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Un propagandiste kimbanguiste à Kole en 1931 / Par H. VINCKParu dans Cahiers des Religions Africaines 13(1979) n. 26, 292-302 De nombreux points de l’histoire du Kimbanguisme restent obscurs: des archives ont été détruites, d’autres demeurent inaccessibles. Ainsi tout nouvel apport “archivistique” concernant l‘origine et l’évolution du Kimbanguisme peut se révéler important. C’est le cas du “Dossier Pierre Lubaki, alias Léonard Konka”, conservé aux archives de la Bibliothèque Aequatoria (Mission Catholique de Bamanya, R.D. Congo). Dans son ouvrage, Kirche ohne Weisse, p. 116, M.L. Martin signale le cas de Pierre Lubaki. En note, l‘auteur renvoie aux “Documents secrets belges. Menées prophétiques, 1925-1931”, p. 31. Ailleurs (p.276), elle dit qu’une copie de ces documents se trouve dans les archives de I’E.J.C.S.K. à Kinshasa et qu’il en existe deux microfilms; malheureusement, le lecteur n’est pas informé de l’endroit où il pourrait les consulter. Nous ignorons si la thèse de Thomas Munayi traite du cas (1): on sait combien ce genre de travaux sont d’accès difficile. C’est pourquoi, il nous a semblé utile de mettre à la disposition des historiens du Kimbanguisme le rapport officiel dressé, en 1931, au sujet d’un propagandiste kimbanguiste par Louis Ghyselinck, Administrateur territorial de Kole. Ce dossier, que nous reproduisons intégralement en annexe, comporte les pièces suivantes:
1. L’IDENTITE DU PERSONNAGELe propagandiste kimbanguiste se présenta de sa propre initiative devant l‘Administrateur du territoire de Kole (District de Sankuru, province Congo-Kasaï); ayant perdu ses pièces d’identité, il voulait se mettre en règle avec l’Etat. Il déclara se nommer Léonard Konka, fils de Makina et de Mpolo, Mukongo de Kimpanzu dans le territoire de Mboko (Brazzaville), et exercer la profession de clerc (doc. 2). Le témoin Joseph Malaki, oriqinaire de Mzundu, chefferie Mooti, territoire des Cataractes-Sud, déclara l’avoir connu dans son propre village. Selon lui, Léonard Konka s’appelait en réalité Pierre Lubaki et était originaire de Mboko (doc. 3). L’authenticité du nom Pierre Lubaki est confirmée par plusieurs lettres trouvées sur le propagandiste. En effet, toutes sont signées: Pierre Lubaki (doc. 5). Celui-ci aurait changé de nom à Kindu. Situé en Afrique Equatoriale Française, Mboko fut un des premiers villages à adhérer au prophète Kimbangu, gràce à un certain Matuba (2). 2. ITINERAIREPierre Lubaki (Léonard Konka) n’est nulle part signalé comme relégué; il avait été au service de divers Européens. En 1910, il accompagna “son Blanc” en Belgique; il y fréquenta l’école et fut baptisé dans l’Eglise catholique. II rentra au Congo en 1912. De cette année jusqu’en 1926, nous sommes mal renseigné à son sujet à la suite de la détérioration d’une page de son curriculum vitae. Pourtant, ce même document nous informe qu’en 1921, Konka était au service de la Comfima (au Bas-Congo). En 1926, gérant de la Sedec, il quitta le territoire des Cataractes pour se rendre à Basoko. Là, il exerça la profession de clerc chez le Portugais Fernandes. En 1930, on le retrouve à Lisala, puis à Kindu. Dans ce dernier centre, il entra en raports avec trois “ivoiristes” kongo, Hippolyte Bwanga, Georges Lowemba et Antoine Ngoma. II entretenait aussi des relations avec le relégué kongo James Thomas, avec Rossu, Kossu et Sudi, tous commerçants de Bukama (Shaba), et avec les convoyeurs de chemin de fer. Le 11 décembre 1930, Konka quitta Kindu par Katako-Kombe où il logea durant une quinzaine de jours chez le relégué A. Kitoko. II y rencontra d’autres relégués notamment Mali Alwama et J. Nsumbu, qui