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thèmes > biographies et bibliographies coloniales > bibliographies de langues et de groupes ethniques > À propos de la "Bantouisation" culturelle en République Démocratique du Congo | ||||||||
À propos de la "Bantouisation" culturelle en République Démocratique du Congo / par Roger Kamanda KolaPublié dans Annales Æquatoria 21(2000)9-18 En 1997, Ndaywel è Nziem, éminent historien congolais, publiait son ouvrage intitulé : Histoire du Zaïre. De l’héritage ancien à l’âge contemporain. Une année plus tard, paraissait une nouvelle édition de l’ouvrage sous le titre de : Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la République Démocratique du Congo. Comme on peut le constater, il suffit de remplacer Zaïre par Congo(1) et de signaler dans le sous titre que le pays vient encore d’être rebaptisé pour en avoir le cœur net. Beaucoup de gens, malheureusement, pensent de la sorte dans ce pays. Mais, ce qui est étonnant est que notre historien ne se prononce plus sur la manière unilatérale de rebaptiser ce pays. N’est-ce pas là une façon curieuse de rompre avec un passé récent «très négativement» chargé? Dans la deuxième édition de l’ouvrage, des corrections heureuses, mais de façade ont été apportées. Quelques images y ont aussi fait leur apparition ainsi que quelques allusions faites au nouveau maître des lieux. Toutefois, le fond de l’ouvrage est resté à notre avis le même. Nous pensons qu’une troisième édition s’imposera. Nul ne peut douter de l’objectif visé par la publication précoce de la deuxième édition de cet ouvrage. On aurait cru avoir à faire à une chronique des événements politiques du Congo (RD), s’il n’y avait pas de chapitres consacrés au passé colonial et précolonial de ce pays. Un recul suffisant aurait gagné davantage en intérêt, même si l’œuvre de Ndaywel est une première du genre dans le contexte congolais. L’auteur présente une synthèse de connaissances générales sur l’histoire du Congo dont le volume, 918 pages (1ère édition), est à l’image des dimensions du pays. Une histoire zaïroise du Zaïre, dit-il, qui entend être une lecture du « dedans », rigoureuse mais édifiante, des faits et des événements dont cet espace a été le théâtre (Ndaywel, 1997 : 21). Cette histoire « nationale », a une visée nationaliste et entend rendre compte surtout des éléments convergents qui sous-tendent la nation congolaise. L’auteur opte d’emblée pour la notion de «peuple congolais», celle-ci ne retenant, dit-il, « des populations zaïroises » que leur aspect des « fondements » de la réalité contemporaine qu’est le Zaïre » (Ibidem : 22). C’est donc volontairement que l’auteur écarte de son ouvrage les données qu’il juge non compatibles avec son objectif. Son intention est de construire une synthèse dynamique de l’histoire nationale du Congo. Il s’agit de saisir « l’histoire des Zaïrois » ou plus exactement la « mémoire des peuples du Zaïre » pour en faire le matériau de l’élaboration du futur de ces peuples : « (…) apprivoiser [la] superstructure [qui coiffe les populations zaïroises], l’arracher à l’extraversion qui l’a sécrétée, lui donner un contour qui corresponde aux données réelles du terrain, en faire un instrument de promotion (…) » (Ibidem : 30). Le but poursuivi est louable et peut représenter une entreprise intéressante pour une jeune nation, dont l’identité est encore fragile. Le raisonnement utilisé pour assurer cette entreprise offre pourtant un aspect surprenant et n’est pas à l’abri des critiques. Nous n’avons pas l’intention de porter un jugement de valeur sur l’œuvre de Ndaywel, qui vaut ce qu’elle vaut. Mais, nous estimons qu’une œuvre d’une ampleur comparable à celle de l’auteur doit être correctement lue. Ainsi, nous avons le devoir de permettre au lecteur de bien lire cet ouvrage. C’est l’unique moyen d’évacuer la confusion que certains scientifiques ont semée et continuent de semer dans l’esprit des gens autour du terme « bantu ». Notre propos sera principalement axé sur un point que nous estimons capital dans l’ouvrage de Ndaywel : l’unité nationale du Congo. Selon cet auteur, deux événements majeurs ont concouru à l’émergence d’une « nation congolaise » : l’avènement de l’état colonial et la « bantouisation » démographique et culturelle de l’espace congolais. Le point de vue de l’auteur concernant la « bantouisation » culturelle du Congo n’a, à notre avis, ni objectivité descriptive ni fondement scientifique. 