans les missions des Missionnaires d' Afrique (" Pères Blancs "). Publications principalement en kinyarwanda et en kiswahili. RENSON, Manuels, livres de prière, catéchismes, Ecritures Saintes, édités par les Missionnaires de Scheut et conservés dans leurs archives à Rome, 1994, 23 pages manuscrit SÖDERBERG B. ET WILDMAN R., Publications en kikongo. Bibliographie relative aux contributions suédoises entre 1885 et 1970, Institut Scandinave d' Etudes Africaines, Uppsala 1978, 63 pages STARR F. A Bibliography of Congo Languages, The University of Chicago Press, Chicago, 1908, 97 pages. Une bibliographie d'exceptionnelle qualité. Mentionne des centaine de livres scolaires et religieux en usage au Congo léopoldien. Un index des langues. Peut-être que la collection existe encore à l' Université de Chicago parmi les papiers Starr. STREIT R. - DINDINGER J., Bibliotheca Missionum, Herder, Freiburg, 1953-54, Volumes 18 à 20. Les manuels scolaires y sont mentionnés sous le nom de leur auteurs et les anonymes dans une section à part pour chaque Congrégation missionnaire. Données parfois incomplètes, mais très bien pour la bibliographie complémentaire des auteurs. Mentionne des centaines de titres sur une période de 1850 à 1950 UNIVERSITY OF RHODESIA LIBRARY, Catalogue of the C. M. Doke Collection of African Languages of the University of Rhodesia, Hall, Boston, 1972. VERBEEK A., Les Salésiens de l' Afrique Centrale. Bibliographie 1911-1980. Les manuels scolaires édités par les Salésiens sont mentionnés aux pages 113-118 VINCK H., Ancien imprimés en lingala, Annales Aequatoria 13(1992)491-497 Liste sélectionnée de Starr, reprennant les erreurs d'identification des langues utilisées. VINCK H., Catalogue des archives. Bibliothèque Aequatoria. Livrets en langues africaines, Bamanya 1993, p. 17-45 Les Archives Aequatoria possèdent 650 livrets scolaires et d'église en 35 langues de l' Afrique Centrale. La collection est complète pour les éditions catholique en lomongo. Plusieurs extrats seront bientôt sur le web :
http://www.abbol.com/
VINCK H., Inventaris van school en kerkboeken uitgegeven in het lonkundo in het gebied van het huidige Aartsbisdom Mbandaka-Bikoro, bewaard in het MSC archief te Borgerhout, 1994, 7 pages (manuscript) VINCK H., Manuels scolaires coloniaux: Un Florilège 1998, Annales Aequatoria 19(1998)3-166
Extraits de 30 livrets scolaires coloniaux, principalement de la région ouest du Congo, ordonnés
selon les thèmes : Histoire du Congo-belge ; Autorité ; Les Habitants ; Le Christianisme ; Longue
bibliographie et fiches techniques de 30 manuels. http://www.abbol.com/ WOODWARD A., ELLIOT DAVID L. ET NAGEL K.C., Textbooks in School and Society An annotated Bibliography, Garland, New York and London, 1988 YATES B., Knowledge Brokers. Books and Publishers in early Colonial Zaire, History in Africa, 14(1987)311-340 L'auteur y mentionne les imprimeries, maisons d'édition et leurs productions dans le Congo léopoldien.
Honoré Vinck, Bamanya 27 août, 23 décembre 1997 et 22 janvier 1998; Lovenjoel, 26 janvier 2001
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