lui remirent du courrier pour des amis à Loto (District de Sankuru). Le 1er janvier 1931, Konka partit pour Mudimhi où il séjourna chez Gabriel Woto qui lui donna une lettre de recommandation pour le chef Funji à Lodja. Au cours de ce nouveau déplacement, il passait la nuit chez des catéchistes. Etant resté trois semaines à Lodja, il arriva, via Sutshia, à Kole, le 28 février, à 20 h. Dès le lendemain, sa présence fut signalée aux autorités. Tout au long de ses voyages, Konka faisait sa propagande religieuse; c’est ce que nous déduisons d’un témoignage d’un certain Ongendangenda, qui fut son compagnon de route pendant deux jours: “il m’a parlé exclusivement de choses religieuses”. Selon ce témoin, “au village de Gombe, il a appelé quelques Bankutshu pour leur parler de la religion. Ceux-ci lui répondirent: “Nous ne voulons pas entendre parler de Simon” (doc. 1). En cours de route, il fut hébergé par des relégués kongo; à Kole, il logea également chez un kongo relégué, Joseph Malaki, de Mooti, près de Thysville (doc. 3). Konka déclara lui-même: “Mes compatriotes me fournissent mes moyens d’existence. Quand j’arrive dans un poste, ils me fournissent la nourriture et quand je me déplace, ils me donnent un peu d’argent” (doc. 2). 3. LA PREDICATION A KOLE1. Le lieu de la prédicationKonka prêchait dans le camp des relégués, sans doute en plein air, en tout cas à la vue des passants. Des non-Kongo pouvaient assister à ces réunions: Suya, le clerc de l‘Administrateur y fut invité, de même que l’informateur de l‘Administrateur, Omombo, originaire de Malela (District du Manyema). 2. Le prédicateur tenu pour l'incarnation de KimbanguLes Bakongo tiennent Konka pour Simon Kimbangu, descendu du ciel. Omombo demanda au relégué Nkindu: “Est-il vrai que Simon est chez vous et qu’il est tombé du ciel? “. Celui-ci répondit: “Oui, viens voir” (doc. 1). A la question de l‘Administrateur: “Qui vous a dit que cet homme s’appelait Simon Kimbangu? “Le témoin Tattin, un Gabonais, répondit: “Un bakongo relégué” (doc. 3). Autre déclaration: “Les Bakongo font circuler le bruit que Nzambi Simon est tombé des nues chez eux” (doc. 2). L’expression “Nzambi (Dieu) Simon” ne doit pas être comprise de manière formelle; elle signifie que Simon est le fondateur d’une nouvelle religion (Nzambi); son retour sous forme d’une descente du ciel montre son pouvoir de prophète. 3. Le contenu de la prédicationa) Référence à Simon Kimbangu:Konka se réfère à Kimbangu de deux manières: Il le représente ou le réincarne en sa propre personne et il en fait l’objet de sa prédication. Certaines lettres, trouvées sur lui, sont signées: S. b) Les préceptes moraux:La prédication de Konka présente un parallélisme très net avec la prédication de Kimbangu (3). Voici ses préceptes: “Priez trois fois par jour; ne buvez pas de vin de palme; ne fumez pas de chanvre; ne vous livrez pas à la prostitution; devenez monogame” (doc. 1). Ces commandements furent rapportés à l‘Administrateur par Omomho, et Konka lui-méme les confirme devant l‘Administrateur (doc. 2). c) Les implications politico-sociales:L’observance de ce programme moral conditionne le salut, lequel s’exprime en termes politico-sociaux: “Si vous observez bien mes prescriptions, d’ici peu de temps, les Noirs deviendront blancs et les Blancs deviendront noirs’ Ceux qui rapporteront mes paroles aux Blancs, resteront noirs” (doc. 1). De même, on doit cesser de travailler pour les Blancs. Selon M. L. Martin et W. Ustorf, il s’agit ici des ipssisima verba de Kimbangu (4). d) Millénarisme:La prédication de Konka se situe dans une vision millénariste sensu lato. “Le temps est proche où Nzambi va vous donner la