1.1. Arrivée des BantousEn ce qui concerne le premier, l’auteur estime que l’arrivée des populations dites bantoues sur l’espace congolais a eu comme conséquence la «bantouisation» démographique et culturelle de la région. Le contact des Bantous avec la couche autochtone constituée de Pygmées d’abord et ensuite, celui des Bantous avec des populations soudanaises et nilotiques venues des régions de Darfur et de Kordofan pour les premières ainsi que des plateaux d’Ethiopie pour les secondes, créèrent des brassages et des métissages qui seraient, selon Ndaywel, à l’origine de groupes «soudanais bantouisés» (Ngbandi, Ngbaka, Zande, Mangbetu, etc.) et «nilotiques bantouisés» (Alur). Il conclut donc qu’: «(…) avec l’arrivée des Bantu, il faut le constater, la trame culturelle du pays s’est trouvée esquissée de manière décisive; une part du destin du pays était du même coup déterminée. (…) après avoir perçu d’abord le peuplement comme un phénomène géographique et démographique, de la considérer à nouveau en tant que phénomène culturel dynamique» (Ibidem : 50). Selon cet auteur donc : «(…) la prédominance Bantu sur cet espace est un fait indéniable, malgré les greffes culturelles d’origine soudanaise et nilotique. Celles-ci sont plus tardives et n’ont réussi qu’à produire une poignée de sociétés ethniques plutôt hybrides, puisant leur fondement aussi bien dans la culture bantu que dans leurs cultures d’origine (…). Il n’existe au Zaïre que des sociétés bantu-soudanaises (Ngbaka, Ngbandi, Zande), et bantu-nilotique (Alur). Il n’y a pas de Soudanais et de Nilotiques purs (2)» (Ibidem : 254). 1.2. ColonisationQuant à l’importance du fait colonial, Ndaywel le souligne justement en montrant qu’avec la colonisation (colonisation commerciale XVIIIe - XIXe siècles et politique XIXe - début XXe siècles), une nouvelle répartition de l’espace fut imposée. «Après s’être retrouvées regroupées en zones commerciales, les populations zaïroises découvrirent l’existence d’une superstructure qui les coiffait et dont la consistance ne fit que croître : ‘Etat Indépendant du Congo’, ‘Congo-Belge’ » (Ibidem : 30). Et il ajoute curieusement qu’ «On se rappellera que c’est l’ethnographie linguistique qui révéla aux Africains leurs identités inter ethniques de «bantu», «soudanais» et «nilotiques». Si le concept de «semi-bantu» n’avait pas été combattu, il aurait constitué une autre identification interethnique» (Ibidem : 463). Les différentes étapes du raisonnement que nous résumons ci-dessus appellent les commentaires qui suivent. 2. Concept linguistique de «bantu»C’est vers 1850 que W. Bleek apporte des éléments qui permettent la comparaison des langues qu’il propose d’appeler «bantu». Ce terme, on ne le répétera jamais assez, est un terme diachronique et il est exclusivement linguistique. «Bantu» ne renseigne pas exactement sur la structure des langues auxquelles ce mot s’applique. Il s’agit de structures synchroniques comparables et qui peuvent être rattachées diachroniquement à une langue hypothétique qu’on a proposé d’appeler «proto-bantu». Actuellement, il n’existe aucun mot, aucun radical qui soient communs à toutes les langues dites bantoues. Ces langues n’ont pas non plus toutes le radical *-ntù pour dire «personne humaine». Par exemple :
Il est clair que «bantu» est utilisé en linguistique comme un terme de référence dont le contenu ne réfère qu’à la langue. Ce terme n’a pas de sens philosophique ou culturel et, moins encore, de sens politique. Son usage abusif se trouve à l’origine de très nombreux malentendus. Les linguistes sont actuellement certains, grâce à des études comparatives, de la parenté historique des langues dites bantoues. Mais ils ne peuvent se prononcer avec certitude sur l’identité des peuples qui utilisaient ces langues plusieurs siècles avant qu’on ne commence à les décrire. Une unité linguistique ancienne est donc reconnue, mais il est impossible d’y faire correspondre une population clairement définie. Pour pouvoir relier le proto-bantu à une population ayant vécu à une certaine époque et dans un lieu déterminé, il faut interroger non les linguistes et encore moins les historiens, mais les archéologues et encore, ne peut-on le faire qu’avec la plus extrême prudence. A vrai dire, l’histoire des langues est une chose, celle des populations en est une autre. Ainsi doit-on se demander le sens exact que l’on doit attribuer à des notions comme «l’arrivée des Bantous», «les populations pygmées autochtones», «les greffes culturelles» plus tardives