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Eugène BONGESE IS'IFALE / by LUFUNGULA Lewono [in French only]Publié dans:Etudes Æquatoria 10(1990)106-111 / Mbandaka hier et aujourd'hui: Éléments d'historiographie locale [format PDF] BONGESE Chef des NtombaIl ne s’agit pas ici d’une biographie systématique du chef Bongese is’Ifale, mais d’un premier rassemblement des renseignements si peu nombreux soient-ils, sur ce grand chef coutumier. L’intérêt de ces quelques documents est fondé sur la confiance dont jouissait ce chef auprès Blancs et de ses administrés, et surtout sur le fait qu’il incarnait l’histoire de son groupe. Et c’est justement cette histoire que nous voulons dégager de quelques intéressantes sources privées aujourd’hui á notre portée (1). 1. EnfanceNous lisons sous la plume de Bongese is’Ifale (Eugène) (2) qu son père Bongese fut polygame de seize femmes. Sa mère Tuka (Ntuka) était la première épouse. Elle jouissait des droits et privilèges reconnus par la coutume à la première épouse, bomatsa (3). Il s’en suit que son fils, Bongese is’Ifale devait bénéficier d’une attention paternelle particulière, d’autant plus qu’il était de bonne heure orphelin de mère. Celle-ci avait succombé à l’accouchement. Boongama (4), son isomoto (tante paternelle) l’éleva. Un jour, pendant qu’il raillait avec d’autres enfants, quelques passants en déconfiture, l’un de ces derniers fit un geste avec son bâton qui par mégarde abîma son oeil gauche. Peu après, son père meurt. Bongese is’Ifale, qui avait l’âge de sept ans, n’avait retenu de lui que sa virtuosité dans la danse esombi. Il ne pouvait accéder directement au pouvoir étant donné son jeune âge. Sur foi du procès-verbal d’investiture n° 30 établi le 11 avril 1917 à l’occasion de l’élévation de Bongese is’Ifale au titre de sous-chef de Wangata, nous croyons que le successeur immédiat du père de Bongese is’Ifale fut un certain Bolembo (5). 2. Père de famille nombreuseL’année probable de la naissance du chef est 1883. Bongese is’Ifale est né alors au moment crucial de l’histoire des Mongo. En effet de nouvelles perspectives s’étaient ouvertes à la bourgade riveraine de Wangata Ibonga depuis le débarquement des Blancs : Stanley, Vangele, Coquilhat avec leur suite (6a). Le nom de Bongese (Bounguesse ou Moungesse) (Père) revient 5 fois dans le Carnet de notes de Ch. Lemaire. Le 19 mars 1891, il se présente avec Itunda y’is’elembo (Issolimbou ou Issoloumbe) comme les Chefs de Wangata. Il est spécifié que Issoloumbou était chef de Bonkamba (Baseka Nkamba). On a peut ainsi identifier ce dernier avec le père de Bongese et grand-père de Bongese is’Ifale comme nous le montre la généalogie (6b). Bongese, fils d’Itunda est donc déjà en 1891 considéré comme un des chefs de Wangata bien que, selon le généalogie, il est le troisième fils d’Itunda. Bekwela Ifoji est également mentionné par Lemaire : le 16 mai 1891, il avait réglé une palabre pour Lemaire qui lui paie 300 mitako pour ce service (7). A cette époque où les missionnaires rivalisaient de zèle, et la chrétienté se confondait avec la civilisation aux yeux des colonisés, Bongese is’Ifale ne pouvait, de par son statut social, ne pas se faire baptiser. L’événement s’accomplit le 12 juillet 1903 à la mission catholique de Boloko wa Nsamba (Bolokwa Nsimba) où l’année suivante il se mariait religieusement avec Eugénie Ntsimbo (8). Mais l’heureuse élue mourut peu après. Bongese is’Ifale se remaria alors avec Marie Wengele, le 23 mai 1908, devant l’officier de l’Etat Civil et 31 mai à l’église. L’administration de l’époque était assez indulgente en matière de polygamie traditionnelle (9). Ainsi Bongese is’Ifale en dépit de son mariage religieux dut se réconcilier avec la coutume en épousant plusieurs femmes. Béni par ses ancêtres, le chef Bongese is’Ifale eut une grande progéniture qui lui donna un nombre important de petits-enfants. 