grâce”. Quand? Dans “deux à quatre mois”. e) Pan-africanisme:Konka, dans des notes retrouvées sur lui, avait écrit: “Que les Noirs sont originaires de Makama Madina (Mecque-Médine) et que les Américains sont ses frères” (doc. 5). La référence aux Américains (noirs!) évoque l’action pan-africaniste de Marcus Garvey; certains historiens cherchent des influences garveyistes dans le Kimbanguisme initial (5). Les mouvements issus du Watch Tower se constituaient à cette époque dans la région parcourue par Konka (6). Pourtant, Konka déclare n’avoir jamais été en contact avec Wilson (doc. 5) (7). La mention de la Mecque et de Médine n’a pas de quoi étonner: Kindu comptait de nombreux arabisés (8). f) Rites:Au cours de ses prédications au camp des relégués, Konka se frappait la poitrine (comme les missionnaires catholiques); “à la fin, il nous distribuait à chacun trois arachides en guise de communion” (information d’Omombo: doc. 1). A propos des activités de Konka, signalons encore que l’informateur de l‘Administrateur ne mentionne pas de guérisons, ni d’impositions des mains, ni tremblements extatiques, ni glossolalie; pas de traces non plus d’une action contre les “sorciers”. La prédication ne contient aucune référence au Christ. 4. L’INTERVENTION DE L’ETATLe 9 mars 1931, neuf jours après son arrivée à Kole, Konka fut arrêté, en application du décret du 3 juin 1906 qui “permet à tout agent exerçant un commandement territorial de procéder sans mandat à l’arrestation et à l‘incarcération des indigènes qui se rendraient coupables du délit d’atteinte à la sûreté de l’Etat, ou compromettraient la tranquillité publique ou la stabilité des institutions” (9). En application du même décret, l‘Administrateur notifia cette arrestation au Commissaire de District du Sankuru; selon lui la promesse de la métamorphose des Noirs en Blancs compromettait ta tranquillité publique. La déclaration selon laquelle “ceux qui continuent de travailler chez les Blancs ne jouiront pas de la grâce promise” portait atteinte à la stabilité des institutions, lesquelles impliquent ce travail. En outre, l‘Administrateur avait mis Konka à la chaîne, mesure disciplinaire prévue pour les détenus politiques (10). Il écrivit: “J’ai été amené à enchaîner le détenu pour le motif suivant: avoir répandu le bruit, directement ou indirectement par l’intermédiaire des relégués bakongo, qu’il allait retourner au ciel d’où il était venu” (doc. 1). Il s’agissait pour ‘Administrateur d’empêcher une évasion qu’on aurait interprétée comme la réalisation de la promesse. Pour l‘Administrateur, Konka est un agitateur kimbanguiste. Qr, depuis le 6 février 1925, le kimbanguisme était interdit (Lettre circulaire du gouverneur de province du 24 février 1925). L’Administrateur se demanda: “cette propagande ne cache-t-elle pas une action communiste?“, les communistes belges avaient envoyé une lettre (interceptée! à Simon Kimbangu, emprisonné à Elisabethville (Lubumbashi) (11). EPILOGUELe dossier Konka confirme certains traits du mouvement kimbanguiste à cette époque de clandestinité. La relégation a constitué un facteur important pour la diffusion du kimbanguisme. Les camps des relégués servaient de relais aux propagandistes, ceux-ci se chargeaient aussi de la correspondance. Le nom de Simon Kimbangu a acquis une signification mythique pour ses adeptes. La prédication est millénaire; son expression est nettement anti-blanc. Le message initial semble avoir subi des influences d’origines diverses (arabisés, kitawala, garveyiste). La clandestinité n’était pas absolue: malgré l‘interdiction du mouvement kimbanguiste, la prédication de Konka se faisait au grand jour et était accessible à tous.