d’origine soudanaise et nilotique, ou l’espace géographique originel qu’une pseudo-science accorde à ces groupes linguistiques. Aucune de ces thèses n’est scientifiquement établie, pas même celle qui ferait correspondre l’expansion linguistique bantoue à une migration massive accompagnée d’un peuplement. Enfin, puisque l’expansion des langues est, elle, un fait incontestable, ne faut-il pas la replacer dans l’époque historique où elle a très probablement eu lieu, c’est-à-dire il y a environ trois mille ans. Que peut avoir à faire un fait historique aussi éloigné avec l’émergence de la nation congolaise? Mais il y a bien d’autres confusions qui planent sur l’argumentation de Ndaywel. Ce sont les confusions courantes entre langue et culture, et plus dangereuse encore entre langue et «race». Ainsi, les langues bantoues doivent correspondre à une culture bantoue. Or si les peuples Bantous (3) partagent certainement beaucoup de valeurs culturelles, ils présentent aussi des spécificités qui les différencient à bien des égards. Ces différences que certains auteurs, comme Ndaywel ou Obenga, s’efforcent de minimiser, sont parfois très profondes. Nos savants Africains oublient de le souligner, quoique Ndaywel tente timidement de le montrer dans son ouvrage à propos, par exemple, des peuples Mongo (Ibidem : 164-170) qui occupent pourtant un même espace géographique. Mais s’il suit cette voie à propos des Mongo qui parlent des langues bantoues, il ne raisonne plus de la même manière lorsqu’il s’agit de groupes non-bantous. Ceux qui parlent des langues oubanguiennes, soudanaises ne peuvent être que «une poignée de sociétés ethniques plutôt hybrides» dont l’influence tardive est négligeable et dont la culture est «influencée», non pas «influençante». Puisque le territoire congolais est majoritairement peuplé de Bantous, tout autre peuple qu’on pourrait y rencontrer actuellement ne peut être que «bantouisé». D’où l’usage des termes comme «bantou-soudanais», «bantou-nilotique», «soudanais bantouisé» ou «nilotique bantouisé». Ainsi, le concept de «semi-bantu» est récupéré par Ndaywel sous d’autres formes et abusivement généralisé à des peuples qui ne parlent pas des langues bantoues comme première langue, pour des fins uniquement politiques. Lorsque Ndaywel parle de «soudanais bantouisés» ou «nilotiques bantouisés» et de «bantu-soudanais» ou «bantu-nilotiques», il ne fait que consacrer en l’amplifiant une terminologie ethnographique qui est aujourd’hui abandonnée et qu’il critique lui-même. Ainsi, la science est-elle, une nouvelle fois, utilisée envers et contre ce qu’elle dit, au service d’une idéologie nationaliste pronant l’adéquation «une nation = une langue = une culture» dont l’histoire européenne, par exemple, montre à quel point elle nuit à la démocratie ; à cela près qu’ici l’équation se redéfinirait comme «une nation = un groupe linguistique = une culture», ce qui est plus absurde encore. Il s’agit là d’une manifestation, elle aussi bien connue dans l’histoire, de la volonté sous-jacente qu’a un groupe linguistique dominant d’imposer ce qu’il pense être son identité aux groupes linguistiques plus minoritaires. 3. «Bantouisation culturelle»?L’objectivité scientifique exige qu’après avoir affirmé certains faits, on apporte, ne serait-ce qu’un début de preuve à l’appui de ce que l’on affirme. Les données linguistiques et archéologiques restent, dans les sociétés africaines tributaires de l’oralité, les seuls indices fiables de l’histoire ancienne authentique. Une histoire des peuples à tradition orale qui ne se base pas sur ces données ressemble à un château de cartes. Aucune donnée linguistique ou archéologique ne vient à l’appui de l’affirmation de Ndaywel concernant une «bantouisation culturelle» des Oubanguiens et des Nilotiques qui se serait produite dans le passé. N’hésitant du reste pas à se contredire lui-même, l’auteur écrit que: «(…) les empreintes de l’influence externe des Soudanais et des Nilotiques sur les locuteurs Bantu, sont encore perceptibles dans les parlers et les usages locaux. De la sorte, entre la Cuvette, la savane du Nord et le pays des volcans et des Grands Lacs, s’est développée une pluralité de trajectoires historiques dont les contours n’ont pas encore été cernés suffisamment comme dans le Sud.» (Ibidem : 161). Notons aussi que si la colonisation a marqué un arrêt aux organisations politiques autochtones, elle n’a pas, par contre, effacé l’identité culturelle de la majorité des colonisés. Au