3. Un grand chef coutumierLe 11 avril 1917, Bongese is’Ifale succéda à Bolembo au poste de sous-chef de Wangata. Le procès-verbal de l’investiture n° 30, en fait foi. Comme Bolembo était encore en vie, son remplacement doit avoir été suffisamment justifié. En le faisant, le Commissaire de District avait estimé le situation conforme aux dispositions du décret du 2 mai 1910 sur les chefferies et sous-chefferies indigènes. Le corollaire du cette conclusion est la légitimité du pouvoir de Bongese is’Ifale (10). La même année, soit le 31 décembre 1917, Bongese is’Ifale fut hissé au sommet de la hiérarchie administrative ‘indigène’ de l’époque. Il devenait chef de la Chefferie des Ntomba (voir procès-verbal n° 119). Cette ascension rapide prouve que Bongese avait obtenu de ses supérieurs une haute appréciation pour ses fonctions antérieures. Conformément aux exigences administratives de l’époque, le procès-verbal de l’investiture de Bongese cite les noms de tous les villages sous dépendance du chef établi : Wangata (fleuve), Bolenge, Inganda, Bolongwankoi, Lofosola, Bandaka, Lombo, Monsole, Wangata-Watziko, Ipeko et Bokala (11). A l’annexe du procès-verbal, un tableau statistique nous renseigne sur le nombre d’habitants des villages cités. Il recevait la médaille du chef investi selon l’ordonnance du 23 août 1910. Statistiques
Tout travail mérite récompense. Nos anciens maîtres en étaient conscients. Le chef Bongese is’Ifale recevait pour les services de l’Etat un salaire et des primes qui lui permettaient de mener une vie d’aisance en rapport à sa fonction. Il recevait aussi d’autres payements en sa qualité de juge. Il était détenteur de distinctions honorifiques suivantes : - Médaille de mérite en bronze (le 1.6.1933) - Médaille de bronze de l’Ordre Royal du Lion (le 14.4.1937) - Médaille de l’Effort de Guerre (le 2.9.1948) 4. La finLe premier septembre 1953 Bongese is’Ifale Eugène rendit l’âme après avoir servi loyalement ses supérieurs et dirigé comme il se devait ses frères noirs. Sa mort fut mal interprétée par les siens à cause des ambitions politiques de l’un de ses secrétaires et greffiers, le notable Tswambe. En effet ce dernier décéda le 15 septembre 1953. Les gens trouvèrent dans cette mort survenue quelques jours après celle de son chef, le châtiment implacable de ce dernier. D’où l’expression de ‘mourir comme Bongese et Tswambe’ qu’on utilise couramment à Mbandaka pour mettre sévèrement en garde son ennemi. Notes1. Ces archives nous ont été fournies par Isso Bokuma Boja, petit-fils de Bongese is’Ifale par sa mère Marie Bongese Bokaki. Né à Kinshasa, le 23.6.1949, Isso est actuellement fonctionnaire à l’Office Zaïrois de Radiodiffusion et de Télévision (OZRT) à Mbandaka. 2. Il s’agit d’un papier non daté mais ancien et retrouvé parmi les Papiers Bongese. 3. Voir G. Hulstaert, Le mariage des Nkundo, Bruxelles 1937, 341-344. 4. Ne serait-elle pas celle dont parle De Thier : Le Centre extra-coutumier de Coquilhatville, Bruxelles 1956, p. 14 : une fille des Baseka Nkamba, épouse de Bomboko fils de Bolila ? 5. Des notes éparses de E. Boelaert, nous tirons quelques précision : ‘Ngolo (Bekakalaka) était chef au temps de Ntangé (Fievez) et Wilima (Sarrazijn). Il est enterré là où habite Agathe. Quand Bongese revenait, Ngolo était destitué et Ifoji Bonsanga recevait, la palata du temps de Polo (De Baw). Après Mr Borms cherchait une autorité et le grand frère de Bongese : Bolembo recevait l’autorité. Du temps de Engels c’est le petit frère (bonkune) c.à.d. Bongese qui a été investi Archives Aequatoria, Fonds Boelaert H.1.6. 6a. Lire Lufungula Lewono, il y a cent ans naissait Equateurville : l’ébauche de l’actuelle ville de Mbandaka (juin 1883-jui 1983) dans : Zaïre-Afrique n° 175, mai 1983, 301-312. 6b. Arbre généalogique reconstitué par E. Boelaert. Archives Aequatoria, Fonds Boelaert H.1.6.
Noms en italiques: les personnes qui ont été instituées chefs ; chiffres entres parenthèses : l’ordre dans la succession effective. A Bonsanga, Ejimokondo se trouve au niveau de Ndangi de Baseka Nkamba. 7. Voir D. Vangroenweghe, Charles Lemaire à l’Equateur. Son journal inédit. 1891-1895, dans Annales Aequatoria 7 (1986) 26-27. 8. Archives de la paroisse de Bakusu (Mbandaka I). 9. Effectivement l’administration n’était pas sévère en ce domaine. Par ses instructions, elle essayait de combattre cette institution traditionnelle, avec peu de succès d’ailleurs. 10. Pour devenir chef, il fallait remplir les trois conditions suivantes :
Cependant l’administration coloniale avait souvent faussé la réalité en plaçant de chefs dans les villages. Une enquête administrative, non datée et non signée, nous apprend :
11. Nous suivons l’orthographe des documents. LUFUNGULA Lewono |
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