Annexe 1Congo Belge, Kole, le 9 mars 1931 District du Sankuru Territoire de Kole RAPPORT SUR LA CONDUITE DU NOMME: KONKA LEONARDMonsieur le Commissaire de District, J’ai i’honneur de vous transmettre un rapport sur la conduite d’un indigène dont l’identité exacte reste à établir, (je le désigne sous le nom de Konka Léonard) et dont la façon d’agir a motivé l’application de l’article 1 du décret du 3 juin 1906. L’individu en question est arrivé à Kole, le 28 février 1931, vers 8 heures du soir, le passeur d’eau Qdjima l’a vu sur la rive droite de la Lukenie. Au passeur d’eau, il déclara être un clerc de l’Etat, il était accompagné d’un indigène venant de Lodja, se nommant ONGENDANGENDA. Cet Ongendangenda me déclare: Je suis originaire de Lodja et je viens à Kole pour rendre visite à mon père, Ie nommé Sinanduku qui est à votre service en qualité de maçon. A deux jours de marche de Lodja, j’ai rencontré l’indigène en question qui m’a déclaré se rendre également à Kole. Nous avons fait route ensemble et sommes arrivés ensemble au passage d’eau à Kole. Je demande à cet Qngendangenda quel a été l’objet de leurs entretiens le long de la route. Ongendangenda me déclare: Il m’a parlé exclusivement de choses religieuses; j’insiste sur la question. Qngendangenda me confirme qu’il n’a parlé que de questions religieuses. Ongendangenda me dit qu’au village de Gombe, il a appelé quelques indigènes Bankutshu pour leur parler de la religion; les Bankutshu lui ont répondu: “Nous ne voulons pas entendre parler de Simon”. J’attire ‘attention de Ongendangenda sur le manque de concordance de ses déclarations. D’un côté, il déclare que l‘individu en question n’a parlé que de sujets religieux et de l’autre côté il déclare que les Bankutshu de Gombe lui répondent: “Nous ne vouions pas entendre parler de Simon”. C’est donc bien que l’indigène en question a parlé de Simon, car les Bankutshu ignorent ce prénom. J’attire également son attention (celle de Ongendangenda) sur le manque de véracité de ses dires car Odjima, le passeur d’eau déclare que de la rive opposée, il a appelé: “Passeur, venez chercher un clerc” et que c’est à cet appel que Odjima a assuré le passage, car il ne passe la nuit que les courriers et les travailleurs au service d’Européens. Ongendangenda prétexte toujours l’ignorance. Le 1 et le 2 mars, je n’entends pas parler de l‘individu en question. Le 3 mars, mon clerc SUYA me signale que les Bakongo relégués à Kole font circuler le bruit que le Nzambi (Dieu) Simon est tombé des nues chez eux. Le clerc me déclare: Hier, après 5 heures, j’ai remarqué un va et vient chez les relégués. J’ai été voir dans leur camp ce qui s’y passait; j’ai vu un individu, il y avait une petite réunion, un bakongo m’a présenté une chaise, j’ai refusé et je suis rentré chez moi. Après avoir reçu la présente déclaration du clerc, l’individu se présente au bureau. Je lui demande ses papiers d’identité, il me présente un passeport médical délivré au nom de Léonard Konka (document no 3), il déclare avoir perdu son livret d’identité à Kindu; il déclare venir de Kindu et être passé par Katako-Kombe et Lodja. Je lui demande le motif pour lequel il n’a pas demandé un nouveau livret soit à Kindu, endroit de la perte, soit à Katako, soit à Lodja. Il me répond que partout les A.T. et les clercs étaient absents. Je lui dis de se munir immédiatement d’un nouveau livret, il donne le nom de Konka et le prénom de Léonard. II me présente deux acquits métalliques de l’ Exercice 1929 portant le no B. 056938 et un de 1930 numéroté Y.006308, il déclare être venu à Kole pour attendre un bateau pour descendre dans le Bas; je lui dis qu’il est inutile d’attendre un bateau ici à Kole, qu’il n’en vient pas. II me demande ensuite d’être dirigé sur Bena-Dibele. Il déclare vouloir se rendre à Bena-Dibele dès que sa douleur du genou serait passée. Dès ce moment, j’exerçais une surveillance sur le camp Bakongo. II s’agissait de mettre la main sur un indigène de Kole qui se rendrait à une réunion chez les Bakongo et connaître ainsi l’objet de ces réunions présidées par ce Simon. Cette occasion se présente le 8.3.1931; je