contraire, la politique coloniale qui consistait à «instruire» ou à administrer les autochtones dans la langue locale a permis de conserver l’identité culturelle dans les campagnes de manière générale. Dans les centres urbains, on a à faire à un autre mode de vie. Un mode de vie qui est calqué sur celui des colonisateurs et est complètement différent de celui des campagnes. L’historien devrait aussi souligner qu’au Congo, les centres urbains sont un miroir qui ne reflète pas toujours les réalités de l’arrière-pays et que le Congo n’est pas seulement les centres urbains, c’est d’abord les campagnes. La situation des Oubanguiens ou Nilotiques que Ndaywel décrit correspond à celle des peuples qui s’établissent, pour des raisons diverses, dans les centres urbains. Là, le brassage des peuples d’origines différentes est total et les préoccupations sont de tout autre nature. Dans ces conditions, il est tout à fait normal que les considérations ethniques soient moins présentes et que les influences d’autres peuples soient plus intenses. Cette description est aussi valable pour les Bantous. Mais tel n’est pas le cas dans les milieux coutumiers, du moins en ce qui concerne la région de l’Ubangi, où les habitants se sentent d’abord attachés à leur milieu, à leur tradition, à leurs valeurs culturelles avant tout autre attachement. Les Oubanguiens ou Nilotiques que notre historien connaît et qu’il décrit à la page 675 de son ouvrage, n’ont rien ou presque rien à voir avec les peuples qu’ils disent représenter. C’est une autre mentalité ou un autre mode de vie, propres aux centres urbains, que ces gens manifestent. Qu’il y ait eu des influences bantoues sur certains Oubanguiens et Nilotiques, voire un mélange complet, dans certains cas, des populations d’origines diverses au Congo, ce n’est pas exclu. Mais généraliser ces influences à tous les Oubanguiens ou Nilotiques au point d’en faire des peuples déracinés, ne correspond ni aux faits que Ndaywel lui-même décrit ni aux réalités objectives. Ndaywel ne possède aucune information qui daterait d’avant le début du XIXè siècle ni sur la culture, ni sur la migration des Oubanguiens et des Nilotiques à partir du Bar el Ghazal jusque dans les régions septentrionales du pays (Ibidem : 255). Il prétend que l’acculturation de ces peuples aurait commencé au XVIe siècle (Ibidem: 198). Mais en réalité, l’auteur profite du déficit de données précises au-delà du XIXe siècle pour effacer toute trace des Oubanguiens et des Nilotiques, réalisant ainsi son méga-projet de faire de l’Afrique subsaharienne un espace uniquement peuplé de Bantous. Il oublie que les langues sont des réalités infalsifiables et que, si le fait de parler une même langue ou des langues structurellement homogènes constitue un indice sérieux pour conclure à une histoire partielle ou totale commune, le fait de parler des langues différentes constitue, en revanche, un indice pour conclure à des identités culturelles distinctes. Il n’y a pas de peuple sans langue, il n’y a pas de langue sans culture. La conscience nationale congolaise, qui se traduit par la volonté manifeste de tous les peuples de coexister sur un même espace territorial, n’est pas une fiction, c’est plutôt une réalité. Mais cette conscience n’est pas le résultat d’une acculturation des minorités oubanguiennes et nilotiques par rapport à la majorité bantoue. Elle est d’abord et surtout un héritage légué par la colonisation belge. La conscience nationale a été forgée au fil du temps par la situation coloniale vécue ensemble sur un même territoire. La deuxième République a ensuite apporté une part non négligeable dans cette prise de conscience. L’acculturation dont sont victimes aussi bien les Bantous que les Oubanguiens et les Nilotiques du Congo est d’origine européenne (commerciale, politique, religieuse, etc.). Par contre, les convergences culturelles observables sur l’espace territorial congolais déborde les limites de ce territoire. Elles sont africaines. Les diversités culturelles sont nombreuses au Congo et elles ne correspondent pas seulement à la dichotomie Bantous et Oubanguiens ou Nilotiques, mais elle est aussi présente à l’intérieur de chacune de ces catégories. C’est une richesse qu’il faut promouvoir pour assurer le maintien de l’unité nationale du Congo. Les particularités culturelles qui caractérisent aussi bien les Bantous que les Oubanguiens ou les Nilotiques et qui sont dues à beaucoup de facteurs, doivent être respectées comme