convoque le nommé Qmomho, indigène originaire du village de Malela, qui a été à une réunion. Cet indigène me déclare: “J’avais entendu par la rumeur publique que le Nzambi (Dieu) Simon était descendu du ciel, un jour je rencontre le Bakongo relégué Nkindu, je lui demande si c’est vrai que Simon est chez eux; et qu’il est tombé du ciel? Nkindu me répondit: Qui, viens le voir; j’ai été le voir, voici ce qu’il dit: Maintenant le temps est proche que le Nzambi va vous donner la grâce, priez trois fois par jour, ne buvez pas le vin de palme, ne fumez pas de chanvre, ne vous livrez pas à la prostitution, devenez monogame, si vous observez bien mes prescriptions d’ici peu de temps, de deux à quatre mois, les noirs deviendront blancs et les blancs noirs, mais les noirs qui rapporteront mes paroles aux blancs resteront noirs, ainsi que ceux qui continuent à travailler pour le blanc. Pendant que Simon tenait son discours il se frappait la poitrine, comme les missionnaires, et à la fin nous distribuait à chacun trois arachides en guise de communion”. Le 9.3.31, j’ai procédé à l’arrestation du nommé Konka Léonard qui par ses paroles a compromis la tranquillité publique à Kole et la stabilité de nos institutions: Tranquillité publique en faisant croire aux indigènes que d’ici quelques mois, ils deviendraient "blancs". Stabilité de nos institutions: en faisant croire aux indigènes au service d’européens qu’eux resteraient noirs, c’est donc indirectement les pousser a quitter le service. Par mesure disciplinaire, j’ai été amené à enchaîner le détenu pour le motif suivant:”Avoir répandu le bruit directement et indirectement par l’intermédiaire des relégués Bakongo. qu’il allait retourner au ciel d’où il était venu”. Æ Les preuves sont formelles, cet individu est un agitateur kimbanguiste, mais cette propagande ne cache-t-elle pas une action communiste? L’individu a été en Belgique, il est originaire du Congo Français (territoire en face du territoire beige des Cataractes-Sud (Thysville), berceau du kimbanguisme). Il sait lire et écrire, il a été en correspondance avec la Belgique (voir les documents trouvés en sa possession) il résulte de ses dires qu’il est continuellement en voyage, de quoi s’agit-il? L ‘Administrateur territorial, sé/ GHYSELINCK
Annexe 2Congo Belge District du Sankuru Territoire de Kole INTERROGATOIRE DU NOMME LEONARD KONKAL’an mil neuf cent trente et un, nous soussigné GHYSELINCK L.P. Administrateur territorial de Kole, en présence de SUYA, clerc attaché au territoire de Kole, nous avons procédé à l’interrogatoire du nommé Léonard KONKA. 1ère question: Donnez-moi votre identité. R. Nom: KONKA ou NKQKA Prénom: Léonard Fils de Makani et de Mpolo, de race Bas-Congo (Brazzaville) Chefferie: Kimpanzu; village Kimpanzu Territoire de Mboko Profession: Clerc Déclare avoir quitté son territoire d’origine en juin 1926 pour se rendre à Basoko District de l’Aruwimi, y a exercé la profession de clerc au service d’un certain Monsieur FERNANDES, portugais, a quitté Fernandes pour Kindu; à Kindu, n’a pas travaillé au service d’européen, a quitté Kindu le 11/11/30 pour Katako-Kombe où il a séjourné un mois, à Katako il a résidé chez les relégués Bas-Congo, a quitté Katako-Kombe pour Lodja où il réside chez le chef Fundji; il séjourne environ un mois à Lodja pour Kole où il arrive le 28 février à 8 heures du soir. Il déclare avoir acquitté son impôt 1929 à Kindu et 1930è Basoko. 2ème question: Pour quel motif ne possédez-vous pas aucun papier d’identité? R. On me les a volés, à Kindu. 3ème question: Pourquoi n’avez-vous pas demandé d’autres papiers d’identité à Kindu? R. Le clerc du territoire était absent; et l‘Administrateur territorial était absent. Un ami dont il ignore le nom lui a montré le chemin vers Katako. 4ème question: Qui vous a appelé à Kole? R. Je suis venu à Kole sur le conseil de mes amis de Kindu. 5ème question: Connaissez-vous le nom de ces amis? R. a) Antoine Ngoma, travaiileur d’ivoire à Kindu. b) Georges Lowemba, travailleur d’ivoire à Kindu. c) Mbanga, travailieur d’ivoire à Kindu. 6ème question: Quels sont vos moyens d’existence? R. Mes compatriotes me fournissent mes moyens d’existence. J’arrive dans un poste, ils me fournissent la nourriture; quand je me déplace, ils me donnent un peu d’argent. Il me déclare égaiement appartenir à la religion catholique et avoir été baptisé à Mons. En 1910, il déclare avoir été au service d’un certain Monsieur Paul EVERARD, agent de la colonie à Léopoldville. C’est ce dernier qu’il a accompagné en Belgique. D’après ses déclarations, il serait parti en Belgique le 1/6/1910. En Belgique il a appris à lire et à écrire, il est revenu en 1912 au Congo;il était alors toujours au service de Monsieur Paul EVERARD. 7ème question: Chez qui logiez-vous à Kole? R. Chez le relégué Bas-Congo, MALAKI Joseph. 8ème question: Hier matin j’ai constaté qu’il y avait une réunion chez les Bas-Congo, j’ai constaté que vous étiez occupé à discourir; que racontiez-vous? R. Je donnais de bons conseils aux personnes présentes: je leur disais de ne pas boire du vin de palme, de ne pas fumer du chanvre, de ne pas se livrer à la prostitution, de prier le bon Dieu trois fois par jour, etc... Le clerc SUYA, L’Administrateur Territorial sé/SUYA, sé/G HYSELINCK
Annexe 3PRO JUSTICIA Procès-verbal d’audition de témoinL’an mil neuf cent trente et un, le dixième jour du mais de mars, par devant nous soussigné: GHYSELINCK, Louis Paul, Officier de Police Judiciaire à compétence générale à Kole, y résidant, a comparu nous trouvant à Kole le nommé: TATTIN Charles, fils de Cano et de Kombe, tous deux décédés, originaires do Gabon, exerçant la profession de clerc à la Géace à Kole, lequel après avoir prêté le serment suivant: ‘Je jure de dire la vérité rien que la vérité” a répondu comme suit à notre interrogatoire. Question: Avez-vous été rendre visite au village des Bakongo à un individu se donnant le nom de Simon? R. Qui. Question: Qui vous a dit que cet homme s’appelait Simon Kimbangu? Réponse: Un bakongo relégué, j’ignore son nom et je ne me rappelle plus sa physionomie. Je jure que le présent procès-verbal est sincère. L’Officier de police judiciaire, sé/GHYSELINCK Dont acte, lecture de la présente a été faite au nommé TATTIN, oh., qui signe le présent P.V. sé/TATTIN
Annexe 4PRO JUSTICIA Procès-verbal d’audition de témoinL’an mil neuf cent trente et un, le dixième jour do mais de mars, par devant nous soussigné, GHYSELINCK, Louis Paul, Officier de police judiciaire à compétence générale à Kole, y résidant a comparu, nous trouvant à Kole, le nommé MALAKI Joseph, fils de Nkila et de Lowemba, tous deux décédés de race Bakongo dépendant de la chefferie MOOTI, originaire du village Mzundu territoire des Cataractes-Sud (Thysville) résidant à Kole en qualité de relégué politique à Kole, territoire de Kole, lequel après avoir prêté le serment suivant:”Je jure de dire la vérité, rien que la vérité” a répondu comme suit à notre interrogatoire. 1ère question: Comment s’appelle l‘homme que vous avez hébergé chez vous do 28 février 1931 au 9 mars 1931? Réponse: Pierre LUBAKI. 2ème question: Avant I’arrivée de ce Pierre Lubaki à Kole, le connaissiez-vous? Réponse: Qui, je l’ai connu dans man village d’origine avant d’être relégué à Kole. 3ème question: Vous l’avez donc connu avant son arrivée à Kole et son nom est bien Pierre Lubaki, pouvez - vous me donner quelques indications au sujet de son identité? Réponse: Il est originaire do village Mboka, village situé près do Fleuve Congo sur la rive française. Nous confrontons le nommé KONKA Léonard de son vrai nom Pierre LUBAKI, avec le nommé MALAKI Joseph et je pose au nommé KONKA Léonard La question suivante: Comment vous appelez-vous? KONKA Léonard me répond qu’il s’appelle KONKA Léonard. En présence de Konka je pose à MALAKI Joseph à nouveau la question: Comment s’appelle cet homme? Malaki me répondit:cet homme s’appelle Pierre LUBAKI: je l’ai connu sous ce nom avant ma relégation dans son village d’origine le nom de KQNKA Léonard est un faux ou un nom qu’il a adopté depuis lors. Je jure que le présent procès-verbal est sincère. L’Officier de Police Judiciaire, sé/GHYSELINCK