telles, quitte à inventer une méthode de coexistence pluri-culturelle qui s’accommode de cette réalité. Pourquoi les besoins de l’intercompréhension ne favoriseraient-ils pas l’apprentissage de la langue des voisins ou des partenaires avec lesquels on reste directement en contact? Nous abordons là le problème de l’apprentissage des langues secondes ou des conditions d’un multilinguisme général aussi bien au Congo que dans tous les autres Etats-nations d’Afrique. Dans cette perspective donc, les langues locales doivent être valorisées de la même façon que les langues véhiculaires et internationales. C’est la solution la plus favorable et raisonnable pour un développement intégral du continent africain. C’est en organisant dans nos écoles le multilinguisme et l’échange culturel que nous atteindrons le développement économique tant souhaité. Le développement économique, la maîtrise de l’accroissement démographique, l’éradication des pandémies, la préservation des équilibres écologiques ainsi que l’élimination des séquelles du colonialisme ne peuvent être véritablement assurés que par une alphabétisation accélérée dans les langues autochtones et en prenant en compte le dynamisme des cultures locales. Tout cela n’est réalisable que s’il existe des projets politiques, économiques et culturels cohérents qui sont adaptés aux besoins de chaque entité régionale. Plutôt que de faire croire faussement aux gens qu’ils sont culturellement identiques, la démarche la plus objective et la plus avantageuse, à notre avis, consisterait d’une part à montrer en quoi les peuples sont différents. D’autre part, il faut insister sur le fait que ces différences ne constituent en aucune manière un handicap à une coexistence harmonieuse. Au contraire, les différences sont une source d’enrichissement. En d’autres termes, il faut favoriser les différences culturelles au lieu de les masquer volontairement, sous prétexte qu’elles seraient marginales et risqueraient de porter atteinte à l’unité politique du pays. 4. ConclusionL’essentiel paraît pourtant que Ndaywel fait dire à la linguistique comparative (page 262) ce qu’elle ne dit pas. La linguistique diachronique n’a jamais prétendu établir l’histoire des peuples qui parlent les langues soumises à son étude. Elle n’exclut pas de ses hypothèses les contacts comme l’un des facteurs de création des langues et elle est suffisamment outillée pour distinguer les faits de contacts de ceux qui relèvent d’une origine commune. Mais elle ne pose aucun jugement de valeur et elle ne confond pas langue et population, ou pour parler plus clairement, langue et race, ou groupe de langues et race. Or de tels amalgames connaissent actuellement un regain de faveur qui désoriente complètement le lecteur non averti et permet sa manipulation à des fins politiques. Nous n’établirons pas ici un parallélisme entre ce qui s’est passé en Europe d’entre-deux-guerres, lorsque le concept linguistique de l’indo-européen avait été récupéré par des esprits mal intentionnés. Les conséquences de cette récupération se passent de commentaires. Mais nous avons le sentiment qu’on avance tout doucement vers une pareille récupération du concept «bantu» en Afrique, plus précisément en République Démocratique du Congo. BIBLIOGRAPHIEYvonne Bastin, André Coupez et Bernard de Halleux, (1979). «Statistiques lexicale et grammaticale pour la classification historique des langues bantoues». Bruxelles : Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, Bulletin des séances 27. 2 : 375-87. (1983). «Classification lexicostatistique des langues bantoues (214 relevés)». Bruxelles: Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer, Bulletin des séances 37. 2 :173-99. Bokula Moiso et Irumu Agozia K. (1994). «Bibliographie et matériaux lexicaux des langues Moru-Mangbetu (Soudan-Central, Zaïre)». Annales Aequatoria 15, 203-245. Claude Lévi-Strauss, (1987). Race et histoire, suivi de L’oeuvre de Claude Lévi-Strauss par Jean Pouillon. Paris: Denoël. André Liebich, (1997). Les minorités nationales en Europe centrale et orientale. Genève : Georg Editeur. Colette Marchal-Nasse, (1979). Esquisse de la langue tsogo. Phonologie-Morphologie. Mémoire de Licence spéciale. Université Libre de Bruxelles. Yves Moñino, (édit.) (1988). Lexique comparatif des langues oubanguiennes. Paris: Geuthner. (1995). Le proto-gbaya. Essai de linguistique comparative historique sur vingt-et-une langues d’Afrique centrale. 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