Annexe 5Curriculum vitae de Pierre LUBAKI(première page perdue). LISIKI, chez Georges LUEMBA, Loango, ivoiriste. Des lettres écrites par lui sont signées Pierre Lubaki, mais il se présente sous le nom de Léonard NKQKA. II est en rapport avec: BWANGA Hippolyte, ivoiriste à Kindu, avec James Thomas, Bakongo, relégué, soit à Kindu, sait à Lowa, avec Sudi, commerçant à Bukama, des convoyeurs do chemin de fer; des trafiquants de Bukama, notamment ROSSU au KOSSU. Ayant appris d’un de ces capitas, qu’il pouvait se procurer un emploi chez Monsieur Nicolas FAITTIE, à Loto, il lui écrivit, puis il se mit en route pour Katako-Kombe, après s’être muni d’un passeport médical chez le médecin du Chemin de Fer à Kindu, l’ajoute “à Kole” sur son passeport a été faite de sa main. C’est le 11.12.30 qu’il quitte Kindu, et c’est ce jour là qu’il perd son identité. A Katako-Kombe, il est l’hôte, pendant une quinzaine de jours, d’André KITOKQ (relégué). Des amis (relégués) MALI ALWANA et NSUMBU (femme) Maria lui remettent des correspondances destinées à Samuel Malonga et Maroko Mputu à Loto. Le 1.1.31 part pour Mudimhi où il reste deux jours chez Gabriel WOTQ clerc C.C.B. ancien élève de la Mission catholique de Katako-Kombe, attendant un camion pour le conduire à Lodja. Il continue à pied sur Lodja, logeant chez les catéchistes dans les villages le long de la route. WQTQ lui ayant donné un mot de recommandation pour son beau-frère LOKALE qui habite chez le chef Fundi, c’est là qu’il est hébergé pendant trois semaines, attendant une baleinière à moteur pour se rendre à Kole. A Sutshia, il avait fait la connaissance d’une jeune fille, Agnès, fille d’un ancien soldat Albert MOKOKO, et avait promis de l’épouser dés qu’il aurait gagné l’argent pour payer la dot. II se remet en route, à pied, pour Kole, où il arrive le 28.2.31, à 8 heures do soir, disant aux passagers qu’il est le clerc de Faittie et se rend chez les relégués Bakonga, où il reçoit nourriture et logement. C’est là qu’il est arrêté dans les circonstances relatées dans les rapports de ‘Administrateur territorial de Kole. Dans ses notes il dit que les noirs sont originaires de Makama Madina (Mecque Médine) que les Américains sont ses frères. C’est un Bakongo (Djoni MPANZU, mécanicien) qui lui aurait raconté ces choses. Les papiers griffonnés à plaisir paraissent cacher sous des phrases incohérentes, des indications en langage conventionnel. Plusieurs documents sont signés: S qu’il prétend signifier “salutations” d’autres: SM (Simon? ). II a dû séjourner à Lisala, en avril 1930. On trouve dans ses papiers l’adresse do soldat TULOMBA élève de l’E.C.C.
NOTES (1) T. Munayi, Le mouvernent kimbanguiste dans le Haut-Kasai, 1921-1960, Thèse de doctorat du 3e cycle, Université de Provence, 1974. (En résumé dans Bulletin de I’Institut d’histoire des pays d’outre-mer, Université de Provence, 1974-75, pp.10-26). L’article du même auteur sur La déportation et le séjour des Kimbanguistes dans le Kasaï-Lukenie (1921-1960), dans Zaire-Afrique, 17, 1977, pp.555-573, ne mentionne pas notre cas. (2) E. Andersson, Messianic PopularMovements in the Lower Congo, Uppsala, 1958, pp. 96-100. (3) W. Ustorf, Afrikanjsche Initiative. Das aktive Leiden des Propheten S. Kimbangu, Bern, 1975, pp. 181-193. (4) M.L. Martin, Kirche ohne Weisse, Basel, 1971, p. 116. (5) W. MacGaffey, Kongo and the King of the Americans, in Journal of Modern African Studies, 2, 1968, pp.171-181. (6) H.J. Greschat, Kitawala, Marburg, 1967, et G. Shepersson, Notes on Negro American Influences on the Emergence of African Nationalism, in Journal of African History, 1, 1960, pp. 199-312. (7) Sur ce cas, voir Congo, II, 1921, pp. 575-576 ou il est dit qu'il était au service des Huileries du Congo Belge (Lever) (8) C. Young, L’Islam au Congo, in Etudes Congolaises, 10, 1967. pp. 14-81. (9) Recueil à l’usage des fonctionnaires et des agents do service territorial au Congo-BeIge, 5, 1930, pp. 134-135. (10) Codes et lois du Congo-Belge, 1954, I, p. 156. (11) Kanku Bona Mudipanu, Les communistes belges face au problème de la révolution au Congo Belge (1929-1931), in Likundoli, Lubumbashi, 1, 1972, pp.18-25. |
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